Récemment publiées dans la célèbre revue Nature, deux études scientifiques tirent la sonnette d’alarme : l’AMOC, la circulation méridienne de retournement de l’Atlantique, est à son point le plus faible depuis les 1600 dernières années. L’affaiblissement de ce régulateur mondial du climat pourrait engendrer d’importantes perturbations météorologiques en Europe, aux États-Unis et au Sahel.
L’Amoc, un élément planétaire majeur de la régulation du climat
L’océan n’est pas un long fleuve tranquille, il est au contraire en perpétuel mouvement, et les courants océaniques jouent un rôle majeur dans la régulation mondiale du climat. Souvent nommé à tort Gulf Stream, l’Amoc contribue à donner à l’Europe son climat tempéré et régule celui de l’Amérique du Nord. La modification des courants marins est l’un des effets les plus redoutés du bouleversement climatique en cours, car cela entraînerait des conséquences irréversibles sur nos conditions de vie sur Terre.
L’AMOC est la circulation permanente des eaux marines atlantiques. Localisé le long des côtes de Floride, le Gulf Stream est un puissant courant qui fait partie de l’AMOC. Cette dernière fait remonter les eaux chaudes des zones tropicales de l’Atlantique vers le Nord grâce au Gulf Stream, réchauffant au passage l’Europe de l’Ouest. Une fois dans l’Atlantique Nord, ces eaux refroidissent, deviennent plus denses et plus lourdes et coulent sous des eaux plus chaudes pour repartir vers le sud. L’AMOC fonctionne donc grâce à un équilibre fragile entre les températures et la salinité des eaux.
Les activités humaines suspectées de contribuer très fortement à son affaiblissement
Menée par l’University College London (UCL) et la Woods Hole Oceanographic Institution (WHOI), la première étude montre que l’AMOC, cet élément clé du système mondial de circulation océanique, n’a pas atteint son point culminant depuis le milieu des années 1800, et est actuellement à son point le plus faible au cours des 1600 dernières années.
La WHOI s’alarme :
« Si le système continue de s’affaiblir, il pourrait perturber les conditions météorologiques des États-Unis et de l’Europe vers le Sahel africain et provoquer une augmentation plus rapide du niveau de la mer sur la côte est des États-Unis. »
Les scientifiques ont d’abord étudié la taille des grains de sédiments déposés par les courants profonds : plus les grains sont gros, plus le courant est fort. Puis ils ont évalué les températures de la surface de l’Océan dans les régions où elles sont influencées par l’intensité de l’AMOC. Résultat : l’AMOC s’est drastiquement affaiblie au cours des 150 dernières années de 15 à 20 %.
La deuxième étude, publiée dans le même numéro de Nature, a été dirigée par Levke Ceasar et Stefan Rahmstorf de l’Institut de recherche sur les impacts climatiques de Potsdam. Ils ont examiné les données du modèle climatique et les températures passées de la surface de la mer pour montrer que l’AMOC s’affaiblissait plus rapidement depuis 1950, en relation avec le réchauffement climatique.
Pour David Thornalley, l’un des chercheurs principaux de la première étude, cet affaiblissement de l’AMOC est notamment provoqué par la hausse des précipitations et la fonte des banquises et glaciers Arctique qui libèrent trop d’eau douce, moins dense que l’eau salée, dans l’Atlantique Nord.
« Le fait que l’AMOC soit resté faible et se soit affaibli au cours du XXe siècle, avec un déclin notable à partir de 1950 environ, est très certainement lié à l’activité humaine », estime David Thornalley.
Selon le co-auteur de l’étude, le Dr Jon Robson, chercheur scientifique principal à l’Université de Reading, les nouveaux résultats suggèrent une lacune dans les modèles climatiques mondiaux actuels.
« La circulation dans l’Atlantique Nord est beaucoup plus variable qu’on ne le pensait auparavant et il est important de comprendre pourquoi les modèles sous-estiment les réductions d’AMOC que nous avons observées. »
Cette différence pourrait notamment s’expliquer par une trop faible estimation de l’eau douce pénétrant dans le système.
Pour le fond de recherche européen ATLAS, qui a participé aux études, la pêche commerciale est également menacée par les changements de la position et de la profondeur des courants océaniques, certaines régions manqueraient ainsi d’eaux riches en oxygène.
« Un affaiblissement de l’AMOC peut aussi conduire à des hausses ou des baisses de températures de plusieurs degrés, affectant certaines espèces de poissons importantes (pour l’homme), ainsi que la quantité de plancton, de poissons, d’oiseaux et de baleines », estime-t-il dans un communiqué.
Si le scénario du film « Le Jour d’Après » n’est heureusement pas encore à l’ordre du jour, les résultats de ces deux études appellent à une plus grande vigilance et une meilleure compréhension des enjeux climatiques liés à la modification des courants marins. En effet, s’ils continuent à s’affaiblir, cela laisserait plus de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, contribuant encore plus au réchauffement climatique, alimentant ainsi un cercle vicieux.
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