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La grippe aviaire provoque une hécatombe parmi les oiseaux sauvages

Le message de détresse écologique envoyé par ces oiseaux marins est incontestable. L’écosystème marin est déjà en danger du fait des activités anthropiques. Si on y ajoute cette épidémie, il paraît plus qu’évident que des transformations en matière de politique marine se font plus que jamais urgentes.

Cette année en France, la grippe aviaire a d’une part envoyé 20 millions de volailles d’élevage dans les fosses de la mort mais aussi des espèces marines protégées dont les sternes, les goélands, les macareux ou encore les Fous de Bassan. Chercheurs et scientifiques s’interrogent sur les causes potentiellement anthropiques de ce dérèglement et sur ses conséquences dévastatrices sur la biodiversité.

Durant ces quinze dernières années en Europe, les épidémies causées spécifiquement par des virus H5 et dont la généalogie remonte à celle apparue en Asie du Sud-Est dans les années 1996, ne font plus exception chez les oiseaux sauvages et les volailles.

En effet, sur la période allant de 2005 à 2020, on ne recense pas moins de dix incursions de grippe aviaire qui ont provoqué une mort massive chez les volailles et les oiseaux sauvages. Notre vieux continent ploie sous ces cadavres. Pourtant le virus se propage d’année en année et sur des périodes plus longues par-delà la saison hivernale et touchant ainsi de nouvelles populations.

Lire aussi : Grippe aviaire : 20 millions d’animaux tués, une hécatombe sans précédent due à l’élevage intensif

Aussi vertigineux que ses plongeons pour attraper ses proies, le nombre de Fous de Bassan décimés depuis le début de l’épidémie mondiale de grippe aviaire H5N1, en automne dernier, atteint des sommets. En effet, la perte de ces oiseaux pélagiques connus comme étant les plus grands d’Europe est estimée à plusieurs milliers depuis cet été.

Réputés pour parcourir l’hémisphère nord, présents en Atlantique, en mer du Nord, dans la Manche et en Méditerranée, ils se rapprochent de nos côtes lors des périodes estivales, sur leur seul lieu de nidification en France : les Sept-îles sur les côtes d’Armor. C’est en observant l’évolution de ces populations sur ce site que ce constat dramatique a été mis en lumière.

En effet, étant un virus très contagieux et la colonie de Fous de Bassan très dense, la situation a tout de suite pris une ampleur dramatique. De plus, l’épidémie s’est installée au cœur de leur saison de nidification, ce qui n’est pas le cas pour d’autres espèces. Malheureusement, les Fous juvéniles étant plus fragiles, ils sont plus à même d’attraper cette infection et de la répandre plus rapidement.

La LPO, en partenariat avec le CNRS depuis 2005, a, en août dernier, équipé une quinzaine de ces oiseaux d’un GPS afin d’évaluer leur réaction face à un taux de mortalité si élevé. De plus, des prélèvements ont été ponctionnés dans le cadre d’une étude autour de la souche virale. La question qui se pose est de comprendre pourquoi un tel virus s’est étendu au printemps et à l’été, touchant ainsi des dizaines d’espèces marines.

Les oiseaux de mer sont l’un des groupes d’oiseaux les plus menacés avec un déclin marqué à l’échelle de la communauté au cours des dernières années. Les Fous de Bassan, censés être une espèce plus résiliente que les autres, sont pourtant hautement affectés.

Crédit : LPO

Déjà sous pression suite à des causes liées directement à l’activité anthropique comme la baisse des ressources en maquereaux, la noyade dans des engins de pêche sur les routes migratoires et en Afrique de l’ouest ou encore les effets du changement climatique… Ils sont rendus encore plus vulnérables avec la propagation du virus.

Selon l’étude évoquée plus haut, comprenant la période entre 2006-2015, il a été démontré qu’entre compétition alimentaire et pêcheries industrielles, la population des Fous de Bassan a décliné à moins de 30 % en 2015.

Le message de détresse écologique envoyé par ces oiseaux marins est incontestable. L’écosystème marin est déjà en danger du fait des activités anthropiques. Si on y ajoute cette épidémie, il paraît plus qu’évident que des transformations en matière de politique marine se font plus que jamais urgentes.

