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Corentin et Caroline ont vécu 120 jours grâce à un habitat low-tech dans le désert mexicain

« Je trouve marquant qu’on ait eu juste besoin de 27 litres d’eau pour 2, par jour », relève Caroline. « Pour irriguer tout notre système de production alimentaire, c’était incroyable. On avait assez pour la cuisine, pour boire, pour l’hygiène…Et quand je reviens ici j’apprends qu’en France, c’est 150 litres d’eau consommés par jour par personne ».

Elle est architecte d’intérieur de formation, lui ingénieur. Tous deux se définissent à présent davantage comme des « explorateurs de modes de vie ». Caroline Pultz et Corentin de Chatelperron ont passé 120 jours dans le désert mexicain pour mener l’expérience low-tech Biosphère. Avec un défi : vivre en autonomie au sein d’un milieu extrêmement aride, grâce aux low-tech.

La low-tech en plein désert

« On a mis 2 mois pour arriver au Mexique », se souvient d’abord Caroline. « D’abord en voilier, puis en bus pour la traversée du pays. En arrivant en Basse-Californie on a eu 3 jours de repérages pour trouver l’endroit idéal. Et une fois sur place, un mois pour l’installation ».

Avant de partir, les explorateurs passent plusieurs mois à temps plein sur la préparation du projet. Ils consultent différents experts dans les domaines des champignons, de la spiruline ou encore des mouches soldats-noirs. La web-série diffusée mi-novembre par Arte retrace cette période.

Avant cela, tous deux y pensaient depuis des années. « C’est à force d’expérimenter les low-tech sur le Nomade des Mers. On s’est dit qu’on était vraiment convaincus par ces solutions, et qu’il fallait absolument réitérer l’expérience de Biosphère 1, qui avait eu lieu en Thaïlande », précise Caroline.

Mais alors, pourquoi une deuxième Biosphère ?

« Entre la Thaïlande et la France, on a testé des low-tech et on les a perfectionnées », répond Corentin. « Un gros paramètre était de rendre l’expérience désirable. La plateforme flottante ne faisait pas rêver, tandis que là on voulait soigner le design de notre habitat, le rendre ergonomique ».

Caroline Pultz en pleine production de spiruline dans la capsule biosphère

Un milieu contraignant

Sur ce plan, les compétences de Caroline se sont avérées précieuses.

« J’ai toujours cherché à imaginer l’habitat dans le cas où il devait devenir un écosystème de production de nourriture », note celle-ci. « Avec Corentin, on a beaucoup discuté sur la manière dont on pourrait appliquer le principe d’écosystème low-tech dans la vie quotidienne ».

À cela s’ajoute l’idée de composer avec de nouvelles contraintes.

« Dans ma Biosphère en Thaïlande, il pleuvait suffisamment pour que j’ai assez d’eau douce », relève Corentin. « Là, on a choisi un milieu bien plus contraignant, et qui évoque aussi le réchauffement climatique, la désertification des terres ».

En outre, si la Biosphère en Thaïlande validait l’idée qu’il était possible d’agencer les low-tech en écosystème et créer des interdépendances entre elles, cette Biosphère vise à aller plus loin. Il s’agit d’étudier comment changer le rapport au Vivant, à travers ces technologies.

La capsule biosphère low-tech dans le désert mexicain

Défis techniques

Cependant cette expérience impliquait quelques défis techniques, notamment celui de l’eau.

« On savait qu’il n’y avait pas le droit à l’erreur », évoque Corentin à ce sujet. « Parce que si nos dessalinisateurs ne produisaient pas d’eau , rien ne marchait dans la Biosphère. Sans eau, pas de plantes, pas de spiruline, pas d’insectes, pas de champignons. Et pas d’humains non plus ».

En termes d’intrants, seulement des céréales, des légumineuses et de l’huile. Le reste doit être produit au sein de la capsule.

Par ailleurs, si Caroline et Corentin s’étaient fait accompagnés par des experts sur chaque low-tech indépendamment, il n’avaient pas encore fait fonctionner l’écosystème en entier. Or, dans le principe d’un écosystème, si un maillon ne fonctionne pas, tout s’écroule.

En plus de cet enjeu, Caroline se souvient de sa peur de manquer de lien social.

« C’était une contrainte de n’être que deux. On est arrivés sur une nouvelle planète avec d’autres espèces vivantes. Et le fait de ne pas être centrés sur l’humain nous a finalement ouvert des portes sur le Vivant. On a découvert les coyotes, les blaireaux, les ratons-laveurs, les baleines… C’était gorgé de vie, on ne pensait pas qu’il y aurait tout ça dans le désert ».

