Le 20 janvier dernier, plus de 200 gendarmes mobiles accompagnés d’une pelleteuse sont venus sur le dernier site encore boisé le long du tracé l’A69 surnommé la Crem’Arbres. Le dernier lieu où des « écureuils » tentent de sauver les arbres de la destruction. Cette descente des forces de l’ordre s’est soldée par quantité de matériel détruit, une pâture de qualité ruinée, huit comparutions libres et surtout, une énorme volonté de la part des occupants de continuer la lutte et de reconstruire ce qui a été détruit ce samedi-là. Un reportage photo d'Alain Pitton.
« L’autoroute avance ! Nous aussi !», cette banderole laissée dans le pré après l’intervention musclée du 20 janvier pourrait être la maxime de la Crem’Arbres. Rachel, une sympathisante, explique « Ce n’est que du matériel… on se bat pour le vivant et le vivant est encore là, c’est lui qui nous donne des forces, l’oxygène, l’énergie, l’espoir pour survivre et on a la joie pour le faire parce que les arbres sont encore debout et ça, c’est le plus important. »
Thomas Brail (gnsa) et deux « écureuils » discutent à l’entrée du pré ravagé. Il s’exclame « on parle aujourd’hui de tri sélectif, de faire attention un petit peu à la planète, là, ils ont tout recouvert, tout enterré, c’est un vrai champ de bataille, ils ont enterré des bouteilles de gaz, des téléphones portables, des batteries… c’est une honte ! »
Après l’intervention des gendarmes mobiles, les gens tentent de récupérer et trier tout ce qu’il est possible et le rendre à leurs propriétaires. Duvets, vestes, tentes… tout a été enterré par la pelleteuse. Camille : « Ce qu’ils ont fait, c’est qu’ils ont tout pris à la main, les habits, les sacs de couchages, les tentes, les effets personnels, ils ont mis tout ça dans la pâture à côté, ils ont fait des tas, plusieurs tas, la pelleteuse est arrivée et elle a tapé dans les tas et puis elle a mélangé avec de la terre en étalant tout ça : d’une superbe pâture bien verte, bien nourrissante, on a une grande déchetterie où tout est mélangé. »
Théa savoure une boisson chaude dans la lumière du petit matin dans le bois de la Crem’Arbres avant de se mettre à ranger les lieux, aidée par Tibo.
Un écureuil depuis deux mois commente : « C’est un vrai désastre écologique d’enterrer comme ça toutes sortes de déchets, y compris des isolants, des choses qui ne sont pas forcément très correctes pour la terre. Il y avait aussi de la nourriture, potentiellement du pétrole, de la peinture. Il y a une gazinière qui a été enfouie, du verre, énormément de clous et de vis qui ont été balancés dans le terrain aussi et qui sont super dangereux pour les gens ». Un écureuil s’est blessé au pied avec un clou dimanche 29 janvier en marchant dans le champ de ruines.
La pelleteuse a retourné le pré en enfouissant tout ce qui pouvait se trouver au-dessus creusant des trous pouvant aller jusqu’à un mètre de profondeur, voire un peu plus par endroit. Quelqu’un dit en rigolant « Le labourage à 50 [50 cm pour ralentir la nacelle], on ne pensait pas le faire sur tout le champ non plus, c’était juste les empêcher un peu. Là, il y a 1 m de profondeur, voire 1,5 m à certains endroits »
Camille, écureuil, a suivi la grève de la faim avec Thomas Brail, Olga, Victoria et les autres contre l’A69 à la fin de l’année dernière. L’intervention des GMs n’a en rien entamé sa détermination à tout faire pour sauvegarder le dernier bois encore debout sur le tracé de l’A69. « Nous, on continue à défendre le sol, les arbres. Donc ce qui va se passer, on sait pas encore vraiment, ils vont certainement devoir nous assiéger parce qu’ils ne vont pas réussir à nous attraper. C’est un peu compliqué pour amener une grande nacelle ici qui monte à 35 m. On suppose qu’il va y avoir un arrêté préfectoral pour avancer la date des coupes (normalement à partir du 15/02), je suppose qu’ils vont essayer de gagner du temps »
Théa et un autre habitant de la Crem’Arbres remettent en état un des lieux de réunion de la ZAD après l’intervention des forces de l’ordre le 20 janvier. Comme l’explique Gaff, un des écureuils « J’ai même l’impression que cette journée de samedi [20 janvier] va nous amener plus de bien que de mal… Cette destruction aveugle va attirer du monde et c’est ce qu’on souhaite depuis le début : que le plus de monde nous rejoigne. »
Reva, écureuil de la première heure et ex-gréviste de la faim, monte une nouvelle plate-forme à installer dans Major, un beau platane de plus de 35 m de hauteur. Le bois provient de récupérations.
Reva et un autre « écureuil » sur Major, un platane majestueux de plus de 35m de hauteur.
Théa a récupéré un touret dans la prairie ravagée et l’a fait rouler jusqu’au bois de la Crem’Arbres. Thomas Brail donne une idée de l’ambiance après samedi : « Le fait de saccager comme ils l’ont fait, c’est aussi une façon de démotiver les troupes, mais les gens qui sont ici, les jeunes et les moins jeunes, ils sont déterminés, ce n’est pas parce qu’on leur démonte quelque chose qu’ils ne vont pas se battre. »
Un sympathisant coupe à la disqueuse de la tôle ondulé pour réparer un des lieux de réunion détruit.
Camu conclut : « ça se reconstruit vite, je suis contente mais je sais qu’ils ne vont pas tarder à nous harceler de nouveau, à tout re)détruire de nouveau, du coup, je pense qu’on va tenir, tout le monde est déter’, on va reconstruire très vite, on va tenir le temps qu’il faudra, on va se reposer aussi. »
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