Avec leur campagne « Notre Ohrage », la chanteuse Hélène Martinelli, dit « Koclico » et la réalisatrice Rachel Dano ont uni leurs forces créatrices et artistiques pour venir en soutien aux femmes victimes de violences sexistes et sexuelles (VSS) mais aussi de défaillances de la part du système juridique français. En mettant notamment en lumière l’affaire Clara Achour, les deux jeunes femmes espèrent faire entendre leurs voix et celles de milliers d’autres face à ces injustices.
Notre Ohrage : dénoncer les violences judiciaires
Comment raconter, à travers la pratique artistique, l’indicible des violences sexistes et sexuelles, et avec elles, les controverses judiciaires qui les accompagnent parfois. C’est la question que se sont posées Hélène Martinelli et Rachel Dano au moment d’entamer leur collaboration.
« En 2022, j’avais été invitée par le collectif NousToutes sur un char à aller chanter dans une manif. J’avais écrit une chanson spécialement pour cet événement, en réécrivant un morceau intitulé #OHRAGE, qui abordait le thème de la justice climatique, qui est finalement devenu Notre Ohrage, en soutien aux victimes de violences sexistes et sexuelles », explique Hélène Martinelli, de son nom de scène Koclico, à La Relève et la Peste.
Progressivement, les deux jeunes femmes transforment ce projet musical en clip, puis en véritable campagne d’action destinée à soutenir toutes les victimes de VSS. Financé par du crowdfunding, leur toute première vidéo mêle la voix de Koclico au chœur divin de femmes et minorités de genre.
Entourée de nombreuses militantes engagées sur les VSS, mais aussi de psychologues, l’objectif de la campagne est de dénoncer et réparer les défaillances judiciaires face aux VSS. Leur travail met notamment en lumière l’affaire Clara Achour, l’une des huit plaignantes à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), ayant vu « l’homme qui [l’a] violée » se faire acquitter par la justice française sur le motif de l’intention. Ce dernier a par ailleurs reconnu le fait de viol, mais sans « s’en rendre compte ».
Une « victimisation secondaire »
« Nous voulons mettre en avant le mauvais traitement judiciaire que toutes ces femmes ont vécu pendant leur plainte pour violences sexuelles et les soutenir pour la suite de leur combat. Cela englobe notamment la victimisation secondaire vécue pendant ces procédures, leurs procès, mais aussi les délais déraisonnablement longs qu’elles ont pu connaître. Certaines ont vu leur violeur acquitté, d’autres ont vu leur plainte classée sans suite », détaille Rachel Dano pour La Relève et la Peste.
Clara Achour, comme sept autres femmes, a décidé de porter plainte contre la justice française à la Cour européenne des droits de l’homme. Une plainte acceptée, tandis que « 85% des requêtes sont refusées » habituellement.
« Depuis mars 2023, j’essaie donc de retrouver ces autres plaignantes, de faire connaître notre affaire qui est malheureusement la toute petite partie visible de l’immense iceberg de l’impunité des agresseurs et de la double-peine infligée aux victimes qui osent parler », explique Clara Achour dans son témoignage public.
« Nous sommes aujourd’hui en lien avec beaucoup d’associations. Nous voulons faire bouger l’opinion publique pour servir de moteur d’éveil et de conscience », ajoute Hélène Martinelli à La Relève et la Peste.
À l’heure où les procès relatifs aux VSS n’ont jamais été autant médiatisés, la démarche entamée par les deux jeunes femmes résonne d’autant plus fort.
« Nous n’avons jamais autant parlé de ces affaires et des défaillances judiciaires, notamment avec le procès des 51 violeurs de Gisèle Pélicot. On se dit aussi que si la CEDH ne condamne pas maintenant la France, nous allons le faire de notre côté », ajoute Hélène Martinelli.
À ce titre, les deux jeunes femmes et Clara Achour se sont associées pour diffuser massivement une pétition « Condamnons la justice française et crions ensemble #NotreOhrage ! », atteignant aujourd’hui près de 39 000 signatures.
Redonner de l’espoir aux victimes
Après un happening organisé le 23 novembre dernier à l’occasion de la marche contre les violences sexuelles, Hélène et Rachel espèrent aujourd’hui toucher toujours plus de monde.
« Nous recevons plein de témoignages de personnes qui ont elles aussi vécu cette victimisation secondaire. Le fait d’avoir un produit audiovisuel qui marque les gens, qui redonne espoir, fait que notre campagne est à la fois dure, mais aussi durable. Elle fait du bien », précise Rachel Dano pour La Relève et la Peste.
Aujourd’hui, bien qu’entourées et soutenues par le collectif et plusieurs associations, les deux artistes espèrent sortir du cadre militant.
« Il est essentiel de mobiliser les médias, car nous sommes vraiment dans une bataille culturelle. Ce n’est pas anodin de voir deux personnes, deux jeunes femmes, artistes, citoyennes ordinaires, décider de s’engager sur ces sujets-là et monter une campagne grâce au collectif. On sort de notre impuissance, on peut faire bouger les lignes de notre histoire si on s’en donne les moyens et si on y croit ensemble », surenchérit Hélène Martinelli.
En attendant le passage des huit plaignantes devant la CEDH, dont la date n’est pas encore connue, la campagne « Notre Ohrage » continue et envisage, prochainement, de nouvelles actions de soutien.
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