Si les feux provoqués par l’homme sont bien connus, l’usage des pesticides l’est un peu moins en forêt amazonienne. Pourtant, le phénomène fait rage depuis des années par voie des airs, une méthode utilisée par les agroindustriels pour échapper au contrôle par satellite de l’agence environnementale brésilienne.
Tuer la forêt primaire en épandant des pesticides par voie des airs, que ce soit en hélicoptère ou en avion, prend plusieurs mois : soit bien plus de temps qu’une « déforestation classique » usant d’une artillerie lourde pour faire une coupe rase, ou par la création d’incendies.
Or, depuis 2018, l’épandage de pesticides est de plus en plus souvent utilisé par les agroindustriels pour transformer petit à petit des hectares de forêt primaire en monoculture. La raison : cette méthode leur permet de passer inaperçus des satellites d’IBAMA, l’agence environnementale brésilienne.
Les pesticides utilisés sont notamment du glyphosate, du carbosulfan et du 2,4-D, un composant entrant dans la fabrication de l’agent orange, utilisé comme arme de guerre chimique durant la guerre du Vietnam, selon une enquête de Repórter Brasil et Agência Pública.
Une fois les arbres affaiblis, ils sont abattus par les agroindustriels qui peuvent ensuite semer, toujours depuis les airs, de l’herbe sur les parcelles dégarnies des anciennes forêts primaires. L’agroindustrie peut alors commencer ses cultures.
« Dégrader volontairement des forêts par les pesticides est une agression majeure pour l’environnement. L’herbicide 2,4D, par exemple, est capable de tuer de grands arbres, et l’insecticide carbosulfan est hautement toxique. Les animaux mangeront des feuilles et des fruits empoisonnés de la forêt [pendant que la végétation meurt]. Et c’est également très dangereux pour la santé de quiconque se trouvant à proximité lorsque les pesticides sont épandus », a expliqué Eduardo Malta, biologiste à l’ONG Instituto Socioambiental (ISA), à Mongabay.
Pour effacer les preuves, les bidons des pesticides sont souvent jetés dans la forêt primaire, empoisonnant petit à petit d’autres parcelles de forêt primaire. Malheureusement, les autorités brésiliennes manquent de moyens pour endiguer le fléau.
La majorité des amendes infligées aux agriculteurs ne sont jamais réglées, créant un sentiment d’impunité. En cause : le manque de moyens d’IBAMA. Selon le site d’information Mongabay, les agents de terrain n’étaient que 519 pour couvrir les six biomes brésiliens en 2019, contre 1 311 en 2010, dernière année durant laquelle a pu procéder à de nouveaux recrutements.
IBAMA souhaiterait que le gouvernement brésilien participe à l’éducation et à la sensibilisation des agriculteurs sur cette problématique cruciale. Mais la politique menée par Bolsonaro, en faveur de l’agroindustrie, fait craindre le pire aux protecteurs de la forêt amazonienne, qui risque d’atteindre prochainement un point de bascule et transformer ce riche écosystème, crucial à l’équilibre du système-Terre, en désert aride.