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Ce juge français est « interdit bancaire sur toute la planète » à cause de Trump

Mais pour le magistrat sous sanctions, il n’est pas concevable de céder aux pressions des États-Unis. Le rôle des juges et des procureurs de la Cour Pénale Internationale est crucial.

Depuis trois mois, le juge français de la Cour Pénale International (CPI), Nicolas Guillou, est visé par des sanctions émises par l’administration Trump pour avoir voulu faire condamner le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou pour génocide. Une décision lourde de conséquences sur sa vie et qui menace le bon fonctionnement de la plus haute autorité pénale.

Élu en décembre 2023, le juge français Nicolas Guillou a pris ses fonctions au sein de la CPI en mars 2024, où il préside la Chambre Préliminaire sur la situation de l’État de Palestine. Depuis le 20 août 2025, il est la cible de sanctions des États-Unis, au motif qu’il a « autorisé l’émission par la CPI de mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, et le ministre de la Défense, Yoav Gallant. »

Pour avoir dénoncé et voulu faire condamner deux hauts responsables génocidaires de l’État d’Israël, accusés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité pour leur intervention militaire dans la bande de Gaza, Nicolas Guillou est désormais dans le viseur de Washington.

Il figure désormais sur la liste noire des États-Unis – avec huit autres magistrats de la CPI –, aux côtés de terroristes, de groupes mafieux et de dictateurs.

Des sanctions américaines drastiques

Les répercussions d’une telle décision sont extrêmement lourdes de conséquences sur la vie personnelle et professionnelle du juge. Au-delà d’une interdiction de territoire américain et du gel de ses avoirs aux États-Unis, il est désormais dans l’impossibilité de recevoir un service dès lors qu’il nécessite l’intervention d’une personne ou d’une entreprise américaine.

Dans un monde où une grande partie des transactions financières, des outils numériques et des services de mobilité repose – directement ou indirectement – sur des entreprises états-uniennes, être placé sous sanctions américaines revient à voir se refermer, d’un coup, une bonne partie des infrastructures nécessaires pour travailler, voyager, se loger, ou gérer son argent.

Les sanctions ont un impact particulièrement important dans le secteur bancaire. Dans son discours tenu le 10 octobre à Paris, à l’occasion du congrès de l’Union Syndicale des Magistrats (USM), Nicolas Guillou rappelle que « les moyens de paiement sont souvent supprimés. Visa et Mastercard, qui ont un quasi-monopole en Europe, sont américains. Vous vous retrouvez du jour au lendemain sans carte bancaire. »

Pire encore, cette interdiction ne vise pas seulement les transactions vers des entreprises américaines, elle s’applique à toute opération qui utilise le dollar comme référence pour la conversion, ce qui est le cas dans la quasi-totalité des pays en dehors de l’Union européenne. Par conséquent, Nicolas Guillou est désormais en interdit bancaire dans la plupart des pays du monde.

Une attaque grave contre l’indépendance d’une institution pénale internationale

La situation dans laquelle se trouve le juge français est alarmante. Ces sanctions constituent une ingérence à l’encontre des magistrats de la CPI qui s’érigent comme des remparts à l’impunité d’États influents comme Israël ou les États-Unis.

Dans un communiqué, le Département d’État américain a ainsi justifié la mise en place de ces sanctions : « Les États-Unis ont été clairs et constants dans leur opposition à la politisation de la CPI, à ses abus de pouvoir, à son mépris de notre souveraineté nationale et à l’extension illégitime de sa compétence judiciaire. »

C’est donc l’impartialité de la CPI qui est questionnée. Par ce biais, les États-Unis interfèrent directement avec une décision de justice, cherchent à décourager les juges qui en sont décisionnaires, et sapent les fondements même d’un État de droit international.

Mais pour le magistrat sous sanctions, il n’est pas concevable de céder aux pressions des États-Unis. Le rôle des juges et des procureurs de la CPI est crucial. Ils ont pour mandat de mener des enquêtes indépendantes et, le cas échéant, de poursuivre les responsables des crimes les plus graves : génocides, crimes contre l’humanité, crimes d’agression ou crimes de guerre.

Comme le rappelle Nicolas Guillou dans un entretien avec Le Monde : « Lorsque la Cour est attaquée, ce sont les victimes qui sont réduites au silence. »

Cette affaire met en lumière le déficit de souveraineté de l’Europe, et ce, dans de nombreux domaines : numérique, bancaire, judiciaire… Dans ce contexte, il s’agit selon Nicolas Guillou de « bâtir, en urgence, les conditions de la résilience des systèmes judiciaires. »

Cela supposerait que les États assument collectivement la responsabilité de protéger l’indépendance des juges, de limiter l’extraterritorialité des sanctions à leur encontre et de garantir des moyens concrets pour que la justice internationale puisse continuer à fonctionner de manière impartiale, en résistant aux pressions économiques et politiques.

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Louis Laratte

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