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César Bazaar refait vivre un savoir-faire quasiment disparu en France

« La majorité de la production mondiale vient du Maroc et du Vietnam. En France, on est seulement quatre à continuer à en faire. »

Aussi curieux que touche-à-tout, César Bazaar s'est lancé il y a peu dans la construction artisanale de carreaux de ciment. Un savoir-faire très peu répandu en France, que le trentenaire transmet lors d'ateliers pédagogiques qui allient artisanat, écologie et militantisme.

Avenue du général Leclerc, face au cimetière parisien de Pantin (Seine-Saint-Denis), il n’y a pas un chat en cette matinée de printemps. La marbrerie funéraire qui jouxte un magasin de réparation automobile n’a pas encore ouvert ses portes et à quelques pas de là, le bar-tabac semble avoir été déserté de longue date. Seuls les aboiements joyeux d’un chien se font entendre derrière une porte de garage. C’est là, aux portes de Paris, que César Bazaar a installé son atelier de carreaux de ciment il y a trois ans.

Ancien ingénieur informatique dans les jeux vidéo, le trentenaire est tombé amoureux de cet artisanat centenaire un peu par hasard il y a quelques années.

« Je mangeais sur une table faite en carreaux de ciment et je me suis demandé comme s’était fait, rembobine l’artisan en refermant la porte de son atelier derrière lui. A partir de là, j’ai commencé à m’y intéresser et ça ne m’a plus jamais lâché. »

César Bazaar dans son atelier

César Bazaar dans son atelier

Un savoir-faire quasiment disparu en France

En fouillant, le touche-à-tout découvre l’histoire de ce savoir-faire né en Ardèche vers 1850, à une époque où les pavages étaient faits de matériaux onéreux comme le marbre ou le granit.

« En comparaison, les carreaux de ciment, c’était un peu le carrelage low cost, réalisé par des ouvriers », détaille-t-il. Pourtant, face notamment au coût élevé de la main d’œuvre, le carreau de ciment disparaît progressivement, tant et si bien qu’aujourd’hui, « la majorité de la production mondiale vient du Maroc et du Vietnam, continue l’artisan. En France, on est seulement quatre à continuer à en faire. »

Rare détenteur de ce savoir-faire, César Bazaar s’est formé auprès d’artisans marocains, avec lesquels il continue à travailler de temps en temps. Sur place, ces derniers lui ont appris à manier l’eau, le ciment, le sable et les pigments, « les ingrédients de base pour réaliser des carreaux de ciment », sourit le professionnel en saisissant un diviseur, cette pièce destinée à circonscrire puis couler les motifs colorés d’un carreau. Des motifs ensuite figés grâce à un mélange de sable et de ciment, puis moulés et pressés à la presse hydraulique.

« On ne dirait pas comme ça, mais c’est très physique, insiste César Bazaar en retirant le carreau de la presse pour ensuite le démouler, avant de l’entreposer et le faire sécher pour une durée d’environ trois semaines. Ça demande aussi beaucoup de patience, puisqu’on travaille un carreau après l’autre. »

César devant sa presse hydraulique

Des déchets en papier réutilisés

Pour réaliser un mètre carré à partir de sable, de poudre de marbre, d’eau, de ciment et de pigments, l’artisan a besoin d’environ deux jours de travail. Le mètre carré est ensuite vendu entre 300 et 500 euros.

« Pour ceux qui veulent acheter des carreaux, c’est un gros investissement, confesse César Bazaar, mais quand les gens me passent commandent, ils achètent autant un travail artisanal qu’une œuvre d’art ».

De fait, l’artisan collabore avec une quarantaine d’artistes qui dessinent spécialement pour lui les motifs présents sur ses carreaux. Des motifs d’ailleurs souvent très colorés, à l’image de l’atelier de César Bazaar, que ce dernier envisage avant tout comme un « laboratoire » d’expérimentation.

En recherche perpétuelle de nouvelles trouvailles, César Bazaar ajoute par exemple parfois des chutes de papier à ses carreaux. Une innovation qui lui a d’ailleurs valu de figurer parmi les lauréats 2021 de la plateforme Faire, un programme d’expérimentation sur les matériaux lancé par le Pavillon de l’Arsenal et la Mairie de Paris.

« Je me suis dit qu’au lieu de jeter les déchets en papier, autant les récupérer pour les intégrer à la fabrication de carreaux, explique-t-il. Ça permet d’utiliser un peu moins de ciment ».

Une façon novatrice, donc, de remplacer une partie du ciment par une pâte à papier issue de rebuts de journaux, de cartons et d’emballages, et ainsi de repenser la fabrication des carreaux de ciment à travers l’intégration de matières recyclables.

Les créations de César Bazaar

Les créations de César Bazaar

« Reconnecter avec la façon dont les choses sont faites »

Pour autant, l’artisan insiste : il ne fait pas de carreaux « écolos ». « Je continue à utiliser du ciment  et puis je ne suis même pas sûr qu’ajouter du papier soit moins polluant, étant donné les difficultés à tracer l’origine du papier et l’énergie que ça demande pour le broyer », développe-t-il.

Par contre, là où César Bazaar voit une dimension écologique et militante à son travail, c’est à travers les ateliers d’initiation qu’il organise régulièrement dans son atelier de Seine-Saint-Denis. Des ateliers qui permettent aux participants de « reconnecter avec un geste qui date de 150 ans et qu’ils pensaient industriel », dit-il, avant de renchérir : « Quand tu reconnectes avec la façon dont les choses sont faites, c’est déjà une grande avancée ».

Pour le passionné, ces ateliers sont également l’occasion de sensibiliser les apprentis-artisans à la production de ciment et aux émissions de gaz à effet de serre qu’elle génère. Selon l’ONG Réseau Action Climat, en France, la production de ciment représente à elle seule 12,5 % des émissions de gaz à effet de serre de l’ensemble des secteurs industriels.

« Faire des carreaux de ciment, c’est l’occasion de parler de cette pollution et de remettre l’utilisation du ciment dans un contexte plus large », insiste César Bazaar.

César Bazaar fabrique des craies à partir de ses déchets

Faire de l’atelier un lieu de réinsertion professionnelle

Désireux d’inscrire son activité artisanale dans une démarche consciente, César Bazaar s’attelle également depuis peu à récupérer les déchets issus des pâtes de ciment colorées, afin d’en faire des craies à dessin destinées à la vente. Une fois vendues, les bénéfices sont ensuite intégralement reversés au Secours populaire.

« Pendant des années, j’ai jeté ces déchets sans me douter que je pourrais en faire quelque chose de ludique, explique-t-il. Les transformer en craie puis les vendre au profit d’une association me permet de lutter contre le gâchis autant que de donner du sens à mon travail en l’inscrivant dans une dimension plus sociale », continue celui qui, à terme, voudrait accueillir au sein de son atelier des personnes en réinsertion professionnelle.

Autant de projets en cours d’élaboration que le passionné souhaite continuer à développer, lui pour qui « le carreau de ciment est avant tout un médium, conclut-il, les yeux pétillants, prêt à s’atteler à la réalisation d’un nouveau carreau. Si ça peut servir à reconnecter les gens à leur environnement et à la façon dont les choses sont faites autour d’eux, alors j’ai déjà un peu réussi. »

Cecile Massin

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