En France, 100 000 fermes ont disparu en dix ans et d’ici les 10 prochaines années, la moitié des agriculteurs partiront à la retraite. Pour prendre la relève, les aspirants paysans ne manquent pas, même sans venir de familles issues du milieu agricole. Mais l’installation relève bien souvent du parcours du combattant et peut finir par décourager les cœurs vaillants. Pour les aider à faire germer leur projet, six organisations ont lancé le site internet « Passerelles Paysannes », qui regroupe toutes les informations et démarches pour réussir à créer sa ferme.
Le renouvellement des générations agricoles
Tendance à l’œuvre depuis les années 1970, le dernier recensement agricole français montre que le pays a perdu 100 000 fermes en dix ans, une baisse d’environ 20%. Un phénomène favorisé par l’agrandissement des fermes, qui empêche les jeunes aspirants paysans, de plus en plus nombreux, de s’installer facilement et constitue un obstacle majeur pour transformer notre modèle agricole en une version écologique capable de subvenir à l’autonomie alimentaire du territoire.
Chaque année, le nombre d’installation – autour de 14 000 – ne compense qu’aux deux-tiers les 20 000 arrêts d’activité.
Si le gouvernement voudrait donc installer 20 000 agriculteurs par an, plusieurs études montrent que cet objectif est en-dessous de ce qu’il faudrait faire, comme celle du think tank The Shift Project (2021) qui révèle un besoin de 540 000 agriculteurs d’ici 2050, en plus de ces 20 000 installations annuelles.
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« Le renouvellement des générations devient le défi existentiel de notre agriculture : d’ici 10 ans, la moitié de nos agriculteurs partiront à la retraite. Il y a 3 ans, on avait déjà compris que ça allait être un gros défi et on a associé nos forces et complémentarités pour monter cette plateforme digitale comme outil pour aider les futurs paysans à s’installer sereinement. » explique Clotilde Bato, déléguée générale de l’association SOL, pour La Relève et La Peste
A l’initiative du site Passerelles Paysannes, six associations décryptent toutes les différentes étapes pour correctement s’installer : Terre de Liens est facilitateur de l’accès au foncier, les réseaux CIVAM et FADEAR font de l’accompagnement dans toutes les phases de l’installation, SOL et le CREFAD proposent des transmissions de paysan à paysan sur le terrain, sous forme de compagnonnage, et le réseau RENETA met à dispositions des espaces tests agricoles avant de s’installer.
En France, deux visions de l’agriculture s’affrontent. Une vision productiviste portée par les tenants de l’agro-industrie, pour qui l’effondrement du nombre d’agriculteurs n’est pas un souci grâce au recours aux intrants chimiques, à la mécanisation et au numérique, et une vision paysanne avec une agriculture basée sur les principes de l’agroécologie, sans recours aux intrants (pesticides, engrais azotés, etc.).
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Résultat, celles et ceux qui souhaitent créer leur ferme, notamment quand ils ne sont pas issus du milieu agricole (les NIMA, dans le jargon agricole, ou néo-paysans pour le grand public), vont se heurter à un manque d’informations claires sur les démarches et la diversité des dispositifs d’accompagnement existants, voire à un blocage idéologique. Face à cet écueil, Passerelles Paysannes leur facilite l’accès aux différents interlocuteurs.
Les néo-paysans, soigneurs de la Terre
Le site Passerelles Paysannes propose ainsi une carte recensant près de 300 acteurs l’ensemble du territoire français, y compris les DOM-TOM, et porte une vision environnementale forte, celle de l’agroécologie paysanne.
« On pense que la société est prête et souhaite accéder à une meilleure alimentation de qualité pour toutes et tous, sur des modèles de petites fermes résilientes plus autonomes. On sait aujourd’hui que ces modèles fonctionnent lorsqu’ils sont soutenus par les politiques publiques adéquates. La part de ce public, dit les néopaysans, est de plus en plus importante : plus de 60% selon le dernier recensement agricole. Mais seulement 32% d’entre eux sont aidés, cela laisse beaucoup de monde sur la touche.
On constate aussi qu’on est face à un public qui émane d’une reconversion professionnelle. La moyenne d’âge d’installation agricole est désormais de 30 ans. Souvent pas formés, ce sont plutôt des cadres supérieurs qui retournent à la Terre. Ces profils sont en demande d’installation de projet atypique sur des surfaces plus petites, avec des modèles collectifs sous formes sociétaires comme des GAEC, une agriculture sans mécanisation, en bio et en circuit court. » explique Clotilde Bato, déléguée générale de l’association SOL, pour La Relève et La Peste
Malgré un engouement populaire très fort pour le maraîchage, alimenté par les nombreux documentaires et médias autour du sujet, Passerelles Paysannes permet aux néopaysans de se rendre compte que l’installation en maraîchage est l’une des plus difficiles et propose une multitude d’autres idées pour mieux se rendre compte des enjeux et de la réalité du métier.
Petit élevage, paysan boulanger, plantes aromatiques et médicinales, agroforesterie : chaque parcours est unique !
« Avant, j’étais régisseur de tournées dans le cirque. Quand mon enfant est arrivé, je ne pouvais plus partir, et le monde de la culture est fatigant donc pas question de continuer dans les théâtres. J’ai toujours été un électron libre et je voulais conserver ma liberté en faisant un métier correspondant à mes valeurs. Pour moi, le meilleur moyen d’être écolo aujourd’hui, c’est de faire du bio au quotidien et notamment dans l’agroforesterie et la biodynamie. Les organisations derrière Passerelles Paysannes m’ont aidé à trouver des terres et m’installer pour monter mon projet. » explique Vivien Sabot, producteur de fruits et légumes, pour La Relève et La Peste
Le site Passerelles Paysannes offre ainsi une infographie interactive qui éclaire sur tous les moments clés des parcours à l’installation, avec des témoignages variés de paysans, un centre de ressources documentaires et des synthèses d’information.
« Pour favoriser la transition agroécologique et relocaliser l’alimentation, nous avons besoin d’humains, pas de robots et de nouvelles technologies énergivores impliquant de trop gros investissements financiers. Ce qu’on souhaite, c’est une société avec des paysans qui nourrissent leur territoire et soignent la Terre. C’est pour ça qu’on les aide, tous les jours, à s’installer » conclut Clotilde Bato
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