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Près de Carcassonne, un méga-projet logistique menace 18 ha de terres agricoles

« Parmi les situations dangereuses pouvant affecter les différentes installations, figurent des risques de rupture de barrage ou de digue, ou encore de mouvements de terrain et de retrait-gonflement des argiles »

Depuis mai 2023, le collectif Laisse Béton Salvaza (LBS) initié par la Confédération paysanne de l’Aude, s’oppose à un vaste projet d’aménagement consistant notamment à artificialiser 18 hectares de terres agricoles à l’ouest de Carcassonne, entre l’autoroute A61 et l’aéroport. Si la plateforme logistique de la société immobilière Axtom voit le jour, les conséquences environnementales pourraient être dramatiques – une partie du site étant classée en zone inondable.

Un projet d’entrepôts surdimensionné

Il y a deux ans, le producteur de luzerne biologique qui possède les terres a signé un acte sous seing privé avec l’entreprise parisienne. La cession du terrain est donc conditionnée à la réalisation du projet et, plus concrètement, à la validation du permis d’aménager, à la seule compétence de la mairie de Carcassonne. Cette négociation entre l’agriculteur et Axtom intervient dans un contexte de requalification d’un site de 70 hectares en « zone d’activité à urbaniser ».

Le collectif LBS a calculé l’emprise au sol de la future construction, et estime sa taille supérieure à celle de la Cité médiévale. Celle-ci sera en effet constituée de deux entrepôts pour un total de 110 663 m², ainsi que des parkings et des bassins de rétention des eaux.

« Malgré une opposition souvent majoritaire des citoyen·nes, l’on remarque que les commissions d’enquête ne prennent pas en compte les avis relevant d’une vision différente du développement économique et de l’aménagement du territoire. Ce sont deux visions qui s’affrontent », analyse Olivier Lozat, chargé de l’animation et de la communication à la Confédération paysanne de l’Aude, pour La Relève et La Peste.

En octobre 2023, la première manifestation avait même conduit 600 manifestant·es à s’emparer symboliquement de l’espace convoité, dans la ZAE Lannolier.

Schéma du collectif Laisse Béton Salvaza comparant les emprises au sol du projet de zone logistique à Salvaza

Derrière les murs, quelle activité ?

Au-delà des proportions – éminemment critiquables –, la nature des activités de l’entreprise interroge. La dernière enquête publique mentionne les capacités de stockage des locaux, s’élevant à 93 000 tonnes de matière. De nombreuses questions restent en suspens, notamment l’identification des marchandises stockées. La liste est longue : bois, carton, papier, polymère, jusqu’à des produits dangereux tels que des liquides inflammables et des aérosols.

Pour les réceptionner et les entreposer, une armada de 2 080 véhicules, toutes catégories confondues, sera déployée. Toujours d’après le document, à l’horizon 2026, le trafic des poids lourds augmenterait de plus de 66 % sur le secteur, contribuant ainsi à générer en moyenne près de 16 % d’émissions de gaz à effet de serre.

Face aux critiques, les industriels rappellent généralement leur utilité au territoire, en communiquant sur les emplois créés. Alors qu’en l’état actuel, le projet repose sur une clientèle hypothétique et que la société n’a pas encore obtenu les autorisations nécessaires à son installation, celle-ci avance le chiffre de 400 embauches : des postes souvent précaires et sous-qualifiés, qui plus est soumis à un taux élevé de turn-over.

Un danger d’inondation minimisé

Si ce n’est occultés, les risques environnementaux sont sous-évalués par les autorités. « Ces terres se situent près du bassin versant de deux ruisseaux ; leur artificialisation empêchera l’eau de s’infiltrer et représentera une menace pour les entreprises du secteur », dénonce « Moineau », militant d’Extinction Rébellion, pour La Relève et La Peste.

L’on se souvient des pluies torrentielles ayant déferlé sur Trèbes en 2018, à huit kilomètres de Carcassonne. Or, ni la ville ni l’agglomération n’ont lancé de campagne de prévention contre les inondations à destination des habitant·es, malgré le péril.

Le site est pourtant situé sur le TRI de l’Aude (Territoire à Risque Important d’inondation). Ce que rappelle indirectement la MRAe (Mission régionale d’autorité environnementale) dans une étude d’impact publiée en août 2024, où elle exprime des réserves sur le respect de la loi sur l’eau.

Plusieurs espèces protégées vivent d’ailleurs sur ledit territoire, comme la huppe fasciée, le Milan noir ou encore nombre d’amphibiens.

« On parle beaucoup de biodiversité, mais qu’en pensent les assurances ? », ajoute l’activiste. « Parmi les situations dangereuses pouvant affecter les différentes installations, figurent des risques de rupture de barrage ou de digue, ou encore de mouvements de terrain et de retrait-gonflement des argiles », renchérit Pauline Van Leeuwen, représentante à la CGT de Carcassonne, pour La Relève et La Peste.

Manifestation organisée par le collectif Laisse Béton Salvaza

Quand l’ambiguïté est déclarée

« La ville de Carcassonne a émis un avis négatif sur le permis d’aménager. Cela étant, on ne peut interpréter cette décision comme une opposition au projet, puisqu’en 2022, elle a vendu à l’agriculteur un chemin communal qui scindait ses parcelles en deux afin de créer une entité foncière », révèle Olivier Lozat, pour La Relève et La Peste.

Une ingérence à laquelle s’ajoute une stratégie à peine voilée de démobilisation, visant d’une part à livrer des centaines de pages de dossiers techniques aux citoyen·nes, sans les leur exposer clairement, et d’autre part, à répéter « que le projet n’aboutira pas », à grands renforts de communiqués.

En réaction à cette ambiguïté, le collectif Laisse Béton Salvaza, composé d’une dizaine d’associations écologistes et de syndicats, est intervenu à plusieurs reprises devant la salle du conseil municipal, à l’occasion de « casserolades ». Enfin, les deux enquêtes publiques, organisées à six mois d’intervalle, témoignent de la fébrilité des autorités sur cette affaire.

En tout état de cause, le collectif Laisse Béton Salvaza demande au Préfet de l’Aude de prolonger d’un mois l’enquête publique en cours et de publier un nouvel arrêté – condition sine qua non de l’organisation d’une réunion d’information citoyenne avec les élu·es et Axtom. Pour sa part, Extinction Rébellion défilera le 5 avril prochain dans les rues de Carcassonne afin de dénoncer l’extension de la zone d’activité, lors de la rando’action « La Fureur du Dragondin ».       

Rodolphe Lamothe

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