Jeudi 12 juin, les sénateurs doivent se prononcer sur la « taxe Zucman », un impôt minimum de 2 % sur les personnes détenant un patrimoine d’au moins 100 millions d’euros. Inspirée des travaux de l’économiste français Gabriel Zucman, cette mesure concernerait 1 800 foyers fiscaux.
Les ultra-riches paient deux fois moins d’impôts en France
La majeure partie des français doit verser près de 50% de leurs revenus en cotisations sociales et prélèvements obligatoires. Mais pour les ultra-riches, ce chiffre tombe à 27%, presque deux fois moins, grâce à des montages financiers permettant l’optimisation fiscale. Face à cette « violation manifeste du principe fondamental d’égalité devant l’impôt », des économistes proposent de créer un impôt plancher de 2% du patrimoine, dite taxe Zucman.
« Cet impôt plancher de 2% est une contribution différentielle, qui ne s’appliquera que si le montant d’impôts déjà payés par le contribuable est inférieur à 2 % de sa fortune, précise Gabriel Zucman. Dans ce cas, il devra s’acquitter de la différence. Ce mécanisme anti-abus permet donc, par construction, de ne cibler que ceux qui, parmi les plus fortunés, mettent en place des schémas d’optimisation pour échapper à l’impôt. »
Par comparaison, la taxe Zucman n’est pas un nouvel impôt de solidarité sur la fortune (ISF). En effet, l’ISF exonérait de fait les plus grandes fortunes à travers de nombreuses niches fiscales, et touchait ceux dont le patrimoine commençait à 1,2 millions d’euros en 2017.
Votée en février dernier à l’Assemblée nationale, la “taxe Zucman” fait écho aux aspirations de près de 80% des Français·es qui appellent à davantage taxer les ultras-riches. Ce 12 juin, c’est au tour des sénateurs de se prononcer sur le texte. Ciblée sur les patrimoines de plus de 100 millions, cette taxe toucherait environ 1800 foyers français et rapporterait entre 20 milliards d’euros par an au budget de l’État.
La taxe Zucman, une mesure de « justice sociale et fiscale »
Au moment où le gouvernement recherche 40 milliards d’économie, la sénatrice Mélanie Vogel, vice-présidente du groupe écologiste au Sénat défend cet impôt plancher de 2 % sur les ultra-riches. Au micro de RFI, elle explique que cette mesure de « justice sociale et fiscale » permettrait que « les plus grandes fortunes paient autant que les classes moyennes ».
« Avec cette mesure extrêmement ciblée, on peut trouver à peu près de ce dont on a besoin en 2026 pour réduire notre déficit ou financer nos services publics, nos investissements » explique Gabriel Zucman.
Pour Ghislaine Senée, sénatrice écologiste des Yvelines, « à l’heure où le gouvernement demande de plus en plus d’efforts et parle d’économies sur les dépenses sociales, les premiers de cordée, l’élite, doivent montrer l’exemple ».
Pour cause, les écarts de richesse progressent de manière importante en France. « L’augmentation de leur richesse est de + 890 % depuis 2003 », dénonce Ghislaine Senée. « Rien que la « richesse de Bernard Arnault, c’est environ le PIB du Maroc à lui tout seul. L’ensemble des grandes fortunes représente 50% du PIB de la France. »
A l’heure actuelle, cette initiative est soutenue par l’ensemble de la gauche sénatoriale, la majorité du groupe RDSE et certains sénateurs du groupe Union centriste (UC). Reste à voir si la droite sénatoriale va suivre et faire la différence.
Le gouvernement Macron, lui, s’était opposé au texte lors de son examen à l’Assemblée. Il propose un dispositif alternatif « 40 fois plus faible », dénonce Gabriel Zucman, qui rapporterait 500 millions d’euros par an au lieu de 20 milliards.
Les opposants à cette taxe prétendent être inquiets du risque d’exil fiscal qui en découlerait. Pour Gabriel Zucman, Olivier Blanchard, ancien chef économiste du Fonds monétaire international (FMI), et Jean Pisani-Ferry, qui avait dirigé le programme d’Emmanuel Macron en 2017, cet argument est faux. « Les études universitaires menées sur la question sont unanimes : l’exil fiscal n’est pas nul, mais il est très faible, très rare », expliquent-ils dans Le Monde.
De son côté, la société civile a lancé une grande mobilisation pour faire pression sur les maires de France, qui sont les grands électeurs des sénateurs. Plus de 50 d’entre eux – Lyon, Lille, Bordeaux , Blois, Auray… – , sur les 36 000 communes du pays, ont publié une tribune de soutien à cette taxe qui permettrait de garantir « des services publics de proximité essentiels à la cohésion sociale » en cette période de coupes budgétaires.
« En 2025, l’effort financier demandé aux collectivités locales est au minimum de 5,7 milliards d’euros à travers une ponction sur nos recettes, des baisses de dotations, mais aussi une baisse drastique du fonds vert de près de 1,3 milliard et donc du soutien à l’investissement des collectivités dans la transition écologique » rappellent-ils.
Une pétition d’Oxfam France demandant la mise en place de la taxe Zucman a recueilli plus de 50 000 signatures : « Ce thème de taxation des milliardaires a une grande place dans l’opinion publique, tous bords confondus. Le monde politique ne peut plus ignorer l’injustice vécue par les français » explique Stanislas Hannoun, responsable de campagne Justice fiscale et inégalités, pour La Relève et La Peste
Demain, tous les regards seront tournés vers les sénateurs et leurs votes. « Il semble difficile de demander des efforts aux autres catégories sociales avant d’avoir corrigé cette anomalie de nos lois fiscales qui permet aujourd’hui à nos plus grandes fortunes de se soustraire, en grande partie, aux charges communes » concluent les économistes.
S’informer avec des médias indépendants et libres est une garantie nécessaire à une société démocratique. Nous vous offrons au quotidien des articles en accès libre car nous estimons que l’information doit être gratuite à tou.te.s. Si vous souhaitez nous soutenir, la vente de nos livres financent notre liberté.