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Ces français se battent pour changer les mentalités sur la contraception masculine

Lorsque l’on recherche sur le site du gouvernement les solutions contraceptives possibles pour les hommes, seules 3 sont proposées. Le retrait, peu efficace, la vasectomie, potentiellement définitive, et le préservatif masculin. Cependant d’autres solutions plus confidentielles existent pour les hommes. 

Pierre Colin est bénévole à l’Ardecom. Cette association milite depuis les années 70 entre autres pour le développement de la contraception masculine. Maxime Labrit, ancien infirmier, s’engage pour cette ambition et invente l’andro-switch un anneau en silicone qui permet de se contracepter. Noémie Gailleux est doctoresse au planning familial et accompagne notamment des hommes vers différents moyens de contraception. Leurs témoignages pour La Relève et la Peste offrent un aperçu du paysage de la contraception masculine en France et dans le monde. 

Lorsque l’on recherche sur le site du gouvernement les solutions contraceptives possibles pour les hommes, seules 3 sont proposées. Le retrait, peu efficace, la vasectomie, potentiellement définitive, et le préservatif masculin. En face de cela, 8 dispositifs peuvent être utilisés par les femmes. Cependant d’autres solutions plus confidentielles existent pour les hommes. 

La contraception thermique

Parmi celles-ci, la contraception thermique. Le concept est simple: augmenter la température des testicules – de 34° à 36°C – en les plaçant plus près du corps. Pour cela, les testicules sont écartées du scrotum pour se rapprocher de la poche inguinale superficielle. 

La manœuvre provoque une diminution de la production de spermatozoïdes en dessous du seuil de fertilité. Cela est permis grâce à un dispositif – slip ou anneau – dans lequel un orifice est créé au niveau de la racine de la verge. Par cet orifice, l’homme fait passer son pénis, puis la peau scrotale par traction manuelle douce, ce qui amène une remontée des testicules dans la position souhaitée.

© Thoreme

L’initiative naît il y a 30 ans à Toulouse, aujourd’hui il n’existe encore aucun protocole médical partagé par l’OMS. Néanmoins, celui des docteurs Mieusset et Soufir du CHU de Toulouse ont montré l’efficacité de la méthode. 

Ce protocole stipule le port du dispositif durant 15 heures tous les jours, de préférence durant les heures d’éveil – car la température des testicules augmente naturellement pendant le sommeil. Le bénéficiaire devient infertile après environ 3 mois d’utilisation du dispositif. 

L’expérimentation du docteur Mieusset et Souphir montre la réversibilité de la méthode. En effet, quelques mois après l’abandon du dispositif la production de spermatozoïdes revient à la normale. Aucun effet secondaire n’est relevé, néanmoins les personnes avec des antécédents d’anomalies de la descente des testicules, – cryptorchidie, ectopie – de hernie inguinale, ou de cancer du testicule ne peuvent appliquer la méthode.

Membre de l’Ardecom – l’Association pour la Recherche et le Développement de la Contraception Masculine – Pierre Colin raconte l’historique de cette alternative en lien étroit avec celle de l’association. 

“L’Histoire de l’Ardecom remonte à la fin des années 70, dans la mouvance des collectifs féministes. L’ambition de ce groupe d’hommes vise à remettre en cause le pouvoir mâle et militer pour l’égalité Hommes-Femmes, c’est l’axe principal. Le deuxième axe, c’est la diffusion de l’information sur les moyens de contraception. Le troisième, c’est de stimuler les médecins pour qu’ils se forment, pour qu’ils prescrivent, et pour qu’ils reçoivent des hommes.” 

“La contraception est un outil pour arriver à tout cela. Pour ma part je suis le premier “contracepté” avec la méthode hormonale. J’ai été accompagné à l’époque par le docteur Souffir. Puis, dans la suite de cette initiative, j’ai créé l’association avec d’autres personnes”, relate Pierre Colin

L’Ardecom n’est aujourd’hui plus le seul, d’autres groupes d’hommes se développent un peu partout en France et même en Allemagne, en Belgique, et au Canada. Comme le collectif Thomas Bollou en Bretagne, ou GARCON à Toulouse. Ces derniers ont en commun d’animer des ateliers de fabrication artisanale de slips contraceptifs, qui sont l’occasion de temps d’échanges et de présentation de la méthode. L’initiative reste malgré tout peu connue.

Slip contraceptif fabriqué à la main © collectif Thomas Bollou

L’Andro-switch 

Une invention a démocratisé plus largement la pratique : L’Andro-switch. À l’origine du dispositif, Maxime Labrit, ancien infirmier. Aujourd’hui, ce dernier se consacre à Thorème, son entreprise à travers laquelle il sensibilise le public sur différentes thématiques et commercialise l’anneau. L’Andro-switch est un anneau en silicone fonctionnant sur le même principe de remontée testiculaire, afin de provoquer une contraception thermique.

