Mouans-Sartoux s’est construit comme une ville-modèle en matière d’alimentation en mettant en place la première cantine scolaire 100% bio, sans augmentation de prix et fondée sur une ferme publique. Cette ferme a pris la forme d’une régie agricole dont l’unique objet est de fournir la restauration scolaire et pour partie l’épicerie associative. Elle a essaimé son modèle et un réseau national se constitue.
La question de la maîtrise du coût du bio mais aussi d’une production efficace a intéressé d’autres communes en France. Gilles Pérole est adjoint au maire de Mouans-Sartoux, en charge du projet alimentaire.
« Il y a plusieurs leviers pour maîtriser le coût du bio qui est plus cher à produire que ce que fait l’agriculture conventionnelle. Ce coût est justifié tant par le mode de production que par une plus juste rémunération des agriculteurs. Donc, il faut aller chercher des économies. » attaque d’emblée l’élu pour La Relève et La Peste
« Premier levier : le gaspillage alimentaire. Une cantine classique jette 20 à 30% de ce qu’elle achète. À Mouans-Sartoux, nous sommes passés de 147g jetés à seulement 30g en moyenne. Le second levier, c’est la végétalisation de l’assiette. Nous avons opté pour 50% de menus végétariens cuisinés maison, avec le soutien massif des parents. Enfin, rien d’industriel ! »
Avec ses aliments transformés, la nourriture industrielle est non seulement moins bonne pour la santé, mais elle est aussi plus chère. Un menu végétarien coûte 50% moins cher à produire. En l’instaurant pour la moitié des repas, cela a permis à la continue de faire 25% d’économies.
L’autonomie possible
Mais comment faire lorsque localement la production de fruits et légumes est insuffisante soit en quantité, soit en diversité ? Pour Gilles Pérole,l’impératif bio l’emporte sur le local « parce que je sais que le mode de production impacte plus l’environnement et la santé que le transport ».
Toutefois, la demande était de cuisiner de l’ultra-frais pour répondre aux enjeux de qualité nutritionnels, mais aussi au plaisir des saveurs. L’approvisionnement local se révélant trop complexe, l’idée a jailli en 2008 : créer une ferme municipale.
La ferme tourne à plein depuis 2011 et fournit 85% des légumes servis dans les cantines grâce à ses 6 ha cultivés. Une ferme municipale associée à une cantine permet d’assurer la mise en surgélation ou en conserve lorsque la production déborde les besoins et de bénéficier de légumes bio, même en hiver.
Voilà les leviers et conditions de l’autonomie qui ont convaincu près de 100 communes de se lancer dans l’aventure. La médiatisation de l’expérience menée à Mouans-Sartoux génère un grand nombre de prises de contact. Beaucoup de collectivités se sont inspirées de cette idée en cherchant à l’adapter à leurs contraintes, leur territoire et leur climat.
Cet engouement a un peu débordé le temps disponible de Gilles Pérole et de ses équipes. Alors est née la volonté de structurer un réseau pour que les 100 premières fermes publiques puissent essaimer sur tout le territoire.
La carte des fermes publiques en France – Crédit : Rencontres Nationales des Fermes Municipales
« Nous avons plusieurs objectifs. Nous voulons déjà documenter ce qu’est une ferme publique tant pour un petit village que pour une métropole comme Lyon ou Marseille. Cela signifie que nous répertorions les différents statuts de fermes et les contrats de travail possibles. Nous voulons également créer un répertoire national de chaque ferme en termes de superficie, de volume de production, de type de produits… La carte qui se remplit, fait déjà apparaître les 48 premières fermes » explique Gilles Pérole pour La Relève et La Peste
Les premières Rencontres nationales des fermes municipales ont permis des échanges d’expériences en juin dernier à Mouans-Sartoux. La prochaine édition se tiendra à Épinal les 18 et 19 juin prochains.
Ce réseau se dote de toute une documentation d’essaimage et de partage à disposition de ceux qui ont déjà emboîté le pas et ont créé des fermes municipales. Ainsi, tous pourront apporter leur assistance aux nouveaux venus, aussi nombreux soient-ils. Enfin, le réseau se constitue pour porter un plaidoyer sur l’utilité des fermes publiques et pour obtenir la reconnaissance du statut agricole de ces fermes.
Régie agricole de Mouans-Sartoux – Crédit : MEAD
Ferme publique : des critères précis
Aussi peu intuitif que cela soit, les fermes publiques n’appartiennent pas au monde agricole. Cela signifie qu’elles n’ont aucun droit aux aides de la PAC. Pourtant, ces fermes répondent à la fois à des critères de production et de qualité. Une ferme publique produit pour la restauration collective, les paysans y sont salariés, la production est 100% bio.
« L’agriculteur n’y fait que produire. Il n’est pas livreur, ni commerçant. La cantine vient chercher ses produits. Lui ne fait que son métier. Il est payé sur la grille de la fonction publique et ne porte ni le risque financier ni celui des aléas climatiques. C’est comme ça que cela fonctionne depuis des années à Mouans-Sartoux. » précise Gilles Pérole pour La Relève et La Peste
La ferme publique ne vend pas sur les marchés, ni dans les magasins de producteurs car son objet n’est pas de générer du profit, ni de faire concurrence aux producteurs locaux.
Le verger municipal à Toulouse – Crédit : le Verger de Candie
À Toulouse, la plus grande ferme publique de France
Le domaine de Candie à Toulouse est à la fois la plus vaste ferme publique et l’une des plus grandes exploitations en agriculture bio à l’échelle de l’Occitanie. Le Domaine s’étend sur 250 hectares de terres cultivées et une centaine d’hectares de réserves foncières ou d’espaces de compensation écologique.
La ferme produit des fruits, des légumes, fait pousser des vignes et des céréales. Une filière de transformation s’est développée pour poursuivre le soutien à une alimentation de qualité dans la restauration scolaire. Le blé tendre est transformé en farine puis distribué sous forme de pain bio et de coquillettes dans les cantines toulousaines. Ce sont 300 000 baguettes par an qui sont consommées dans plus de 60 écoles élémentaires de la ville.
Le lancement de nouveaux projets pour mailler le territoire n’est pas si simple car « il n’y a pas tant d’agriculteurs que ça en France ». Pour Gilles Pérole, trouver le terrain, recruter l’agriculteur et rassembler les financements dans le cadre de plus en plus contraint d’une collectivité, est un vrai challenge.
Les coupes budgétaires imposées par le gouvernement pour réduire le déficit public, pèsent pour 5 milliards d’euros sur les collectivités et cela peut amener certains à s’interroger sur la pertinence des modèles alimentaires mis en place. Le réseau peut faciliter et faire gagner du temps à ceux qui veulent démarrer.
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