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À Marseille, des boudins de cheveux sont utilisés pour dépolluer le Vieux-Port

« L’intérêt de la fibre capillaire, c'est qu'au contact d'un liquide, les écailles du cheveu vont s'ouvrir. Et de ce fait, quasiment 100 % de la surface va absorber le gras contenu dans de nombreux carburants »

C’est en saisissant la gravité de la pollution maritime que de nombreuses initiatives se créent pour agir sur tous les fronts. À commencer par les ports. L’une d’entre elles propose une solution innovante fabriquée à partir de cheveux recyclés, conçue pour absorber les hydrocarbures dans les zones d’avitaillement.

Le pouvoir absorbant du cheveu, matière première inépuisable

En France, on estime la ressource cheveu disponible à hauteur de 4 000 tonnes par an que l’on pourrait récupérer au droit des salons de coiffure. L’association  « Coiffeurs Justes » créée en 2015 par Thierry GRAS a imaginé un concept permettant de récolter simplement cette matière première, qui était jusqu’à présent jetée à la poubelle. En recyclant ces déchets, il est possible de créer de nouveaux produits tout en réduisant l’impact environnemental du monde de la coiffure et de faire du cheveu une véritable ressource valorisable. 

La kératine, protéine fibreuse qui compose le cheveu, peut être transformée en une variété de matériaux et de produits écologiques. Et son usage ne date pas d’aujourd’hui, puisque dans l’Antiquité, on s’en servait pour la fabrication de couvertures et de chapeaux. Actuellement, elle est utilisée comme compost pour réduire l’engrais chimique, transformée en tissu résistant à l’image de la laine ou encore mélangée avec d’autres matériaux écologiques pour créer des écosystèmes de constructions durables et alternatifs.

Sacs à cheveux

Sacs à cheveux – Crédit : Coiffeurs Justes

Les cheveux sont également lipophiles et captent les matières grasses. C’est cette propriété qui a intéressé Thomas Spreng, créateur de l’entreprise Ecofhair en 2021, à l’origine de l’invention des boudins de cheveux recyclés, qui s’est donnée comme mission de développer l’économie circulaire et les activités de dépollution.

« L’intérêt de la fibre capillaire, c’est qu’au contact d’un liquide, les écailles du cheveu vont s’ouvrir. Et de ce fait, quasiment 100 % de la surface va absorber le gras contenu dans de nombreux carburants » explique Thomas pour La Relève et La Peste.

Insérer des cheveux recyclés dans des boudins en tissu va créer des barrières flottantes anti-pollution pouvant être utilisées pour protéger les zones maritimes contre les déversements d’essence, d’huile de moteur et autres contaminants.

Petits boudins de cheveux

Petits boudins de cheveux

Des boudins de cheveux pour dépolluer le port

Une étude réalisée par l’ONG environnementale Transport and Environment place le port de Marseille au douzième rang du classement des cinquante ports les plus pollués d’Europe par des navires de loisir. Les 75 bateaux de croisière qui y ont accosté en 2022 ont émis deux fois plus de SOx que l’ensemble des voitures immatriculées dans la ville. S’ajoute à cela, un nombre de plaisanciers en France qui atteint aujourd’hui les 13 millions et des immatriculations de bateaux de plaisance qui augmentent d’environ 12 000 unités par an.

« Lorsqu’un bateau fait le plein dans la station d’avitaillement des ports, une petite quantité d’hydrocarbure se déverse dans l’eau » nous indique Thomas.

Avant, la station d’avitaillement du port de Marseille utilisait des matériaux industriels ou synthétiques pour combattre cette pollution. Le problème ? Ces matériaux deviennent eux-mêmes des polluants. Il était donc primordial d’installer un système écologique et économique vertueux, fabriqué à partir d’une matière peu onéreuse, pour combattre la pollution pétrolière.

C’est ainsi que le port de Cavalaire-sur-Mer est le premier à tester l’efficacité d’un tel dispositif en 2021, qui sera ensuite dupliqué dans d’autres ports du Sud, dont celui de Marseille. On peut observer des boudins composés de fibres textiles et capillaires, connectés les uns avec les autres formant une ligne longue d’une trentaine de mètres, installés au abord de la station d’avitaillement pour absorber les hydrocarbures que relâchent les bateaux dans le port.

« Les hydrocarbures qui se retrouvent au niveau du ponton vont se diffuser dans les eaux des ports sous forme de nappes d’hydrocarbures qu’on appelle irisations. L’idée est donc de sécuriser ces zones avec un linéaire de boudins qui peuvent rester pendant quatre ans » continue Thomas. « Parce qu’en protégeant ces eaux-là, on vient protéger le milieu marin de manière globale » .

En plus de sécuriser la zone portuaire au quotidien, cette innovation peut prévenir la propagation d’une potentielle marée noire.

« La protection fonctionne également si une pollution accidentelle venait à arriver. Et comme l’installation des boudins est très facile, il est possible d’agir rapidement pour créer des barrages » explique Thomas.

Cette technique avait d’ailleurs été utilisée pour tenter de contenir le pétrole qui s’échappait des puits de forage de la plateforme pétrolière Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique en 2010. Une collecte de cheveux et de poils d’animaux avait alors été organisée pour confectionner des boudins devant contenir et recueillir une partie des 800 000 litres de pétrole.

Une solution écologique

Anthony De laco, gérant de la station d’avitaillement Nouvelle Aire sur le Vieux-Port de Marseille nous informe que « un kilo de cheveux récupère huit litres d’hydrocarbure ». On peut dire que la station d’avitaillement du port de Marseille a absorbé approximativement « cinquante litres en six mois ». Et ces boudins possèdent bien d’autres avantages : en plus d’être performants dans le temps et réutilisables entre 5 et 8 fois, ils coûtent moins cher que la fibre synthétique.

« Leur facteur de vitesse de récupération est aussi quasiment 1,8 fois plus rapide » complète Thomas.

« On est aujourd’hui dans des discussions pour couvrir la zone atlantique en 2024 » affirme le directeur d’Ecofhair. « Et au-delà du secteur maritime, ce sont aussi les fleuves, étangs, rivières qui sont concernés. C’est finalement un projet réseau global qu’il faudrait imaginer ».

En plus de retenir les polluants, la fibre capillaire permettrait également d’absorber les huiles solaires qui créent de fines couches de filtres UV et entravent le processus de photosynthèse des plantes marines.

« Le dispositif fonctionne et peut être déployé, pour protéger les zones de baignade, sans que cela vienne perturber le milieu maritime, la faune et la flore » nous dit Thomas.

Anthony De laco nous apprend que « d’autres dispositifs vont être mis en place courant 2024 dans le port de Marseille », comme l’installation d’un robot dépolluant, qui fonctionne en créant un fort courant pour aspirer les déchets flottants et les stocker dans un filet, capable de collecter jusqu’à quatre kilos de déchets par minute. « Le port va également commercialiser l’éthanol dans l’optique de remplacer le fioul ».

Chloe Droulez

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