“J’ai beaucoup travaillé dans l’accès aux soins, avec des populations en situation de grande précarité ou vivant une migration. C’est au cours de mon activité professionnelle que dans ma vie personnelle s’est posée la question de la contraception. Je suis tombé par hasard sur le site de l’Ardecom, j’ai découvert la contraception thermique et hormonale. J’ai pris conscience de l’ignorance dans laquelle je me trouvais quant à mes capacités réelles à me responsabiliser sur la maîtrise de ma fertilité. Et des conséquences que cela avait dans les choix de couples sur nos pratiques contraceptives. 

De fil en aiguille, je me suis fabriqué mon propre dispositif. Cette histoire à l’origine personnelle est devenue collective. Maintenant je me dédie entièrement à cette cause à travers Thorème, accompagné par la coopérative Entrelac” ,explique Maxime Labrit pour La Relève et La Peste.

© Thoreme Anneau Andro-switch

Peu de temps après sa commercialisation en 2018 le dispositif est interdit à la vente par l’Agence régionale de Santé qui exige que l’anneau en silicone chemine vers une norme européenne par principe de précaution. 

La norme CE permet aux dispositifs médicaux d’être proposés au plus grand nombre, en respectant des critères de sécurité. C’est une très bonne chose. Cependant il se trouve que tout ce qui se rattache à la contraception est enfermé dans une classification ou les objets sont considérés comme très dangereux. L’anneau en silicone est considéré comme aussi dangereux qu’un respirateur ou un appareil à dialyse. Les normes à respecter et l’argent à dépenser pour pouvoir mettre en place ces dispositifs sont énormes. C’est la raison principale pour laquelle ces dispositifs ne sont jamais arrivés sur le marché jusqu’à aujourd’hui. Tous ceux qui y sont confrontés n’ont jamais pu lever autant d’argent et produire autant de littérature. La réglementation est faite par des lobbies pharmaceutiques pour ces lobbies. Derrière eux, il y a des petits groupes d’actionnaires, des hommes blancs cis hétéro qui n’ont aucune envie d’amener sur le marché un dispositif moins lucratif”, raconte Maxime

Entrelac, dont fait partie Pierre Colin est une coopérative qui accompagne entre autres Maxime Labrit et l’Andro-switch vers la certification européenne. Ils se trouvent au départ d’un parcours qui durera minimum 5 ans.

La première étape a débuté, il s’agit de constituer un dossier composé de deux parties. L’une s’articule autour de différents essais cliniques sur plus d’une centaine de patients. L’autre a pour enjeu la construction du laboratoire de production dans le respect des normes sanitaires. S’ensuit le sésame, la certification par un organisme permettant la vente dans toutes les pharmacies d’Europe.

La manœuvre coûte un million d’euros, Entrelac en a déjà levé 300 000 provenant du Male Contraceptive Initiative, une association à but philanthropique américaine. Cette somme financera une partie des essais cliniques, mais elle reste insuffisante et l’État français ne va très certainement pas y contribuer. La raison, une idéologie viriliste encore trop présente dans la société et le monde médical. 

Une méthode dans un flou juridique

Médecin au planning familial, Noémie Gagnieux explique sa position vis-à-vis du procédé et raconte le flou dans lequel se trouve le corps médical à propos de la contraception thermique. 

“En France, la Haute Autorité de Santé prend en charge tous les sujets médicaux et fait des recommandations. Cependant, il n’y a aucune recommandation à propos de la contraception thermique. La H.A.S. n’a jamais rien écrit sur le sujet – et même à propos de la méthode hormonale. Lorsque l’on est médecin, on utilise des dispositif médicaux, des médicaments… Tout ce que nous faisons, soit on nous l’a transmis par la parole et la pratique en stage, soit nous l’avons lu. Or, à propos de la contraception nous n’avons pas de conseil. C’est extrêmement inconfortable cette situation.”

“Mon point de vue sur la contraception thermique c’est que nous sommes [ les praticiens ] hors cadre.  L’agence nationale du médicament a tout de même écrit à travers un courrier aux médecins de “ne pas faire de publicité de la méthode”.”

En résumé, les médecins généralistes n’ont pas d’interdiction d’accompagner des patients vers la contraception thermique, mais contrairement à la majorité de leurs pratiques ils n’ont pas de consignes qui les y encouragent. S’applique alors le principe d’une médecine de réduction des risques. 

