Coup de tonnerre dans le Var. En cette fin du mois de février le plus sec jamais enregistré, les maires des neuf communes du canton de Fayence, à l’est du département, ont annoncé geler toute nouvelle demande de permis de construire pour les quatre prochaines années.
À cause d’un manque d’eau historique, les municipalités de Bagnols-en-Forêt, Callian, Fayence, Mons, Montauroux, Saint-Paul-en-Forêt, Seillans, Tanneron et Tourrettes, qui craignent déjà de ne pouvoir approvisionner tous leurs habitants toute l’année, n’accueilleront plus de nouveaux arrivants au moins jusqu’à la fin du mandat actuel.
« Dans la mesure où l’on a besoin de trouver de nouvelles ressources en eau, il vaut mieux dire aux gens de ne pas construire ou de retarder leur projet, plutôt que de leur dire “construisez” et qu’ils ne puissent pas être alimentés en eau au moment où ils s’installeront », résume Jean-Yves Huet, maire de Montauroux, au micro de France Info.
La préfecture du Var a confirmé qu’elle accompagnerait cette décision. Dans les neuf communes du Pays de Fayence, les permis de construire déposés avant février 2023 pourront toutefois être traités, et les constructions entreprises.
Des restrictions dès mars
Depuis le 21 janvier, l’Hexagone a connu une série d’au moins 32 jours consécutifs sans pluie, selon le dernier rapport de Météo France, en date du 22 février. Ce record historique, toutes saisons confondues, bat d’une journée celui enregistré il n’y a que trois ans, au printemps 2020.
Dans une interview donnée dimanche 26 février au JDD, le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu a déclaré que la France se mettait en état d’alerte.
« La situation est plus grave que l’an dernier à la même époque, et on a deux mois de retard sur la recharge des nappes phréatiques », a-t-il expliqué, ajoutant que le « stress hydrique » du pays est « inédit ».
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Après avoir annoncé, fin janvier, un « plan antisécheresse », Christophe Béchu doit rencontrer, ce lundi 27 février, les préfets coordonnant les sept grands bassins du pays dans le but « d’anticiper » les restrictions d’eau qui pourraient intervenir « dès la première quinzaine de mars ».
« S’il faut dès maintenant prendre des arrêtés pour s’assurer que la ressource en eau soit préservée pour cet été, prenez-les. N’ayez pas la main qui tremble », a d’ores et déjà signalé aux préfets celui qui, par ailleurs, souhaite « préparer notre pays à un réchauffement de 4 °C ».
Une annonce qui a fait pousser des cris d’effroi aux écologistes aguerris, le monde à +1,1°C tel que nous le vivons actuellement faisant déjà peser une menace grave pour nos ressources en eau.
Prophylaxie
Dans le Var, la situation s’annonce également inédite sous tous les aspects. Le 17 février, 87 communes du département ont été placées en alerte sécheresse par la préfecture, c’est-à-dire plus d’une ville sur deux. En 2022, année la plus chaude de l’histoire météorologique française, cette mesure avait été prise au milieu du mois d’avril.
Les zones varoises concernées doivent se soumettre, en plein hiver, à des restrictions dans l’usage de l’eau : fermeture des fontaines sans système de recyclage, interdiction de remplir les piscines et les spas privés, d’arroser les massifs, les pelouses et les potagers entre 9 et 19 heures, ou de laver la voirie à l’eau claire…
Au Pays de Fayence, où les rivières sont à sec depuis des mois et les nappes phréatiques au plus bas, les maires préfèrent ainsi arrêter de bâtir plutôt que de se retrouver dans une situation où ils ne pourront pas fournir de l’eau à tous les habitants.
Leur décision sera-t-elle attaquée par des particuliers devant les tribunaux ? Comme le remarque le média Novethic, la jurisprudence reste peu explicite sur ce point. Fin 2022, une proposition de loi a été déposée à l’Assemblée nationale pour doter les maires de nouveaux pouvoirs « préventifs » en matière d’urbanisme, afin de « préserver les ressources en eau des communes ».
L’idée fait donc son chemin. Le manque d’eau est sans doute ce qui forcera notre pays, bon gré mal gré, à s’engager dans la transition.
Crédit photo couv – NICOLAS TUCAT / AFP