À situation exceptionnelle mesures exceptionnelles. Et pourtant c’est le spectre d’une ancienne mesure effacée par le président Macron qui ressurgit. À l’heure où celui-ci appelle aux solidarités, plusieurs appellent donc à la taxation des plus grandes fortunes.
En 2018, Emmanuel Macron, fidèle à sa promesse de campagne, supprime l’Impôt sur la Fortune et le remplace par un Impôt sur la fortune immobilière. Cette mesure est restée aux yeux de nombre de Français comme le pêché original de son début de mandat et lui a définitivement collé l’étiquette de « président des riches ».
Le problème est vieux comme l’euro : quand un pays en besoin de capitaux ne peut plus contrôler sa monnaie, il ne peut qu’augmenter les impôts. Si peu de temps après les Gilets Jaunes et les grèves face au projet de réforme des retraites, on ne peut imaginer une augmentation d’impôts, alors même que le gouvernement distribue les aides pour éviter que nombre de professions en danger ne s’effondrent.
En attendant la planche salutaire de la Banque centrale européenne qui fabriqueraient des euros, la solution de l’ISF ressurgit. Alors que le ministre de l’Action et des Comptes publics lançait il y a deux semaines un appel aux dons pour les particuliers et les entreprises, on voit se profiler plusieurs tendances : multiplier les mesures exceptionnelles ou revoir la base du système d’entraide sociale.
Alors que beaucoup de gens s’inquiètent de voir des mesures exceptionnelles coercitives passer dans le droit commun, en même temps on s’inquiète de voir se multiplier des mesures exceptionnelles et des appels au don au lieu d’établir certaines mesures définitives comme l’ISF.
Et avec elle toute la symbolique des plus riches participant à la solidarité nationale. Le rétablissement de l’ISF pourrait alors devenir un ciment national à l’heure où toutes les fractures sociales se révèlent dans le pays. Ce serait aussi, dans le parcours personnel d’Emmanuel Macron, un élément de stratégie de reconquête puissant.
En Argentine, qui recense 2208 cas dont 95 décès, le parlement prépare un projet de loi pour instaurer un impôt sur les plus grandes fortunes. Il concernerait 200 personnes dans le pays et s’appliquerait en une fois. Rien de comparable à la France, où l’ISF concernait 300.000 personnes en 2015.
Mais à l’échelle européenne aussi, le problème pourrait être posé. Trois économistes français proposent un tel impôt à l’échelle européenne, graduel selon les fortunes : 1% pour les patrimoines nets de plus de 2 millions d’euros, 2% au-dessus de 8 millions et 3% au-dessus de 1 milliard.
L’Union Européenne compte environ 330 milliardaires. Selon Camille Landais, l’une des économistes, « cette taxe permettrait d’éponger en une dizaine d’années les dettes supplémentaires liées au coronavirus ».
Cette proposition cherche à voir à plus long terme les effets à plus long terme notamment au niveau des dettes que les pays vont contracter. Mais les institutions européennes ne prévoient pas un tel impôt. Encore une fois, c’est au niveau des institutions que ça coince.
Qui dit changement de traités dit unanimité des membres, et nous revoici à la case départ de comment s’accorder à 28. À l’heure de l’urgence économique, c’est la nécessité du changement politique qui s’impose à tous les étages.