En baie de Saint-Brieuc (Bretagne), la plage d’Hillion est fermée depuis plus de six mois pour raisons sanitaires. Habituellement arrivées au printemps, les algues vertes hautement toxiques envahissent la baie cet hiver. Dans l’une des régions agricoles les plus importantes de notre pays, productrice de 58 % de l’élevage porcin, les eaux peinent à retrouver leurs écosystèmes et les moyens manquent malgré la demande des habitants.
Selon les locaux, jamais une plage n’avait été fermée aussi longtemps en Bretagne. André Ollivro, président de l’association Halte aux marées vertes et militant depuis des années contre la pollution toxique sur le littoral breton, explique qu’il n’y a jamais eu autant d’algues vertes en hiver.
« Les rochers sont à nus maintenant, il n’y a plus de bigorneaux. Ce qui me choque c’est que tout ça, ça empêche la biodiversité marine de se développer. »
Il se rend sur place avec un détecteur de gaz, qui se déclenche et donne l’alerte : « Il ne faut pas rester là, il y a une production de sulfure d’hydrogène, ce gaz très toxique. »
Le sulfure d’hydrogène peut provoquer des effets à long-terme très graves, et parfois même entraîner la mort dans de très brefs délais.
Ce gaz est notamment l’une des causes principalement suspectées derrière le décès de Thierry Morfoisse, chauffeur d’un camion et mort d’un infarctus après avoir transporté des algues vertes dans un état de décomposition avancé. Il n’est pas le seul.
Depuis les années 80, au moins quarante hommes et trois animaux ont trouvé la mort après avoir marché sur les plages bretonnes recouvertes d’algues vertes. Une enquête a été menée sur le sujet par Inès Léraud, journaliste d’investigation.
Nombreux sont les riverains qui dénoncent la pollution des cours d’eau en Bretagne. En mai 2021, 300 personnes se sont rassemblées pour dénoncer, entre autres, la présence de 100 à 150 mètres cubes de lisier, un mélange liquide d’excréments d’animaux, dans un affluent, apportant ainsi la mort à plusieurs centaines de poissons différents. La situation est récurrente.
L’algue verte quant à elle, prolifère si l’on ne la ramasse pas. En une journée, elle développe trois fois sa surface. André Ollivro souhaiterait que les algues soient ramassées, et pas seulement en été :
« Ces algues qui restent en suspension vont être nourries et on risque d’avoir au printemps un tsunami d’algues vertes sur toute la Bretagne nord. »
De son côté, le maire d’Hillion, Mickaël Cosson, explique que le ramassage est réalisé de manière quotidienne, mais que la zone vaseuse entraîne des difficultés de gestion car les véhicules s’enfoncent dans la matière verte.
Pour André Ollivro et Alain Lafrogne, riverain de la plage, les moyens déployés par les pouvoirs publics ne sont aujourd’hui toujours pas suffisants et les plans contre les algues vertes inefficaces.
Le Préfet de la région Bretagne, chargé de l’adoption des mesures réglementaires nécessaires contre la pollution aux algues vertes, a été condamné le 4 juin 2021, donnant raison à l’association Eau & Rivières de Bretagne pour n’avoir pas adopté des mesures suffisantes de prévention des marées vertes.
A l’automne, un sous-préfet dédié à cette problématique à ainsi été nommé. Cette action a été saluée par le maire avec mesure :
« La nouveauté, c’est que nous avons maintenant un interlocuteur, mais il faut qu’il ait une valise avec lui et des outils pour pouvoir s’en servir. Ce qu’on veut, ce sont des actions concrètes, et pas uniquement des intentions. Des actions comme des tests menés sur du ramassage, de l’accompagnement pour modifier la filière agricole… »
Les différentes pollutions que subissent les eaux de Bretagne ont un impact néfaste sur le long terme. Le sous-préfet nouvellement chargé des algues vertes a ainsi lui-même déclaré qu’il y avait encore beaucoup à faire. Un plan d’action est en cours d’élaboration et prévoit le déploiement de moyens financiers afin de maîtriser les rejets des exploitations agricoles.
Crédit photo couv : Pollution aux algues vertes à la plage d’Hillion en juillet 2019 – LOIC VENANCE / AFP