Une nouvelle étude scientifique vient remettre les pendules à l’heure : la pollution de l’air causée par la combustion des énergies fossiles est bien plus mortelle qu’on ne le pensait. En 2018, elle a entraîné la mort de 8,7 millions de personnes dans le monde, soit un décès sur 5 cette année-là. Par comparaison, 2,3 millions de personnes sont décédées du Covid jusqu’ici. En France, l’étude pointe que la pollution de l’air tuerait près de 100 000 personnes chaque année. C’est le double de l’estimation officielle des autorités sanitaires françaises.
Les pays industriels sont les plus touchés
En 2018, un décès sur cinq dans le monde a été causé par la pollution émise par les centrales électriques, les véhicules et d’autres sources d’émissions d’énergies fossiles. Telle est la conclusion d’une étude inédite parue mardi 9 février dans la revue scientifique Environmental Research.
Un chiffre bien supérieur à celui avancé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui se basait sur une estimation de 4,2 millions de décès causés par la pollution de l’air extérieur en 2016.
Pour y voir plus clair, des chercheurs en santé environnementale de l’université Harvard (Etats-Unis) se sont regroupés avec leurs confrères britanniques des universités de Birmingham, Leicester et Londres pour mesurer la mortalité due aux particules fines (PM2,5, de diamètre inférieur à 2,5 micromètres) provenant de la combustion des énergies fossiles (charbon, pétrole et diesel principalement).
Ils ont tous été très surpris d’obtenir un résultat si élevé par rapport aux moyennes communément admises jusqu’à présent. En effet, le nombre de morts dépasse le total des personnes trépassant chaque année dans le monde des suites du tabagisme (8 millions) et du paludisme (400 000).
« Nous avons d’abord été très hésitants lorsque nous avons obtenu les résultats car ils sont stupéfiants, mais nous en découvrons de plus en plus sur l’impact de cette pollution », a déclaré Eloise Marais, géographe à l’University College London et co-auteur de l’étude, pour TheGuardian. « C’est omniprésent. Plus nous recherchons des impacts, plus nous en découvrons. »
En toute logique, les pays les plus touchés par les conséquences mortelles de cette pollution sont celles où elle est le plus présente, provenant des usines, maisons et véhicules. 62% des décès ont lieu en Chine (3.9 millions), malgré une situation qui s’améliore d’année en année, et en Inde (2.5 millions).
Les Etats-Unis et l’Europe ne sont cependant pas en reste : plus d’un décès sur dix serait causé par cette pollution chaque année. L’Amérique du Sud et l’Afrique étant en comparaison avec le reste du monde bien plus épargnés.
Les particules émises par les énergies fossiles pénètrent profondément dans les poumons et dans le système cardiovasculaire, ce qui peut générer des pathologies comme des accidents vasculaires cérébraux, des cardiopathies, des cancers du poumon, des bronchopneumopathies chroniques obstructives et des infections respiratoires, notamment la pneumonie.
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La pollution de l’air : un ennemi invisible
« Nous n’apprécions pas que la pollution atmosphérique soit un tueur invisible », a déclaré Neelu Tummala, ORL à l’école de médecine et des sciences de la santé de l’Université George Washington, à TheGuardian. « L’air que nous respirons a un impact sur la santé de tous, mais en particulier des enfants, des personnes âgées, des personnes à faible revenu et des personnes de couleur. Les habitants des zones urbaines ont généralement les pires effets. »
Pour leurs calculs, les chercheurs se sont appuyés sur les données de personnes âgées de 15 ans et plus. Sans les émissions d’énergies fossiles, l’espérance de vie moyenne de la population mondiale augmenterait de plus d’un an, tandis que les coûts économiques et sanitaires mondiaux diminueraient d’environ 2,9 milliards de dollars.
Pour la France, les chercheurs ont trouvé que la pollution de l’air extérieur liée aux énergies fossiles est responsable de près de 100 000 décès prématurés (97 242) chaque année, soit 17,3 % de l’ensemble des décès.
Ce nouveau chiffre est bien supérieur aux estimations de Santé publique France sur lesquelles s’appuient toutes les communications institutionnelles pour alerter sur les dangers de l’exposition à la pollution de l’air. Les autorités françaises estiment en effet que cette dernière est responsable de 48 000 décès chaque année.
Dans son rapport de novembre 2020, l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) estimait, elle, qu’il y aurait 64 456 morts causées par la pollution de l’air en France en 2018. Un chiffre toujours inférieur aux résultats de cette nouvelle étude.
La situation du pays est telle que le Conseil d’Etat a condamné le gouvernement français à 10 millions d’euros par semestre de retard pour faire baisser les concentrations de polluants dangereux pour la santé en dessous des valeurs réglementaires. Les enfants sont particulièrement touchés par cette pollution. En France, trois enfants sur quatre respirent un air pollué.
« Nous espérons qu’en quantifiant les conséquences pour la santé de la combustion des énergies fossiles nous pouvons envoyer un message clair aux politiques et au grand public sur les bénéfices d’une transition vers des sources alternatives d’énergie », a déclaré l’un des auteurs, Joël Schwartz, professeur d’épidémiologie environnementale à la Harvard T.H. Chan School of Public Health.
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Crédit photo couv : Maxim Tolchinskiy