C’est une conséquence directe des canicules de l’été : les gorgones, un corail rouge emblématique de la mer Méditerranée, connaissent « un épisode massif de mortalité » depuis plusieurs semaines, alerte le Parc national des Calanques.
Le réchauffement mis en cause
Les premières alertes ont été lancées les 18 et 19 août, juste après les orages dévastateurs qui ont frappé le sud-est de la France. Tout le long du littoral méditerranéen, les plongeurs observent alors des gorgones nécrosées par colonies entières : les barbes et les éventails pourpres ou jaunes qui, quelques jours plus tôt, tapissaient encore les roches des fonds marins se sont subitement transformés en squelettes.
« Ce qu’on voit, c’est un peu comme si on passait après un incendie, sauf que les troncs d’arbres ne sont pas calcinés, ils sont juste enlevés de leur partie vivante. Normalement, c’est fortement coloré, et là, tout ce qu’on voit, ce sont des axes de troncs », indique Thierry Pérez, directeur de recherche au CNRS, à la chaîne de télévision LCI.
Malgré la concomitance des événements, les scientifiques estiment que la véritable cause de cette mortalité, inquiétante par son ampleur et son intensité, ne se situe pas dans les orages, mais dans le réchauffement climatique.
« Nous savons que les épisodes de canicules marines affectent les gorgones. Et nous savons qu’il a fait très chaud en Méditerranée cet été, avec des températures avoisinant les 26-28 °C sur de longues périodes, jusqu’à 20 mètres, voire 30 mètres de fond, déclare ainsi Patrick Bonhomme, chargé de mission Pêche et Gestion de la biodiversité marine au Parc national des Calanques.
Selon lui, l’étendue géographique de la surmortalité, relevée dans la plupart des aires protégées de la Méditerranée – des Calanques au parc national de Port-Cros et au parc marin de la Côte Bleue –, ne permet pas d’attribuer cette catastrophe à une pollution isolée.
« Tous les indices pointent [au contraire] vers le réchauffement climatique, avec l’augmentation prolongée de la température de l’eau au-delà du seuil de tolérance des espèces, qui provoque la nécrose de leurs tissus », insiste le chargé de mission, qui ne s’imaginait pas, avant cet été, qu’un tel phénomène pourrait toucher si tôt un écosystème non tropical.
Des « forêts animales » menacées
Caractéristiques du coralligène, « habitat naturel clé de Méditerranée », les gorgones Paramuricea clavata sont considérées comme des « forêts animales », dans la mesure où « [elles] abritent 15 à 20 % des espèces connues » de cet écosystème maritime, explique le Parc national des Calanques.
Quoique d’une grande longévité (plus de 50 ans), ces organismes croissent lentement (à peu près un centimètre par an) et sont parmi les plus vulnérables aux variations extrêmes de températures. Les épisodes de mortalité, déjà observés en 1999, 2003, 2006 et 2009, sont donc destinés à se renouveler, préviennent les biologistes, qui craignent que les gorgones disparaissent dans un futur proche.
Si les canicules se multiplient, cette espèce ayant besoin d’un demi-siècle pour atteindre une pleine maturité n’aura en effet plus le temps de se renouveler. Or, on ignore quelles seront les conséquences de cette disparition sur la faune.
D’autres espèces méditerranéennes fragiles, telles que le corail rouge, les éponges, les oursins et les posidonies, ces herbes à fleurs sous-marines, sont également surveillées.
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