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Mousse toxique sur la rivière et pénurie d’eau à New Delhi

En plus d’avoir un impact sur la santé publique, l’augmentation du niveau d’ammoniac rend l’eau intraitable et oblige les usines de traitement des eaux de Delhi à fonctionner à capacité minimale, dans un contexte où 70 % de l’approvisionnement en eau de Delhi provient de la Yamuna et des canaux qui s’y alimentent.

Chaque année à la même période, la région de Delhi fait face à la présence d'une mousse toxique sur la rivière Yamuna, l’un des sept cours d’eau sacrés les plus pollués d’Inde. Un phénomène qui survient juste avant les fêtes hindoues, où les fidèles ont pour rituel de s’y baigner et ainsi de s’exposer à une pollution dangereuse. Provoquée par le déversement d’eaux usées et de rejets industriels, elle perturbe également l’approvisionnement d’eau dans la ville depuis quelques jours.

Mousse toxique et pénurie d’eau

Tous les ans durant la saison hivernale, les 30 millions d’habitants de New Delhi, classée parmi les villes les plus polluées de la planète, connaissent des pics de pollution. Les émissions de gaz toxiques provenant de l’industrie, le trafic routier et les brûlis agricoles qui emplissent l’air sont conjugués au même moment aux feux d’artifice illégaux tirés à l’occasion de la fête hindoue de Diwali, qui a lieu fin octobre.

La capitale indienne, déjà noyée sous un lourd brouillard de pollution, est désormais confrontée à une autre menace environnementale : de vastes étendues de mousse épaisse recouvrent la Yamuna, affluent du Gange s’étendant sur plus de 1300 kilomètres.

Ce phénomène récurrent, avec des amas de mousse toxique qui peuvent causer des problèmes respiratoires et cutanés, n’avait pas découragé les années précédentes des fidèles hindous de se baigner dans cette rivière lors des célébrations de la fête de Chhath Puja, qui a lieu en novembre sur une période de quatre jours.

En plus d’avoir un impact sur la santé publique, l’augmentation du niveau d’ammoniac rend l’eau intraitable et oblige les usines de traitement des eaux de Delhi à fonctionner à capacité minimale, dans un contexte où 70 % de l’approvisionnement en eau de Delhi provient de la Yamuna et des canaux qui s’y alimentent. Cette sur-extraction, qui cause par ailleurs une baisse des niveaux d’eau de la rivière, réduit sa capacité à diluer et à transporter les polluants. Une situation qui perturbe l’approvisionnement en eau d’une partie de la ville.

Déversement des eaux usées et déchets industriels

Le pays n’ayant pas de lois strictes sur la pollution de l’eau, les infrastructures industrielles déversent plusieurs tonnes d’eaux usées chaque jour dans la Yumana, en raison des lacunes des infrastructures de traitement. L’indice de qualité de l’eau de Delhi s’est rapproché de la catégorie « très mauvais » ces derniers jours.

Selon les experts, la mousse toxique se forme à cause de l’agitation des composés phosphorés à teneur élevée présents dans la rivière, entrainés par la libération des eaux usées par les barrages. Ces détergents et produits chimiques proviennent notamment des industries de teinture, les dhobi ghats – laveries en plein air – et des ménages à Delhi, Haryana et Uttar Pradesh.

Dans ce tronçon de la rivière, qui ne représente que 2 % de sa longueur totale mais concentre près de 80 % de la pollution, l’eau est si contaminée qu’elle est considérée inapte même pour la baignade des animaux, et toute forme de vie aquatique y est absente. L’eutrophisation à la surface empêche la lumière et l’oxygène de pénétrer dans l’eau, entraînant la disparition des organismes vivants. Selon un rapport du Comité de contrôle de la pollution de Delhi (DPCC) de juillet, les niveaux d’oxygène de la Yamuna sont même tombés à zéro, une situation jamais vue auparavant.

 

Les projets de nettoyage insuffisants

Au cours des deux dernières décennies, New Delhi a vu les projets de restauration se multiplier, sans succès. Tous les projets de nettoyage que le gouvernement a lancé se concentrent sur l’après-pollution, au lieu de s’attaquer aux deux sources du problème : réduire les polluants de l’eau et assurer un débit minimum de la rivière.

Les dates limite de nettoyage de la rivière Yamuna sont sans cesse repoussées. Et selon les militants écologistes, ce ne sont pas les fonds qui manquent, puisque le gouvernement central a déjà accordé plus de 8,5 milliards de roupies au gouvernement de Delhi pour cette mission.

En 2023, le gouvernement de Delhi avait lancé un plan d’action en cinq points, incluant l’utilisation de produits chimiques dans les canaux de drainage afin de réduire la concentration de phosphates dans les eaux usées. La commission parlementaire avait alors émis deux recommandations : la mise en place d’un système de décharge au niveau du barrage pour limiter la formation de mousse, et une interdiction stricte de la vente, du stockage, du transport et de la commercialisation de savons et détergents dans le territoire de Delhi, sous la supervision du DPCC. Pourtant, ces mesures n’ont pas produit les effets escomptés, puisque la mousse persiste chaque année.

Virendra Sachdeva, président du parti Bharatiya Janata, a récemment été hospitalisé en raison de problèmes respiratoires et d’irritations cutanées après s’être immergé dans la Yamuna à Delhi. Ce geste visait à dénoncer l’incapacité du gouvernement de Delhi à dépolluer cette rivière avant les célébrations de Chhath Puja.

Selon Jitendra Nagar, militant écologiste, la préservation de la Yamuna et des autres rivières en Inde nécessite également un effort d’éducation auprès de la population. Beaucoup d’Indiens jettent encore leurs déchets dans la rivière, et certains ignorent même l’ampleur de la pollution qui touche la Yamuna.

L’avenir repose sur une génération plus consciente des enjeux environnementaux. Dans cette optique, l’Université de Delhi a rendu obligatoire, depuis quelques années, un cours d’études environnementales pour tous les étudiants de premier cycle.

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Chloe Droulez

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