C’est-à-dire que plutôt que les patients expérimentent la méthode en autonomie, certains doctoresses et docteurs considèrent qu’il est préférable qu’ils soient accompagnés. Même s’ils pratiquent et prescrivent dans une zone grise.

“J’ai décidé de continuer à accompagner parce qu’ il y a énormément de patients qui font cela seuls et je pense que c’est bien plus dangereux. On est dans une sorte de temps intermédiaire durant 5 ans, et je trouve ça plus souhaitable d’accompagner les gens. Pour leur dire que c’est expérimental, qu’il y a des contres-indications, qu’ils puissent utiliser la méthode en connaissance de cause ” argumente Noémie Gagnieux.

Un autre vide juridique concerne la prescription de spermogrammes. Ce test, en quantifiant la densité de spermatozoïdes dans le sperme, permet de déterminer la fertilité d’une personne. Alors qu’il est habituellement prescriptible dans le cadre d’une PMA, il est nécessaire d’en réaliser régulièrement pour mesurer l’infertilité des “contraceptés”. Une autre pratique aujourd’hui tolérée, mais à l’initiative personnelle des médecins.

En l’absence de sondage, il reste difficile de déterminer le nombre d’adeptes de la méthode contraceptive thermique. Nonobstant, en estimant le nombre de slips fabriqués lors des ateliers et le nombre d’anneaux commercialisés, on peut affirmer qu’au minimum plus de 15 000 personnes ont déjà eu recours à cette méthode en France. Un chiffre qui témoigne qu’une meilleure répartition de la charge contraceptive au sein du couple est possible. 

Pourquoi la pilule contraceptive n’existe toujours pas ?

Selon Pierre Colin, la réponse est claire. “La pilule contraceptive n’existe pas et n’existera jamais, car la testostérone est détruite par le foie donc on ne peut pas en ingérer.” 

Maxime Labrit rétorque sur le sujet : “Il y a une forme de protection pour ne pas toucher au testicules, une domination patriarcale. Et les médias en sont partie prenante. En réalisant un historique depuis plusieurs années, on constate régulièrement dans la presse des effets d’annonce tous les ans, tous les six mois. Une pilule miracle pour les garçons est promise prochainement. Un truc qui arrive bientôt. Mais ce truc n’arrive jamais ! Encore récemment, il y a eu un article avec des tests sur des souris.”

Le vasalgel 

Autre solution, le Vasalgel. Proche d’une vasectomie sans scalpel, la procédure consiste à injecter un gel dans le canal déférent – le tube que traverse le sperme – plutôt que de le couper – comme cela est fait durant la vasectomie. Si un homme souhaite rétablir le flux de sperme, que ce soit après des mois ou des années, le polymère est évacué du canal par une autre injection. 

Pierre Colin réagit sur l’initiative. “La réversibilité n’est pas assurée, on peut boucher les canaux déférents, mais on n’est pas sûr de pouvoir les rouvrir. Pour le moment, il n’est pas autorisé. Lors du dernier congrès de l’ICMC qu’il y a eu en mai 2022 à Paris, les praticiens ont conclu sur le sujet qu’ il n’y aurait rien avant 10 ans.”

La méthode hormonale

Autre espoir pour équilibrer le choix entre hommes et femmes une injection hebdomadaire d’énanthate de testostérone intramusculaire. Elle agit après 1 à 3 mois de traitement. Des spermogrammes sont à réaliser régulièrement pour vérifier la concentration de spermatozoïdes. L’objectif : réduire la concentration de spermatozoïdes à 1 million/ml. 

©Kaizen-G.Maréchal

Le plus gros frein à l’utilisation de cette contraception sont les effets secondaires ressentis chez certains hommes, très proches de ceux ressentis par les femmes qui prennent la pilule : acné, libido excessive, prise de poids, déprime… Autre raison, cette solution nécessite une piqûre, un blocage fort dans l’imaginaire collectif français. Cette méthode n’est pas encouragée par la H.A.S. alors même qu’un protocole de l’OMS encadre sa pratique. 

Grâce à toutes ces possibilités il est possible de se réapproprier la contraception et de bousculer le schéma actuel. Comme le raconte Maxime Labrit :

“En France il y avait cette idée que tu commences ta vie sexuelle avec la capote, ensuite c’est la pilule, enfin, au bout d’un certain temps c’est le stérilet. Ce parcours, n’est pas le modèle Anglo saxon, par exemple les hommes anglais utilisent beaucoup plus la vasectomie.”

Entre méthode hormonale et thermique, la gent masculine n’a plus d’excuses pour assumer la charge contraceptive.

Elouan Ameline

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