Malgré un accord financier arraché par les pays du Sud pour obtenir réparation des pertes et dommages qu’ils subissent, la COP27 se conclut comme prévu : en laissant de côté la source du problème. Dans son texte final, aucune avancée n’a été obtenue sur la sortie des énergies fossiles, pas étonnant quand les réunions pour le climat ont lieu chez des producteurs de… pétrole.
Les producteurs de pétrole négocient pour le climat
Après une certaine frayeur à voir relever le seuil, les parties à la COP ont décidé de garder le palier de réchauffement climatique à +1,5 °C maximum avant la fin du siècle. La Chine et l’Arabie Saoudite, mais aussi d’autres Etats dépendants ou producteurs d’énergies fossiles, souhaitaient qu’il soit rehaussé à +2°C.
Cependant, avec la présence de 636 lobbyistes des énergies fossiles à la COP27, soit 25% de plus qu’à la COP26, ces négociations ont bien eu lieu sous le joug des producteurs d’énergie fossile. Les lobbyistes étaient plus nombreux que n’importe quelle délégation nationale, dont ils faisaient parfois directement partie.
Le pays hôte lui-même, l’Égypte, a retardé les négociations, en dévoilant les premiers textes de compromis très tard dans le processus de décision, ainsi que le dénonce la ministre française de la transition énergétique Agnès Pannier-Runacher. L’Egypte est le 13ème producteur de gaz au monde et compte bien augmenter sa production.
Lire aussi : La ministre de la transition énergétique surprise en plein conflit d’intérêts avec le n°2 du pétrole
Un coup politique prévisible et joué d’avance pour Dov Alfon, directeur de la publication et de la rédaction du quotidien français Libération, qui rappelle sur FranceInter :
« Ils font leurs réunions pour le climat chez les producteurs de pétrole (…) Et c’est ainsi que l’Égypte, pays hôte, a manipulé les propositions et le calendrier pour sauvegarder les intérêts économiques et fort polluants des 22 pays producteurs de pétrole, en particulier de leur leader, l’Arabie Saoudite. »
Les conclusions de cette COP27 suivent d’ailleurs l’avis du représentant Saoudien qui avait recommandé que la convention devait « discuter des émissions, mais pas des sources des émissions ».
Résultat, le texte final reprend les terminaisons employées dans l’accord final de la COP26 qui avait eu lieu à Glasgow l’an dernier : le texte recommande « l’abandon progressif » du charbon et la fin des « subventions inefficaces » aux énergies fossiles, sans réclamer leur fin définitive ni s’attaquer nommément aux industries les plus émettrices.
Pour Clément Sénéchal, chargé de campagne sur le climat à Greenpeace France, « cette COP27 se termine avec un goût d’inachevé : aucune avancée sur la sortie des énergies fossiles depuis Glasgow. La communauté internationale continue de discuter d’un problème dont elle méprise les causes ».
Une maigre promesse pour les pays du Sud
Preuve que la gravité du problème ne peut plus être ignorée, les pays du Sud ont réussi à arracher une enveloppe pour le dédommagement des pertes et dommages qu’ils subissent en raison de la montée en puissance de la crise climatique.
Une quarantaine de pays se sont engagés à mobilier plus de 350 millions de dollars, dont 170 millions promis par l’Allemagne à elle-seule. Une somme bien loin d’être à la hauteur : le coût des destructions perpétrées par la crise climatique pourrait atteindre les 580 milliards de dollars par an d’ici à 2030.
Cette année, le Pakistan a tristement fait figure de cas d’école. En 2022, il a subi des inondations dévastatrices qui ont fait 1700 morts, détruit deux millions d’habitations et coûté 30 milliards de pertes et dommages. Conséquence sordide, près de 9 millions de pakistanais risquent de basculer dans la pauvreté.
Si les pays du Sud ont quand même salué une avancée historique, la question des pertes et dommages ayant été écarté de la COP26 l’an dernier, les représentants des plus grandes institutions dénoncent un pansement posé sur une plaie béante.
« La COP27 marque un petit pas en avant, mais bien plus est nécessaire pour la planète. Nous avons traité certains des symptômes, mais nous n’avons pas guéri le patient de sa fièvre », regrette la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
L’accord actuel « ne suffira pas » renchérit M. Guterres. Le texte ne prévoit ni la façon dont ce mécanisme sera financé, ni les pays reconnus « vulnérables » qui pourront en bénéficier, ni même sa pérennité après 2025. Les observateurs craignent que l’on assiste aux sempiternels engagements sans contraintes, et que les fonds tardent à arriver, voire se transforment en prêts comme cela a été le cas pour l’aide de 100 milliards de dollars qui n’a jamais été intégralement versée.
Lire aussi : COP27 : les pays du Sud réclament les 100 milliards de dollars annuels promis par ceux du Nord
Cette COP27 « fait la démonstration que les COP sont à la fois indispensables en permettant aux pays les plus vulnérables d’obtenir ce qu’ils n’auraient jamais eu sans elles et structurellement désarmées pour obliger les Etats à engager une sortie rapide des énergies fossiles », conclut sur Twitter l’économiste engagé dans les mouvements altermondialistes, Maxime Combes.
Prochaines dates de grandes réunions politico-écologiques : la COP15 de la Convention sur la biodiversité à Montréal au mois de décembre 2022, tandis que la COP28 aura lieu en novembre 2023 à Dubaï aux Émirats arabes unis, 7ème producteur au monde de… pétrole.
Crédit photo couv : Mohamed Abdel Hamid / Anadolu Agency via AFP