Souvent citée en vrac aux côtés des mots d’agriculture biologique, d’agroécologie ou encore d’agriculture urbaine, la permaculture est une technique de culture à part entière pas si récente (on pourrait même dire qu’elle est ancestrale), qui va bien au-delà de l’image de caprice d’écologistes modernes qu’on lui affuble couramment.
Un principe sans âge
La permaculture ne date pas d’hier ; le terme, mot-valise construit à partir des mots « permanent » et « culture », fait son apparition dans les années 1970 – il accompagne le mouvement baba-cool de retour à la terre – porté par des agriculteurs comme les Australiens Bill Mollison et David Holmgren et leur ouvrage Perma-Culture 1, une agriculture pérenne pour l’autosuffisance et les exploitations de toutes tailles (1978), ou l’agronome espagnole Emilia Hazelip, qui a popularisé en France les techniques de la permaculture, apprises en Californie la décennie précédente.
Vous l’avez compris, le principe de cette agriculture est la production sur les terres arables d’un écosystème végétal (et parfois animal) cohérent et autonome, qui permet l’accès à l’autosuffisance, dans le respect de l’environnement. On pourra objecter que cette idée n’a rien de révolutionnaire, puisqu’on la trouve a priori dans les écosystèmes naturels, ainsi que dans certaines communautés autonomes comme les monastères.
Associations bénéfiques
Ce qui différencie la permaculture des systèmes naturels repose dans la théorie qui accompagne cette façon de cultiver la terre. En effet, les adeptes de la permaculture ne se contentent pas d’associer au hasard fruits, herbes et animaux ; l’empirisme est de mise au début, mais dans la pratique, la permaculture est extrêmement rigoureuse. Le principe de base est la complémentarité :
« L’association de certaines plantes entre elles permet d’obtenir de belles récoltes et d’avoir un beau jardin potager en aidant le jardinier à limiter voire éviter l’utilisation d’engrais chimiques et pesticides ».
Pour preuve, l’exemple canonique du basilic qui s’associe à merveille avec les tomates (l’un repousse les moucherons, l’autre apporte de l’ombre) – et ce jusque dans l’assiette !
L’idée est donc d’observer les situations bénéfiques dans la nature puis de les reproduire dans le jardin, en maximisant l’efficacité des associations ; sur les sites spécialisés, on trouve donc de nombreux conseils, mariant allégrement des insecticides naturels (ail, lavande, thym) avec les classiques du potager. Certains conseillent même d’ajouter des animaux, qui mangent les mauvaises herbes et fertilisent la terre de leurs déjections. Côté répartition des plants, la permaculture propose parfois des modèles très originaux, comme la culture en butte.
Ce système se veut un contrepoint fondamental à l’agriculture moderne, qui a fait le choix de la monoculture (une seule plante par parcelle, les autres étant bannies à l’aide de pesticide).
Un modèle plus responsable
Les avantages, de cette perspective, sont nombreux : la permaculture permet de se libérer des pesticides, un des vices de l’agriculture moderne, qui endommage l’environnement et la santé des agriculteurs, car, si les conditions sont respectées, l’écosystème se protège de lui-même des nuisibles. Allant plus loin, la permaculture se veut une pensée responsable à l’égard de la planète mais aussi des autres : « la seule décision éthique est de prendre la responsabilité de notre propre existence et de celle de nos enfants », écrivaient les écrivains australiens en 1978. La permaculture est donc une philosophie, qui mélange écologie, autonomie, connaissance de l’environnement, et souci du futur.
« La seule décision éthique est de prendre la responsabilité de notre propre existence et de celle de nos enfants »
La permaculture en question
Malheureusement, si elle est parfaite en théorie, la permaculture soulève aujourd’hui beaucoup d’interrogations. Tout d’abord se pose la question de la rentabilité : peut-on réellement subvenir aux besoins de la planète en tirant une croix sur l’agriculture moderne, aux rendements optimisés ? Grâce aux progrès de la méthode, des débuts de réponse existent, comme cette ferme de Normandie qui est aujourd’hui autonome. Deuxième interrogation : la permaculture est-elle applicable partout ? De même que l’on ne trouve pas dans la nature des champs de blé permettant de produire du pain, il est aujourd’hui difficile d’intégrer certains produits, notamment les céréales, aux écosystèmes de permaculture.
C’est pourquoi la permaculture stagne aujourd’hui au stage d’expérimentation : on l’essaye en ville, sur des petites parcelles, dans des petites fermes. Mais pour devenir un modèle crédible de renouvellement de l’agriculture à l’échelle nationale, celle-ci doit encore faire ses preuves.
L’ingrédient clé pour cette transformation est l’éducation des mentalités ; en effet la permaculture ne fonctionne pas sans la posture associée de respect de l’environnement. Pour que la permaculture fonctionne, il faut que les consommateurs acceptent de se plier aux contraintes de la nature (que nous avons cherché à abolir avec l’agriculture moderne), c’est-à-dire tirer un trait sur certains produits (manger moins de pain, moins de viande, car les environnements naturels les produisent lentement), ou encore manger en fonction de saisons et des latitudes sous lesquelles on vit.