A l’occasion du grand raout du Salon de l’Agriculture, le collectif « Nourrir » lance l’alerte. Avec 50% des agriculteurs en âge de partir à la retraite dans les 10 prochaines années, la France traverse un défi agricole sans précédent. Face à la crise climatique qui s’aggrave et aux écueils de la mondialisation, le pays doit former et installer 1 million de paysan.ne.s pour que l’objectif de souveraineté alimentaire de la France ne devienne pas un conte illusoire.
Lors du Salon International de l’Agriculture qui a lieu du 25 février au 5 mars, le Collectif Nourrir invite citoyens, politiques et professionnels et médias à se questionner sur l’avenir du secteur, engagé sur la voie d’une agriculture sans paysan.
« Parce que 200 fermes disparaissent chaque semaine, l’objectif politique de souveraineté alimentaire reste pour le moment un mirage » explique le collectif dans une tribune
Le Collectif Nourrir rassemble plus de 50 organisations paysannes, de protection de l’environnement et du bien-être animal, de solidarité internationale, de consommation et de santé. Alors que 100 000 fermes ont déjà disparues en moins de 10 ans, la moitié des agriculteurs actuellement en activité sera en âge de partir à la retraite dans les 10 ans à venir. Pour le Collectif Nourrir, la disparition des paysans est une « véritable hémorragie » qu’il faut endiguer.
« Manquer de paysans demain, c’est tirer un trait sur notre souveraineté alimentaire en étant dépendants d’un système qui n’a pas les moyens d’offrir une alimentation de qualité et diversifiée pour tous, et qui videra nos campagnes de leur tissu économique et social déjà fragile. Une France sans paysans demain, c’est une France qui se meurt » explique Clotilde BATO, directrice générale de l’association SOL et co-présidente du Collectif Nourrir
L’association SOL est ainsi spécialisée dans l’accompagnement de création de fermes agroécologiques en France mais aussi dans le monde entier. Une ambition portée par le Collectif Nourrir pour qui le premier défi est de soutenir la multiplication de fermes agroécologiques sur les territoires pour compenser les départs à la retraite. A l’heure actuelle, plus d’un tiers d’entre eux n’est pas remplacé. L’objectif : « permettre 40 000 installations par an »
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« Trouver où installer notre activité en maraîchage fut un vrai parcours du combattant, surtout ne venant pas du milieu agricole. Dans la plaine de la Beauce, notre ferme est un ovni entouré de champs de céréales. Plutôt que de reproduire le modèle productiviste de la région destiné à l’exportation, nous avons choisi de nourrir localement et de travailler en lien avec la population locale au travers d’une AMAP. Aujourd’hui, sur le village, nous fournissons près d’une famille sur dix avec lesquelles nous décidons, ensemble, d’expérimenter un modèle agricole soutenable et solidaire. Notre modèle est pérenne économiquement et socialement. Il peut se reproduire autant que possible dans les campagnes, mais pas sans volonté du politique » témoignent Florent Sebban et Sylvie Guyot, maraîchers en Essonne
En France, 200 fermes disparaissent chaque semaine tandis que dans le même temps, la taille moyenne des exploitations ne cesse de grandir pour atteindre 25% de plus en 10 ans, prenant alors la voie d’une agriculture industrielle spécialisée.
Dans le pays, deux visions de l’agriculture s’affrontent. Une vision productiviste portée par les tenants de l’agro-industrie, pour qui l’effondrement du nombre d’agriculteurs n’est pas un souci grâce au recours aux intrants chimiques, à la mécanisation et au numérique, et une vision paysanne avec une agriculture basée sur les principes de l’agroécologie, sans recours aux intrants (pesticides, engrais azotés, etc.). Le deuxième défi pour le Collectif Nourrir est donc de s’assurer de la reprise des fermes à céder, comme levier de transition.
« Le constat est simple : il nous faut 1 million de paysans et paysannes à l’horizon 2050 pour sauver le climat et la biodiversité ! Puisque ce métier est au coeur des enjeux de la nécessaire transition écologique, il est primordial que tous ces futurs paysans soient encouragés en ce sens » explique Mathieu Courgeau, paysan en Vendée et co-président du Collectif Nourrir
Car le dernier défi posé par le Collectif Nourrir est peut-être le plus important : dessiner les contours d’une agriculture vivante et durable en plein changement climatique et extinction de la biodiversité.
« A l’installation sur la ferme en 2007, tout était à faire. Avec les contraintes du terrain et les étés de plus en plus caniculaires, les activités ont dû être adaptées à l’environnement et le projet initial a fortement évolué. Cueillette de plantes sauvages, culture de plantes aromatiques et médicinales transformées sur la ferme, production de jus de pommes : trois ateliers se complètent sur la ferme avec des interactions bénéfiques entre élevage et agriculture. L’introduction d’un élevage de lamas, très résilients face au froid, à la chaleur et la sécheresse, a été une évidence, permettant production de laine, débroussaillage et portage en montagne » témoigne Laurence Marandola, paysanne en Ariège
Pour le collectif, il est urgent de changer de cap et d’adopter un cadre d’action ambitieux pour conjuguer renouvellement des générations agricoles et transition agroécologique. « Atteindre 1 million de paysans et de paysannes d’ici 2050 n’est pas une utopie : c’est une nécessité à laquelle les politiques publiques doivent résolument s’atteler » concluent-ils.
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