Des institutions scientifiques ont évalué 83 solutions fondées sur la nature pour lutter contre le dérèglement climatique. L'étude, publiée dans la revue Cell Reports Sustainability, révèle qu'en plus de régénérer les écosystèmes, financer des projets de préservation de la nature a des bénéfices économiques. Chaque euro génère 2,8 euros de retour sur investissement.
Définies pour la première fois en 2009 par l’UICN, les solutions fondées sur la nature consistent en des « actions visant à protéger, restaurer et gérer de manière durable des écosystèmes naturels pour relever directement les enjeux de société tout en produisant des bénéfices pour la biodiversité ».
Pour faire face à l’érosion de la biodiversité, atténuer les émissions de carbone et s’adapter aux conséquences du réchauffement climatique, l’Institut de Géosciences et Environnement et le Laboratoire d’Écologie Alpine, entre autres, ont évalué 83 actions de préservation d’écosystèmes naturels et leurs bénéfices socio-économiques.
Quatre services écosystémiques étudiés
Les chercheurs ont tenté de quantifier la rentabilité, mais aussi les bénéfices directs pour la biodiversité et les populations, apportés par la restauration de zones humides et de rivières, la végétalisation en zones urbaines et la reforestation. Ils se sont intéressés à quatre services écosystémiques rendus par ces solutions : séquestration de carbone, lutte contre les inondations, les vagues de chaleur et les glissements de terrain.
Si l’étude porte seulement sur des actions menées dans les Alpes, elle illustre les bénéfices plus globaux que permettent les solutions fondées sur la nature.
« Les zones de montages sont les premiers endroits qui connaissent les effets du dérèglement climatique. On voit déjà que les glaciers disparaissent, et les inondations et glissements de terrain y sont plus fréquents », rappelle Alberto Gonzalez-Garcia, chercheur à l’Institut de Géosciences et Environnement, co-auteur de l’étude, pour La Relève et La Peste.
Les zones humides, cruciales
« Il y a parfois des solutions limitées car elles sont petites, et d’autres fois, de grandes interventions, plus coûteuses, qui ont pourtant une valeur importante pour la biodiversité, même si elles ne sont pas très proches des zones habitées où les humains pourraient en bénéficier directement », précise le chercheur.
C’est notamment le cas de la préservation des zones humides, qui sont « un bon exemple de gestion de la biodiversité et d’amélioration de la séquestration du carbone ». En France, entre 2010 et 2020, 41 % des zones humides ont été dégradées, notamment par l’artificialisation des sols. Cependant, elles abritent 40 % de la faune et flore connues.
« Une gestion planifiée d’une zone humide permet de régénérer des habitats pour beaucoup d’espèces, tandis que végétaliser les villes améliore le cadre de vie des personnes en cas de fortes chaleurs mais a moins d’effets pour la faune. Il est donc nécessaire d’intégrer la biodiversité dans la conception des solutions fondées sur la nature à long terme », ajoute Alberto Gonzalez-Garcia pour La Relève et La Peste.
Dans le Tyrol autrichien, la revitalisation de la rivière sauvage du Lech, réalisée entre 2016 et 2022, intègre pleinement la biodiversité. Ainsi, la création de 39 mares assure la présence du crapaud calamite ou du grand triton crêté, des espèces menacées en Autriche.
Un argument pour la prise de décisions
Pour un euro investi, les solutions fondées sur la nature peuvent générer 2,8 euros de retour sur investissement. Ainsi, elles consistent en un investissement rentable autant qu’elles préservent des habitats pour la biodiversité.
Lancée en 2004, la restauration intensive de la rivière Grésivaudan, « le projet Isère amont », vise notamment à réduire les risques d’inondations. Ainsi, le syndicat chargé de la gestion de la rivière, le Symbhi, estime qu’avant travaux, une crue de grande envergure pouvait causer des dommages à hauteur d’un milliard d’euros.
Projet Isère amont © Symbhi / SO Dupontrenoux créations
« En réalité, on n’a pas besoin de donner une valeur économique à la nature pour la protéger, mais on vit dans un monde où les arguments économiques sont très forts et peuvent servir les prises de décisions », explique Alberto Gonzalez-Garcia, qui espère que cela encouragera les banques et assurances à financer les projets de préservation des écosystèmes.
De surcroît, l’étude se limitant à 83 actions, ce chiffre pourrait tendre vers des valeurs supérieures si un plus large panel d’actions était évalué.
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