On le trouve dans les céréales, les pâtes, les crustacés, mais aussi dans les cigarettes. Les Français sont particulièrement exposés au cadmium, un métal lourd présent dans les engrais phosphatés, associé à des effets néfastes sur la santé, notamment cancérogènes et cardiovasculaires. Si l’alimentation est la principale source d’exposition, les fumeurs ont en moyenne un niveau de cadmium dans leurs urines augmenté de plus de 50 % par rapport aux non-fumeurs.
Une exposition au cadmium aggravée par le tabagisme
C’est ce qu’il ressort de l’étude transversale Esteban de Santé publique France qui a permis de mesurer les niveaux d’imprégnation par le cadmium de la population française continentale entre avril 2014 et mars 2016.
Le taux de cadmium urinaire a doublé chez les adultes par rapport à ce qui avait été retrouvé dans l’étude nationale nutrition santé (ENNS) 2006-2007 (0,57 µg/g de créatinine contre 0,29 µg/g de créatinine). Les Français sont les européens les plus contaminés par le cadmium.
Le niveau d’imprégnation moyen est particulièrement élevé chez les fumeurs : il est de 0,65 µg/g de créatinine contre 0,50 µg/g chez les non-fumeurs.
« Le tabac est donc une source supplémentaire de cadmium qu’il vaut mieux éviter. Moins on est exposés au cadmium, mieux on se porte », souligne Pierre Souvet, cardiologue et président de l’Association Santé environnement France (ASEF), pour La Relève et La Peste, évoquant deux méta-analyses récentes.
L’une montre que le risque d’avoir un cancer du pancréas est doublé chez les individus les plus imprégnés par rapport aux moins imprégnés, la seconde que le risque cardiovasculaire associé à l’exposition au cadmium augmente dès 0.
« Il n’y a pas de dose en-dessous laquelle le risque cardiovasculaire n’existe pas », précise-t-il, appelant à mener de front la lutte contre le tabac et celle contre le cadmium.
Une cigarette contient environ 0,5 à 2 μg de cadmium. « Une grande majorité des fumeurs n’ont pas conscience de cette teneur en cadmium dans leur cigarette », estime Nathalie Verroit, tabacologue et infirmière en santé-environnement, pour La Relève et La Peste.
« En pratique clinique, on observe déjà une méconnaissance entre nicotine, monoxyde de carbone, goudrons, arsenic, formaldéhyde et toutes les substances irritantes de manière générale. Les fumeurs voient plutôt cela comme un cocktail. »
La fumée de cigarette contient environ 7 000 substances différentes dont au moins 70 sont cancérogènes.
« Lors des consultations, j’informe au mieux les patients sur la composition d’une cigarette et sur l’origine des substances », précise Nathalie Verroit. « Je leur indique notamment que le cadmium se retrouve dans les cigarettes via la culture du tabac du fait de sa présence naturelle dans les sols mais aussi dans les engrais phosphatés. Les plants de tabac absorbent le cadmium via leurs racines. »
Le consommateur est exposé au cadmium par inhalation de la fumée de cigarette, environ 10 % du cadmium présent dans une cigarette étant inhalé lorsque le tabac est fumé. Les personnes confrontées au tabagisme passif vont donc aussi accumuler du cadmium dans leur organisme, dans une moindre mesure par rapport aux fumeurs.
« C’est aussi un élément que l’on met en avant pour sensibiliser les fumeurs », note la tabacologue.
Des niveaux d’imprégnation plus élevés chez les femmes
Début juin, dans une lettre adressée au gouvernement, la Conférence nationale des unions régionales des professionnels de santé-médecins libéraux (URPS-ML) a sonné l’alerte sur la forte exposition de la population française au cadmium. Cette alerte a été largement médiatisée, permettant de mettre en lumière les effets néfastes de ce métal lourd peu connu jusque-là.
« Le fait que les patients aient entendu parler du cadmium dans l’alimentation est un levier qui peut être utilisé en consultation pour sensibiliser », estime Nathalie Verroit. « Ce qu’il se passe avec les céréales des enfants peut vraiment aider la personne à prendre conscience qu’en fait, ce qu’elle a entre ses deux doigts contient aussi ce cadmium. »
L’étude Esteban montre que les enfants sont eux aussi fortement exposés au cadmium, avec une cadmiurie urinaire de 0,27 µg/g de créatinine. Chez les 6-10 ans, elle est même de 0,31 µg/g de créatinine.
« C’est plus que les adultes dans l’étude ENNS 2006-2007. C’est énorme alors qu’ils ne sont pas fumeurs et ne mangent généralement pas d’huîtres. Si ces enfants se mettent ensuite à fumer, à quelle quantité de cadmium vont-ils être exposés dans 10, 20, 30 ans ? C’est ahurissant », s’inquiète Pierre Souvet.
Le président de l’ASEF rappelle également que le niveau d’imprégnation des femmes au cadmium est plus important que celui des hommes (68 µg/g de créatinine contre 0,47 µg/g de créatinine).
« Chez un grand nombre de femmes, on observe des déficits en métaux, notamment en fer, qui favorisent l’absorption intestinale du cadmium », explique-t-il.
Cette spécificité est à prendre en compte, tout comme l’environnement dans lequel vivent les patients.
« Le fait de vivre à proximité des zones industrielles émettant du cadmium est aussi une voie d’exposition au cadmium, avec l’alimentation et le tabac », souligne le cardiologue.
D’autant qu’à tout cela peut également s’ajouter une exposition professionnelle au cadmium.
L’impact environnemental et social du tabagisme
« L’accompagnement en tabacologie représente une prise en charge globale, physique, psychologique, qui prend en compte les habitudes des patients », souligne par ailleurs la tabacologue.
Si les risques sanitaires, en particulier l’impact sur la santé mentale, et l’aspect financier sont les leviers les plus efficaces, la dimension environnementale peut rencontrer un réel écho auprès de certains patients.
« J’aborde la question sous l’angle du cycle de vie de la cigarette : culture du tabac qui implique déforestations massives liées aux monocultures, épuisement et pollution des sols, fabrication d’une cigarette, pollution générée par les mégots… », détaille la tabacologue.
Elle explique aussi à ses patients que plus d’un million d’enfants sont exploités pour la culture du tabac et exposés à haute dose à la nicotine, avec des impacts majeurs sur leur santé. « Beaucoup n’en ont pas conscience. »
La tabacologue évoque également le risque d’incendie, « alors que 10 % des incendies dans le monde sont liés à une cigarette mal éteinte ».
« Notre rôle en tant que professionnel de santé est de faire prendre conscience aux patients l’impact de leur consommation, alors que 6 000 milliards de cigarettes sont produites chaque année selon l’Organisation mondiale de la santé », poursuit Nathalie Verroit.
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