Comment influencer les foules ? Un documentaire en replay sur Arte, réalisé par Jimmy Leipold, décrypte les rouages de la propagande, cette « fabrique de consentement » des masses, notamment à travers le parcours d’un homme : Edward Bernays, inventeur des « Relations publiques » et auteur de « Propaganda, comment manipuler l’opinion en démocratie ».
Propagande, la fabrique du consentement
Tous les jours, nous sommes submergés par des millions de messages publicitaires, sur nos écrans ou dans l’espace public, conçus pour influencer notre choix pour acheter, voter ou adhérer à une idée. Qu’on en ait conscience ou non, ces messages créent des communs culturels au sein de nos populations, comme les loisirs. Ces messages sont conçus grâce à des techniques de persuasion inventées il y a un siècle aux Etats-Unis.
Le documentaire « Propaganda, la fabrique du consentement » détaille comment l’oligarchie de l’époque a réussi à imposer l’idéologie capitaliste comme garante d’un niveau de vie supérieur pour la population, en créant des besoins chez elle.
« Pour imposer leur pouvoir, les régimes autoritaires ont choisi la force. Nos démocraties ont choisi les relations publiques. » Introduction du documentaire
Le documentaire part de la « Commission Creel », nommée d’après le journaliste George Creel qui la dirigea, mise en place en 1917 pour convaincre l’opinion publique américaine de la nécessité de partir en guerre contre l’Allemagne. Alors qu’il avait été élu sur la promesse de ne pas engager les Etats-Unis dans la guerre en Europe, Thomas Woodrow Wilson réussit en seulement un an à changer radicalement l’opinion publique grâce à une campagne de propagande sans précédent :
Affiches, « autocensure » des médias, embauche de célébrités comme Charlie Chaplin pour soutenir leurs arguments en faveur de la guerre, etc. Edward Bernays fut l’un des membres actifs de cette commission. C’est là qu’il développa un tout nouveau secteur d’activité utilisant les techniques de la propagande : les relations publiques.
Les relations publiques, le masque de la propagande
A travers des archives mais aussi une analyse critique, dont celle du célèbre linguiste Noam Chomsky, ce documentaire montre comment les grands patrons se sont emparés de la propagande pour servir au mieux leurs intérêts, et modeler entièrement une société basée sur « l’American Way of life ».
A la fin de la première Guerre Mondiale, alors que les politiques se désintéressent de la propagande, les industriels font face à des mouvements de grève dans tout le pays, menés par une classe ouvrière exsangue et révoltée par des conditions de travail aberrantes. Edward Bernays s’interroge :
« S’il a été possible de faire adhérer les américains à la guerre sans remettre en cause les principes démocratiques, il doit être possible de faire adhérer les classes ouvrières au modèle de société qu’ils ont toujours rejeté : le capitalisme. »
Il ouvre ainsi son premier bureau à New-York en 1919 pour proposer ses services aux industriels en proie avec la classe ouvrière.
Double-neveu de Sigmung Freud, Edward Bernays met en avant ce lien familial auprès de ses nouveaux clients pour revendiquer son expertise et sa compréhension des désirs inconscients des foules. Quel est le rapport entre la popularité de la cigarette chez les femmes, le petit-déjeuner à l’américaine (avec du bacon) et le renversement du gouvernement du Guatemala en 1954 qui fit des centaines de milliers de morts pendant plusieurs décennies ?
Toutes ces campagnes ont été menées avec succès par Edward Bernays pour différents clients. Basé sur le principe de Thomas Jefferson « Dans une démocratie, tout dépend du consentement du peuple », Edward Bernays décrit lui-même son travail comme de la propagande destinée à manipuler l’opinion dans un régime démocratique. Peut-on encore vraiment parler de démocratie si les foules sont privées de leur libre arbitre et soumises à l’influence d’un petit groupe de personnes ? Nous sommes tous appelés à regarder avec attention dans quel but et pour quels intérêts ces messages nous sont transmis.
Finalement, ce documentaire fait penser à la fameuse interview du milliardaire américain Warren Buffet, par CNN. Il avait alors déclaré en 2005 : «Il y a une guerre des classes, c’est un fait. Mais c’est ma classe, la classe des (très) riches, qui mène cette guerre et qui est en train de la gagner.»
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