« Être deux nous a permis de nous répartir les tâches », poursuit Corentin. « On voulait que le temps passé à s’occuper de notre écosystème ne dépasse pas une heure par jour, pour imaginer avoir un boulot ou une autre activité en parallèle. Plus on est nombreux, plus on gagne de temps à accomplir ces tâches ».

Caroline Pultz et Corentin de Chatelperron sur la capsule biosphère low-tech dans le désert mexicain

La routine du désert

Les premiers temps, tous deux travaillent d’arrache-pied pour mettre en place cet écosystème.

« Au bout d’un mois et demi, on a commencé à se chronométrer parce qu’on commençait à avoir une routine plus stable. On était à 40 minutes par personne et par jour. Et au fil du temps, on a arrêté de se chronométrer. En fait, on aimait vraiment passer du temps à prendre soin de nos insectes, de nos plantes. Finalement nos devoirs sont devenus des loisirs ».

Le reste de la journée est occupé par l’étude de la biodiversité alentour, un protocole scientifique très détaillé, mais aussi par la cuisine. Tous les repas sont composés à partir d’aliments non-transformés, qui demandent donc beaucoup de préparation. Faire tremper les légumineuses la veille, les broyer manuellement…

« Et pareil, au final on passait du temps à cuisiner pas uniquement par nécessité, mais aussi parce qu’on a mis au point des recettes qu’on trouvait délicieuses et qui prenaient du temps ».

Avant leur départ, le cuisinier Nathan Sivitz a en effet imaginé avec eux une panoplie de recettes nécessitant uniquement les quelques ingrédients présents dans la Biosphère.

Corentin de Chatelperron et le four solaire de la capsule biosphère low-tech dans le désert mexicain

27 litres d’eau par jour

Pour Corentin, l’une des grandes difficultés de l’expérience a été d’accepter de dépendre des éléments.

« Quand t’as pas de soleil, tu peux pas cuire avec le four solaire, les dessalinisateurs ne produisent pas d’eau, les plantes poussent moins vite… Donc il faut s’organiser. Au bout d’un moment on faisait en sorte de cuire assez d’aliments pour que quand il n’y avait plus de soleil on ait quand même à manger ».

Dans la Biosphère, l’eau provient entièrement des dessalinisateurs solaires. De grandes caisses en bois contenant un tissu noir et recouvert d’une vitre. Lorsque le tissu se trouve imbibé d’eau de mer, les rayons du soleil créent de la condensation. L’eau douce, sous forme de buée, percole le long de la vitre pour être ensuite récoltée.

Sur place, pas une goutte de pluie à récupérer. 

« On avait scanné la planète pour trouver l’endroit où il n’y avait pas de pluie de l’année », révèle Caroline. « Au début, le dessalinisateur ne produisait que 2 litres d’eau douce, et au fur et à mesure qu’on l’a optimisé, on est passés à 42 litres ».

Une production largement supérieure à celle qui était nécessaire.

« Je trouve marquant qu’on ait eu juste besoin de 27 litres d’eau pour 2, par jour », relève Caroline. « Pour irriguer tout notre système de production alimentaire, c’était incroyable. On avait assez pour la cuisine, pour boire, pour l’hygiène…Et quand je reviens ici j’apprends qu’en France, c’est 150 litres d’eau consommés par jour par personne ».

Les dessalinisateurs de Caroline Pultz et Corentin de Chatelperron pour la capsule biosphère lowtech dans le désert mexicain

Une vision du futur

De retour en France, quel bilan tirer de cette aventure ?

« C’est une expérience qu’on a vraiment adoré », confie Corentin. « Les deux premiers mois on bossait à fond pour que ça marche, mais à la fin c’était un plaisir dingue. On était au milieu de la nature, on s’émerveillait de tout, chaque bruit qu’on entendait…On se sentait intégrés dans ce monde là ».

« Ce qui nous a le plus marqué, c’est d’avoir une expérience de la nature au quotidien, grâce aux moyens technologiques de la low-tech », confirme Caroline.

« Cette expérience dans le désert a confirmé les intuitions dont on avait parlé il y a un an », conclut Corentin. « Créer plus de collaborations avec la nature, plus de synergies. Il y a plein de cas où au lieu d’inventer une machine, tu crées une synergie avec une autre espèce, et en fait c’est bien mieux. On a avancé dans notre vision du futur ».

La suite ? Le développement d’un projet qui semble déjà largement fédérateur : une nouvelle Biosphère, cette fois en milieu urbain. 

Marine Wolf

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