Le Ministère de l’agriculture et le gouvernement Gallois ont, en août dernier, pris des décisions pour endiguer la menace croissante de grippe aviaire sur les oiseaux sauvages ainsi que sur la mise en place de moyens pour surveiller la maladie (comme par exemple des panneaux à destination des individus sur un éventuel risque de zone contaminée).

Leur objectif est de protéger à la fois la santé publique, l’environnement et l’économie rurale. Un programme scientifique de huit chercheurs a été créé pour mieux comprendre comment cette infection se propage chez les oiseaux sauvages. 1,5 millions d’euros ont été investis.

Ces recherches seront destinées à l’élaboration de nouvelles stratégies de lutte contre l’épidémie, afin de saisir pourquoi le virus a formé des foyers plus importants et plus longs et enfin de décrypter la transmission et les infections dans les différentes populations d’oiseaux sauvages.

En France, ces mortalités sont suivies dans le cadre du réseau SAGIR (dispositif national de la santé de la faune sauvage). De plus, des zones de contrôles temporaires « faune sauve » ont été établies. L’objectif est de renforcer la surveillance dans la faune sauvage et dans les élevages avicoles et de sensibiliser les professionnels au respect des mesures de biosécurité.

Malheureusement ces mesures sont souvent inadéquates ou visent à protéger les acteurs de l’industrie capitaliste. A l’instar de septembre 2021 où, suite à la propagation de la grippe aviaire, le Ministère de l’agriculture avait pris deux arrêtés réduisant les conditions dans lesquelles l’élevage en plein air était autorisé afin de lutter contre cette dernière.

Lire aussi : Grippe aviaire : les paysans se mobilisent pour sauver l’élevage en plein air

Absurde ? Oui. Surtout lorsque l’on sait que le laboratoire national de référence de l’ANSES (LNR) confirme que ce virus se trouve d’une part dans la faune sauvage mais aussi dans l’élevage industriel. Dans les bassins de production, outre les souffrances animales déjà intolérables, les virus comme celui de la grippe aviaire ont la capacité de se multiplier à leur guise et par conséquent d’évoluer plus vite.

Lire aussi : Élevage industriel : un désastre sanitaire pour les salariés et les animaux

En sus, le transport de ces animaux sur de longs trajets participe aussi à la diffusion du virus, beaucoup plus que les populations d’oiseaux sauvages qui en sont victimes. Il est grand temps de favoriser une économie locale plus résiliente. Selon Jacques Provost de la LPO :

« Il faut créer des AMP (aire marine protégée), des réserves pour assurer le maintien de la biodiversité dont nous dépendons. Il faut donner à la nature la capacité de s’adapter et de nous êtres plus résilients pour sa survie. »

Et de poursuivre sur les cas de Fous de Bassan de l’île de Rouzic :

« Les habitants sont choqués et émus face à ce désastre. Il ne faudrait pas revivre cela mais surtout, il faut leur apporter des réponses pour comprendre une situation, possiblement d’origine anthropique. La colonie ne sera plus jamais la même, nous avons perdu des milliers d’oiseaux sur les 19 000 couples. On verra comment la colonie se réinstallera l’année prochaine mais on aura probablement une situation proche des années 1980 ou 90. ».

Bien que conscients de notre impact sur la nature mais aussi mieux armés que jamais pour changer la donne face au désastre écologique vers lequel nous sprintons tête baissée, nos réactions restent néanmoins inadéquates en continuant d’accuser à tort le vivant et en s’obstinant à protéger les coupables (agroalimentaire, banque etc.).

Les bouleversements auxquels nous faisons face et induits par notre activité touchent la biodiversité dans son ensemble, virus inclus. Il est grand temps d’allier sciences, écologie et politiques afin de, comme dirait Michel Gauthier Clerc dans son livre, « une mouette est morte à l’Assemblée Nationale », passer de l’absolu « lutter contre » à l’acceptation du « vivre avec » et, grâce à l’écologie de la santé, mieux anticiper et gérer les risques.

Pour aller plus loin : « One Health » : allier santé humaine, animale et environnementale pour limiter les pandémies

Crédit photo couv : FRED TANNEAU / AFP

Liza Tourman

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