Après des mois de préparation, l'équipe de Plastic Odyssey a réussi à extraire en février dernier plus de 9 tonnes de déchets plastiques de l'île la plus polluée au monde. Un exploit que l'organisation a réalisé grâce à des innovations low-tech et qu'elle raconte dans le film « Plastic Odyssey : mission Pacifique ».
L’île la plus polluée au monde
37 km2. C’est la taille de l’île Henderson. Un confetti, ou presque, au cœur de l’océan Pacifique. Pourtant, cette île classée au patrimoine mondial de l’Unesco est également le sanctuaire le plus pollué au monde, concentrant « la plus forte densité de débris plastiques jamais enregistrée », relève Plastic Odyssey, une organisation dédiée à la lutte contre la pollution plastique et à qui la situation plus que préoccupante de l’île n’a pas échappée.
Fondée par Simon Bernard, Alexandre Dechelotte et Bob Vrignaud, l’organisation sillonne le globe depuis deux ans à bord de son navire laboratoire. Le but, faire escale dans les trente villes côtières les plus touchées par la pollution plastique afin de rencontrer les acteurs locaux et développer un réseau mondial de solutions contre la pollution plastique.
« A l’origine, nous n’avions pas prévu de faire escale sur l’île Henderson car notre objectif n’est pas de faire de la collecte de déchets, mais d’agir à la source du problème, entame Simon Bernard, président et cofondateur de Plastic Odyssey pour La Relève et La Peste. Mais nous avons entendu parler de cette île et on s’est dits qu’il fallait agir.
Étant donné que l’île Henderson est une île déserte, il est impossible d’y mener nos actions habituelles comme installer des usines de recyclage de plastique ou monter des programmes pédagogiques. Mais il fallait tenter d’extraire le plus de déchets possibles, car ces déchets plastiques se désintègrent et impactent très lourdement la biodiversité. »
Et de renchérir : « Dans les endroits où personne ne peut aller et où les déchets s’accumulent, il faut agir rapidement et avec de l’innovation. »
Des technologies low-tech et innovantes
Au cœur du Pacifique, plusieurs expéditions ont tenté de nettoyer l’île Henderson, en vain. En 2019, alors que six tonnes de déchets avaient réussi à être collectées, elles n’ont pu être évacuées de l’île du fait de la barrière de corail qui entoure le site.
« Le défi majeur, c’est vraiment de réussir à évacuer les déchets en traversant le récif corallien sans pour autant l’abîmer, détaille Simon Bernard pour La Relève et La Peste. On s’est donc creusés la tête pour trouver des techniques innovantes. »
A force de réflexion, l’équipe de Plastic Odyssey finit par opter pour des technologies dites « low-tech ». Parmi elles, un parachute, qui permet de contourner la barrière de corail par les airs.
« Quand on a eu cette idée un peu folle, on n’avait aucun modèle et personne n’y croyait, se remémore Simon Bernard, la voix rieuse. Les scientifiques n’y croyaient pas et les fabricants de parachute non plus. »
Et pourtant. En dix jours à peine, l’équipe réussit à évacuer 6 tonnes de déchets au-dessus de l’eau, accrochant plusieurs sacs de déchets plastiques à un parachute. Ce dernier était lui-même tracté depuis le bateau de l’expédition grâce à treuil bricolé à partir d’une vieille moto trouvée en Équateur. De quoi faire de cette invention low-tech un véritable allié.
« C’est parfois quand on a des moyens restreints qu’on arrive aux résultats les plus innovants », sourit Simon Bernard, dont l’amour des low-tech ne vient pas de nulle part. Ex-officier de marine marchande, il a notamment embarqué il y a une dizaine d’années aux côtés de Corentin De Chatelperron à bord du « Nomade des mers », une expédition qui parcourait le globe à la recherche d’innovations durables.
Continuer la recherche scientifique
Sur l’île, d’autres technologies low-tech ont été utilisées, comme la construction d’une plateforme flottante, qui a permis de faire passer certains déchets au-dessus de la barrière de corail lorsque « la mer était belle » et que les conditions le permettaient.
Au total, la mobilisation d’une dizaine de personnes sur une dizaine de jours auront permis d’évacuer plus de 9 tonnes de déchets et d’ainsi « restaurer le sanctuaire le plus pollué de la planète pour cinq à dix ans », s’enthousiasme Simon Bernard, dont l’expédition est racontée dans le film « Plastic Odyssey : mission Pacifique », projeté ce 18 décembre aux Folies Bergères, à Paris.
De là à faire de la collecte de déchets une solution satisfaisante à la pollution plastique des océans ? Assurément pas, insiste le président de Plastic Odyssey. A l’image de la Fondation Tara Océan, ce dernier milite avant tout pour une meilleure gestion du cycle plastique, de sa production à son recyclage.
« En parallèle de la collecte qu’on a faite, il est indispensable de mener des recherches scientifiques pour comprendre d’où vient le plastique qui s’accumule sur l’île et comment faire pour qu’il arrête de s’y échouer. »
Cap vers l’océan Indien
Dans cet objectif d’agir de façon globale contre la pollution plastique, l’équipe de Plastic Odyssey a notamment recyclé 2 tonnes de plastiques directement sur le bateau grâce à son laboratoire flottant, et ce afin de construire du mobilier avec les habitants de l’île habitée la plus proche, l’île Pitcairn. L’an prochain, l’équipe fera par ailleurs cap vers l’île d’Aldabra, aux Seychelles, où la quantité de déchets est estimée à 500 tonnes.
« L’objectif sera de comprendre, avec des scientifiques, comment on organiser une grosse opération de nettoyage. »
Des initiatives porteuses d’espoir selon Simon Bernard alors qu’à l’échelle politique, les décisions sont encore loin d’être à la hauteur des enjeux et que début décembre, les négociations autour du premier traité international contre la pollution plastique se sont scellées par un échec.
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