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A Aulus-les-Bains, le maire a déjoué une fraude et redonné à l’eau son statut de bien commun

« Ce combat a été d’abord un débat d’idées. J’ai cherché à démontrer que la problématique de l’eau, des communs, ne devait pas être réservée à ceux que l’on considère comme les plus instruits ».

En 2018, la vente frauduleuse de la centrale hydroélectrique d’Aulus-les-bains, en Ariège, à la société Igic, a été officiellement annulée. C’est l’aboutissement de quinze ans d’une bataille juridique (et politique) pour que la centrale hydroélectrique – et ses fruits – soient restitués aux habitantes et habitants de la commune. Récit du combat de l’ancien maire de la commune, Michel Veyssière, pour faire de l’eau un bien commun. 

C’est en allant chercher son journal, un matin de l’année 2004, que la vie de Michel Veyssière, habitant d’Aulus-les-Bains, bascule. Ce jour-là, une élue de sa commune lui confie avoir découvert une fraude de grande ampleur autour de la gestion de la centrale hydraulique du village.

« Accepteriez-vous de m’aider ? » lui demande-t-elle, connaissant son engagement militant et son amour des vallées ariégeoises.  

En France, lorsqu’un cours d’eau n’est pas déclaré navigable, les propriétaires de son lit sont ses riverains. Mais dès lors qu’un barrage, une centrale, un moulin… y est installé, il est obligatoire d’obtenir une autorisation d’État pour en exploiter les fruits : 

Un ouvrage hydraulique implanté dans le lit mineur d’un cours d’eau, quel que soit l’usage auquel il est destiné (production d’électricité, alimentation de plan d’eau ou de pisciculture, dérivation ou prélèvement d’eau…), doit posséder une autorisation pour exploiter le débit ou la force motrice de l’eau. Cette autorisation est communément appelée “droit d’eau”.

La Cascade d’Aulus-les-Bains – Crédit photo : Mathieu MD CC BY-SA 3.0

Or à Aulus-les-Bains, une petite poignée de riverains s’était non seulement arrogé la propriété du lit de la rivière, mais aussi celle des machines et turbines de la centrale hydraulique de la commune… Transférant ainsi le « droit d’eau » à une société privée du nom d’Igic, dont le principal actionnaire n’était autre que… l’épouse et le fils de l’un des adjoints au maire. 

« Ce droit d’eau avait été transféré à un groupe de particuliers qui avaient la propriété des usines principales », raconte Michel Veyssière. 

Une opération juteuse :  la centrale achetée 30 000 francs à l’époque, générait 15 à 18 millions de kilowattheure par an, soit l’équivalent de la consommation d’une commune de 25 000 habitants… Pour un chiffre d’affaires d’1 million d’euros.  

Michel Veyssière, venu témoigner au Festival Les Éco-histoires en juillet 2022

Avec une association d’habitantes et d’habitants, Michel mène l’enquête et découvre qu’aucun bilan d’exploitation n’a été communiqué au conseil municipal par la société Igic, concessionnaire de l’ouvrage. Il finit par obtenir les précieux documents auprès du tribunal de commerce de Toulouse, et mène de multiples réunions d’information dans sa commune pour tenter de démontrer l’inavouable. 

« Il a fallu informer les gens, leur donner des preuves, car ils ne me croyaient pas. C’est compliqué de démontrer un abus de confiance, quand vous avez à faire à trois « enfants chéris » du village : un professeur de mathématiques agrégé, un secrétaire général de mairie, un inspecteur central des télécommunications à Toulouse… Ceux qui avaient fait des études et qui avaient réussi. À l’inverse, je n’étais pas issu de la commune. Ce combat a été d’abord un débat d’idées. J’ai cherché à démontrer que la problématique de l’eau, des communs, ne devait pas être réservée à ceux que l’on considère comme les plus instruits ».

Dix-sept jugements et quinze ans plus tard, les habitantes et les habitants d’Aulus obtiennent que la centrale – et ses fruits – soient restitués à la collectivité. Entre-temps, en 2008, Michel Veyssière devient maire d’Aulus et met la question des communs au cœur de son programme.

Dans un livre intitulé La Fraude était presque parfaite, il raconte les coulisses de cette affaire : 

« non pas pour uniquement expliquer ce combat, mais pour tirer de cette expérience des enseignements sur ce qu’est un bien commun, et sur la manière dont les populations peuvent s’organiser pour que l’intérêt général prime. C’est un combat pour l’eau, et surtout pour la démocratie que nous avons mené ».

Aujourd’hui retraité, Michel est venu témoigner de son engagement au Festival Les Éco-histoires en juillet dernier, notamment auprès de l’association “À pas de Loutre”, un collectif de militantes et militants qui se battent contre l’implantation d’un complexe hôtelier sur le lac de Montbel, à quelques kilomètres d’Aulus. La preuve que la lutte pour  considérer l’eau comme un bien commun en est encore à ses débuts.

Crédit photo couv : PierreG_09

Nora Guelton

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