En ce mois de février, une vingtaine de départements français sont en alerte face aux crues. En raison des intempéries, de nombreux cours d’eau sortent en effet de leur lit. Ces phénomènes sont de plus en plus fréquents avec le réchauffement climatique, les hivers étant plus doux et plus humides. Afin de limiter les inondations, le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) travaille avec plusieurs dizaines de communes à la préservation des zones humides. Surtout, ces écosystèmes méconnus ont un rôle essentiel pour capter le carbone, purifier et stocker l’eau, et abriter de nombreuses espèces fragiles.
Les zones humides, les reins de la planète
Ce terme désigne un vaste éventail d’écosystèmes inondés toute l’année ou de manière saisonnière. Souvent alimentées par les fleuves et leurs affluents, elles sont situées en grande partie le long des côtes, où elles prennent l’apparence de marais herbeux ou de mangroves. Certaines se trouvent à l’intérieur des terres, à l’image des marais boisés ou des tourbières.
En France, l’attention pour ces zones humides commence à croître. C’est le cas par exemple dans la commune de la Teste de Buch, en Gironde, qui a choisi de remettre en eau ses prés salés. En permettant aux prés d’être inondés au gré des marées, 37 000 m3 d’eau peuvent y être stockés et la zone fait office de tampon en cas d’inondation.
« Il est extrêmement difficile de trouver un écosystème plus productif, qui regroupe tous les avantages environnementaux et climatiques » remarque Jennifer Howard, directrice principale du programme Blue Carbon de l’organisation Conservation International.
Cependant, en France, plus de 50% des zones humides ont été détruites depuis 1960. À l’échelle mondiale, ce sont 64% des zones humides qui ont disparu depuis 1900. Celles-ci sont asséchées pour en faire des champs ou pour construire des habitations et des routes. Aujourd’hui, elles disparaissent trois fois plus rapidement que les forêts.
Pourtant, si les forêts sont les poumons de la planète, les zones humides en sont les reins.
En filtrant les polluants, « elles jouent un rôle majeur dans le cycle de l’eau », explique Maxime Zucca, naturaliste et membre du Conseil National de protection de la Nature. « Elles évitent que les pluies ne s’écoulent directement dans la mer. L’eau des zones humides infiltre les nappes phréatiques, donc crée de l’eau potable », détaille-t-il pour La Relève & La Peste.
Une étude publiée dans Science démontre également qu’en retenant le sable et les limons des rivières, les zones humides permettent d’élever le sol et de protéger ainsi les littoraux de la montée du niveau de la mer.
De plus, « les sédiments nuisent aux récifs coralliens et peuvent les étouffer lorsque les zones humides disparaissent » note J. Howard.
Il est donc essentiel que polluants et sédiments soient retenus par les zones humides. Par ailleurs, les végétaux qu’elles abritent captent une quantité colossale de CO2. L’ensemble des zones humides sur terre renfermerait ainsi un tiers du carbone stocké dans le sol et la biomasse. Or, lorsque ces écosystèmes disparaissent, ce carbone se répand dans l’atmosphère.
Repenser l’agriculture pour mieux les protéger
Un autre rôle tenu par les zones humides est celui de réservoir.
« Quand il y a des inondations, l’eau est absorbée comme par une éponge et est restituée progressivement dans les mois qui suivent », détaille M. Zucca. « Aujourd’hui de plus en plus d’agriculteurs se désolent de ne pas avoir assez d’eau l’été et trop l’hiver. Ils proposent de créer des bassins pour la stocker…alors que c’est exactement le rôle des zones humides ! ».
Pour le naturaliste, il est essentiel de repenser l’agriculture de manière à la rendre moins déconnectée du vivant.
« On pourrait développer de la riziculture, on l’a réussi en Camargue. On pourrait aussi y faire pâturer les élevages, les prairies en zone humides sont idéales pour ça. La question est : est-ce que les agriculteurs acceptent de travailler avec la nature ? Oui, des oiseaux vont venir dans leurs cultures, il y aura plus de perturbations que si on était seuls sur la planète, c’est sûr ».
Car les zones humides abritent une riche biodiversité. Près de 40 % des espèces animales de la planète se reproduisent dans ces écosystèmes ou s’en servent comme nurseries.
C’est justement pour défendre les nombreuses espèces protégées qui s’y trouvent que s’est créée la ZAD du Carnet, dans l’estuaire de la Loire.
Des citoyens s’y sont rassemblés fin aout 2020 pour défendre 110 ha de zones humides. Ceux-ci doivent être bétonnés pour l’agrandissement du Grand port maritime Nantes-Saint-Nazaire.
Or, comme le rappelle M.Zucca, « au-delà des bienfaits que les zones humides nous apportent à nous les humains, il faut d’abord les sauvegarder car les êtres vivants qui y sont inféodés ont leur place sur cette planète. Il est aberrant de choisir de conserver ou non des éléments naturels en fonction de notre utilité ».