A la mi-avril, à Almere, ville néerlandaise, un pont de 15 mètres de long a été inauguré, avec un matériau de plus en plus utilisé pour ses qualités multiples : le lin, accompagné de biorésine, qui permet de maintenir les fibres proches les unes des autres. Si le pont se montre fiable face aux intempéries et différentes vibrations, il pourrait constituer une alternative aux constructions entièrement en béton ou matières fossiles.
Cultivé depuis 9 000 ans en Anatolie (approximativement la Turquie actuelle), le lin a d’abord été utilisé pour produire de l’huile, puis plus tard dans les vêtements et les objets du quotidien. Cette fibre végétale est issue d’une culture facile, qui demande peu d’engrais et de pesticides. Sa fibre naturelle est qualitative et à la propriété d’être un régulateur thermique : il isole l’hiver et permet la respiration en été. Le lin est également résistant, possède une très bonne longévité, et est biodégradable.
Depuis quelques années, il connaît ainsi un regain d’intérêt dans l’agriculture, le textile, ou bien encore l’écoconstruction. L’industrie se penche sur les biocomposites, matériaux combinés de résine et de fibres végétales naturelles, tels que le chanvre ou le lin, pour leur résistance, légèreté et faible impact sur l’environnement. On trouve désormais des biocomposites façonnés sur la fibre de lin dans un large panel de secteurs, tels que l’industrie mobile, le sport dans la conception de raquettes, skis ou planches de surf, ou encore la construction navale. La fibre de lin remplace parfois dans la construction de coques de bateaux des matières telles que la fibre de carbone ou de verre.
Thibault Roumier, ingénieur développement commercial de l’entreprise normande Eco-Technilin, qui a construit en partie le pont d’Almere, détaille pour FranceInfo :
« Ces ponts-là sont faits en matériau composite : 30% de lin et 60% de résine, ou de la colle. La fibre de lin va servir à amener des propriétés mécaniques, de la résistance. Ça va être presque le même type de fibres que vous retrouverez dans l’habillement, dans les vêtements qu’on porte tous les jours. »
Il explique une partie du processus de constitution du matériau pour France 3 Régions :
« Cette matière va être déroulée par bandes d’une quinzaine de mètres. Et ces bandes vont être disposées dans un moule qui a déjà la forme de la pièce finale dans lequel on va venir imprégner de la résine pour pouvoir donner et figer la forme de la pièce finale. »
Une centaine de capteurs ont été placés sur l’édifice afin d’évaluer ses performances face aux intempéries ou aux vibrations selon le nombre de passages sur le pont. Si les données sont positives, le matériau pourrait être utilisé pour remplacer des structures en mauvais état, une alternative qui serait bien accueillie dans le pays. L’ingénieur développe :
« Il y a environ 12 000 ponts aux Pays-Bas. Quasiment la moitié sont en mauvais état et vont être remplacés dans les prochaines années. Ces ponts sont majoritairement faits en béton ou en matière fossile. L’idée de ce projet, ce sont des ponts avec un impact environnemental beaucoup plus réduit en intégrant de la matière naturelle, notamment de la fibre de lin. »
La région possède également des productions locales d’importance majeure: 80 % du lin est en effet cultivé dans le Nord de l’Europe, dans les champs de Caen, à Amsterdam, la capitale, à proximité d’Almere.
On estime l’espérance de vie du pont entre une cinquantaine et une centaine d’années, et son coût s’élève à 7 millions d’euros. Il est le premier d’une série de trois ponts issus d’un projet européen dirigé par l’université hollandaise d’Eindhoven. Le prochain se situera à Ulm, en Bavière, dans le Sud-Est de l’Allemagne, et constituera une partie des tests de fiabilité à réaliser pour les idées à venir sur la fibre de lin.
Crédit image couverture : Smart Circular Bridge