Le SUV, gros et cher

Une étude menée par Transport & Environment (T&E) lance l’alerte : les voitures neuves s’élargissent en moyenne de 1cm tous les deux ans. A moins que les législateurs n’agissent rapidement, cette tendance n’est pas prête de s’arrêter face à l’engouement des consommateurs pour les grosses voitures.

De 177,8 cm en 2018, la largeur moyenne des nouvelles voitures a atteint 180,3 cm au premier semestre 2023. L’une des raisons, c’est que la part des SUV (sport utility vehicle) dans les ventes de voitures neuves en France est passée de 12 % à 44 % entre 2010 et 2022.

Et si les constructeurs tabassent les consommateurs à coup de publicités pour les inciter à privilégier ce type de véhicule, c’est qu’ils sont très rentables. En 2020, selon la société JATO, spécialisée dans l’analyse du secteur automobile, le prix moyen d’un SUV vendu en Europe était 59 % plus élevé que celui d’un non-SUV. En France, selon Caradisiac, les SUV coûtent 3000 euros de plus qu’un modèle équivalent en berline.

S’il n’y a pas de définition harmonisée du SUV, ce dernier se caractérise par un plus grand gabarit (carrosserie rehaussée, largeur accrue), une allure de 4×4, une surface frontale peu aérodynamique, et un plus grand poids.

Pour cause, les voitures neuves vendues dans l’UE sont soumises à la même largeur maximale – 255 cm – que les autobus et les camions. Pour le cabinet d’experts T&E, si cette limite de largeur n’est pas revue rapidement par l’UE et si les villes n’augmentent pas leurs tarifs de stationnement, les grands SUV et les pick-ups continueront à grossir jusqu’à atteindre la limite prévue pour les camions.

Crédit : anticiper.org

Le SUV, gros et dangereux

Nicolas Raffin, porte-parole de T&E France, résume le problème : « La taille croissante des voitures a des conséquences concrètes dans nos rues : les gros SUV et les pick-up à l’américaine ne tiennent pas dans les emplacements prévus et empiètent sur les trottoirs ou sur la route. Ils mettent en danger les cyclistes, les piétons, particulièrement les enfants, et tous les autres automobilistes. » 

Les piétons, cyclistes et même les autres automobilistes impliqués dans un accident avec un SUV ont plus de risques de subir des blessures graves qu’avec un autre type de véhicule. Selon une étude de l’institut belge VIAS, une augmentation de 10 cm de la hauteur de l’avant des véhicules entraîne un risque de décès accru de 30 % pour les piétons et les cyclistes victimes d’une collision.

A cause de la place qu’ils prennent, les SUV sont aussi un obstacle visuel dans les carrefours, empêchant de voir le trafic venant en sens inverse. Ils monopolisent l’espace public au détriment des fauteuils roulants, des poussettes et des vélos quand ils empiètent sur les pistes cyclables.

Pour endiguer le problème, T&E propose plusieurs solutions :

• Les autorités municipales pourraient fixer des frais de stationnement en fonction de la taille et du poids du véhicule, de sorte que les grands SUV de luxe et les pick-ups paient plus cher.
• Les législateurs européens doivent exiger une révision de la largeur maximale des nouvelles voitures lors de la mise à jour de la législation dans les mois à venir.
• Les Etats pourraient utiliser des incitations fiscales afin d’orienter les consommateurs vers des véhicules plus légers et plus sobres, et pousser les constructeurs à répondre à cette demande. En France, les véhicules électriques devraient être progressivement inclus dans le malus au poids. Le bonus écologique pourrait également être modulé en fonction de la masse du véhicule.

Plusieurs villes européennes ont déjà introduit des règles de stationnement plus restrictives pour les SUV. En Allemagne, la ville de Tübingen applique depuis 2022 une majoration de 50 % des frais de stationnement résidentiel. En France, la ville de Lyon a récemment appliqué des frais de stationnement plus élevés pour les véhicules plus lourds, demandant aux SUV de payer 45 euros par mois, contre 15 euros par mois pour les petits véhicules et les familles modestes.

Prochaine étape sur la liste : Paris.  Le 4 février prochain, les parisiens pourront voter par référendum pour déterminer s’ils veulent tripler les frais de stationnement pour les voitures particulièrement lourdes et grosses.

« Si cette mesure était approuvée, cela représenterait un symbole important pour de nombreuses autres villes européennes qui envisagent des changements similaires » conclut T&E