Des loups d’Éthiopie ont été observés en train de butiner le nectar de fleur. Ce comportement suggère qu’ils pourraient ensuite propager le pollen et assurer un rôle insoupçonné dans le monde des pollinisateurs. Une découverte surprenante qui remet en question les idées préconçues concernant les habitudes alimentaires des grands carnivores et ouvre de nouvelles perspectives sur leur éventuelle coévolution avec les plantes.
Une découverte insoupçonnée
Une étude publiée le 19 novembre dans la revue Ecology dévoile des observations inédites sur le loup d’Éthiopie. Habituellement carnivore, cette espèce aussi appelée loup d’Abyssinie, semble s’intéresser à plein nez au nectar des fleurs Kniphofia foliosa.
Malgré les efforts de conservation du gouvernement éthiopien, le loup d’Éthiopie reconnaissable à ses teintes flamboyantes rappelant la couleur du renard, est en danger critique d’extinction depuis les années 1990. Avec seulement 500 individus recensés à ce jour, il est considéré comme l’un des canidés les plus rares au monde. Son habitat niché dans les hauts plateaux éthiopiens est fragmenté sous la pression de l’agriculture et de l’élevage intensif, qui grignotent les prairies d’altitude situées au-delà de 3 000 mètres.
Afin de mener leur étude comportementale, des chercheurs de l’Ethiopian Wolf Conservation Programme (EWCP) ont suivi six loups issus de trois meutes pendant quatre jours. Leur intérêt pour les fleurs s’est avéré marquant : certains d’entre eux ont inspecté jusqu’à 30 fleurs et consacré un temps conséquent à récolter du nectar. Le pollen qui se dépose sur leurs museaux laisse envisager un rôle potentiel dans la pollinisation.
Notre compréhension des relations entre les espèces serait bouleversée si ce rôle unique dans la reproduction des plantes se confirmait. Toutefois, les scientifiques restent prudents, précisant que l’efficacité des loups comme pollinisateurs n’est pas encore démontrée.
De la gourmandise à la pollinisation de fleurs robustes
C’est au cœur de la fleur du Tison de Satan, également surnommée « torche des dieux » pour ses couleurs éclatantes, que le loup d’Éthiopie plonge son museau. Grâce à sa structure solide, sa résistance au froid, sa production abondante de nectar et sa dépendance à des pollinisateurs externes, le Kniphofia foliosa possède des caractéristiques typiques favorisant la thérophilie – pollinisation par un groupe des mammifères non-volants.
En effet, les loups semblent privilégier les fleurs matures situées sur les parties basses des plantes, optimisant ainsi leur accès à un nectar riche en sucres par lequel ils semblent particulièrement attirés.
Pesant entre 12 à 16 kg, avec un régime alimentaire principalement basé sur les rongeurs endémiques des régions montagneuses d’Afrique, il est peu probable que ce nectar joue un rôle majeur dans les apports énergétiques du loup d’Abyssinie. Il pourrait plutôt leur servir de dessert fleuri.
Ce comportement pourrait refléter une réponse à un environnement en mutation, où les proies se raréfient. Les scientifiques s’efforcent désormais de comprendre si cette habitude relève d’une simple gourmandise ou si elle constitue un complément nutritionnel significatif dans leur alimentation.
Le loup d’Abyssinie rejoindrait le groupe des thérophiles
Près de 90 % des fleurs dans le monde dépendent des animaux pour leur pollinisation. Pour assurer leur reproduction sexuée, les plantes à fleurs ont développé des relations spécifiques avec leurs pollinisateurs. Les insectes figurent parmi les vecteurs les plus efficaces, mais certaines espèces de vertébrés jouent également un rôle. Chez les mammifères, ce sont généralement les espèces de petite taille et arboricoles qui interviennent dans ce processus. Selon une étude de 2015, parmi 343 mammifères identifiés comme pollinisateurs potentiels, seuls quatre sont des carnivores nectarivores.
Si les loups d’Éthiopie contribuent bel et bien à la pollinisation, ils rejoindraient donc le groupe des thérophiles, encore peu étudié, mais pourtant plus important et répandu qu’on ne le pense. Bien que la thérophilie soit documentée depuis les années 1930, les recherches sur la dépendance des plantes envers les mammifères non-volants pour leur pollinisation, ainsi que sur les adaptations florales qui favorisent ces interactions, demeurent limitées.
Des recherches supplémentaires sont indispensables pour valider cette hypothèse. Afin de confirmer le rôle d’une espèce en tant que vecteur de pollen, il est nécessaire d’analyser précisément la fréquence de ses visites aux fleurs, la quantité de pollen transportée, ainsi que l’impact de ces interactions sur la fructification des plantes.
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