La France est le dernier pays en lice pour accueillir les JO d’Hiver 2030, depuis que les candidatures de la Suède et de la Suisse ont été écartées. L’officialisation est attendue courant 2024 mais crée déjà la polémique. Ses détracteurs l’accusent d’être déconnecté face au réchauffement climatique et à un système mécanisé des sports d’hiver “en train de s’effondrer”.
JO d’hiver 2030 : une volonté de “redynamiser” les Alpes
La décision a été prise afin de garantir la “sécurité pour la tenue des Jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver dans des régions hôtes fiables sur le plan climatique” selon le CIO.
Également pris en compte, le soutien aux Jeux en France est “incroyablement fort” a expliqué le directeur exécutif des Jeux Olympiques au CIO Christophe Dubi. 68% des français y seraient favorables selon un sondage commandé en septembre par l’institution.
La candidature des Alpes Françaises pour les JO d’hiver de 2030 a été montée en coulisse depuis 5 mois par Laurent Wauquiez (président de la région Auvergne-Rhône-Alpes) qui s’est uni dans cette démarche avec Renaud Muselier (président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur). Martin Fourcade, membre du CIO et ancien biathlète, a qualifié de “magique” la décision de “dialogue ciblé”.
Le patron des Républicains définit les futurs jeux comme “durables”, “sans créer d’infrastructures gigantesques”. 95% des infrastructures existent déjà, notamment celles des JO d’Albertville de 1992. La patinoire, située à Nice, sera l’un des seuls sites à construire.
Or, les opposants au projet ne sont pas du même avis. Ils mettent notamment en avant le fait qu’il faudra réhabiliter de nombreuses infrastructures aux normes olympiques comme la piste de bobsleigh de La Plagne, le domaine skiable Isola 2000 et le réaménagement du Grand Bornand.
Ce dernier a d’ailleurs défrayé la chronique l’an dernier lorsque des dizaines de camions se sont relayés pour apporter la neige nécessaire à la tenue de la Coupe du monde de biathlon, alors que pas un seul flocon n’était tombé sur la station haut-savoyarde. Malgré tout, les Jeux Olympiques d’hiver de 2030 veulent “montrer la voie” en ce qui concerne “la prise en compte des enjeux liés à la préservation de la biodiversité et à l’accélération du réchauffement climatique” explique le Comité National Olympique et Sportif Français.
On peut critiquer les stades climatisés du Qatar ou les jeux d'hiver attribués à l'Arabie mais on peut aussi balayer devant sa porte, comme ici au #biathlon du Grand-Bornand. #ALGB22 pic.twitter.com/y6fDrs25oZ
— Sébastien Meunier (@sebmeunier) December 7, 2022
JO d’hiver 2030 : “Un aveuglement sur le réchauffement climatique”
On l’a vu, les Alpes sont déjà rudement éprouvées par le réchauffement climatique et rien n’assure que la neige soit effectivement là d’ici 7 ans. En haute-montagne “la pluie arrive à la place de la neige” expliquait Jean, membre du collectif No JO. Des pluies ont été observées jusqu’à 2000m d’altitude dans les Alpes ces derniers jours selon Météo-France. Un phénomène auparavant inhérent au printemps et à l’arrivée des beaux jours.
Les Hautes-Alpes et les Alpes-de-Haute-Provence ont été placées vendredi 1er décembre en vigilance orange. Entre jeudi et samedi, deux mois de pluie sont tombés en quelques heures. S’en sont suivies des inondations qui ont coupé du monde la commune de Risoul (Hautes-Alpes) et privé 4 000 foyers d’électricité. La bétonisation de la montagne pour la tenue d’un événement sportif risque d’accélérer le ruissellement des pluies et donc les inondations.
Selon une étude de Nature Climate Change cosignée par l’Inrae (Institut national de la recherche agronomique) et Météo-France, le réchauffement climatique menace la “quasi-totalité” des stations de ski européennes.
Un réchauffement de 1,5 °C mettrait en péril 32% des 2 234 stations de ski d’Europe. A + 2°C, le pourcentage monterait à 53%, à 3 °C à 91% et à 4 °C à 98%. La neige artificielle réduit les risques de pénurie pour les stations mais accentue leur empreinte carbone.
Entre le mois de décembre et de février, la demande en neige artificielle devrait être de 1,2 à 3,5 fois supérieure par rapport à la période de référence 1961-1990, impliquant une forte hausse de la demande en électricité et en ressource hydraulique, alerte Nature Climate Change
Les sports d’hiver : “un système en train de s’effondrer”
Le projet de redynamisation de l’économie de la montagne autour des sports d’hiver est “une déconnexion totale” nous expliquait Rosa, militante des Soulèvements de la Terre, pour La Relève et la Peste il y a quelques semaines.
“C’est pour une consommation de l’instant, dans quelques années ces projets ne tiendront plus […] C’est une course en avant vers un système qui est en train de s’effondrer.”
Les 15 derniers budgets des JO d’hiver ont été multipliés par trois, accentués par la construction d’infrastructures annexes aux sportifs. Les associations écologistes craignent un bétonnage des vallées autour des domaines skiables. Avec les JO “la spéculation immobilière s’intensifie”, des immeubles dortoirs sont construits “à tour de bras” s’insurgeait Rosa.
Surtout, la population locale n’a pas eu son mot à dire dans l’accueil des JO d’Hiver, ainsi que les accusent une pétition mise en ligne qui demande la tenue d’une consultation populaire par référendum, ainsi que l’organisation de débats publics contradictoires, concernant la candidature des Alpes aux J.O. d’hiver 2030.
« C’est une candidature faite dans l’urgence. Le coût des JO d’hiver s’élève à plusieurs milliards. En cas d’annulation, le CIO demande aux États organisateurs de verser une garantie et de prendre en charge l’ensemble des surcoûts. Les JO n’ont jamais été rentables. Beaucoup d’infrastructures sportives ne seront plus utilisées, à cause de leur spécificité et de l’évolution prévisible des conditions climatiques après 2030. Tout cet argent aura été investi pour 15 jours d’événements sportifs.
Nous nous opposons aussi à cette candidature pour les risques de clientélisme et de corruption qu’elle comporte. L’appel d’offre pour l’élaboration du dossier de pré-candidature (350 000 euros) lancé au printemps 2022 par Renaud Muselier, président de la région PACA a déjà fait l’objet d’un dépôt de plainte pour favoritisme et trafic d’influences. Cette plainte, déposée en août 2023, sera instruite par le Parquet National Financier. » accusent-ils dans la pétition
Jusqu’à son dernier souffle, la montagne sera exploitée. L’or blanc, la neige, est une denrée dont la valeur ne cesse d’augmenter, phénomène de rareté oblige. C’est la course pour récupérer les dernières rentes avant l’effondrement des stations de ski. Laurent Wauquiez, Renaud Muselier et Martin Fourcade n’ont-ils pas 20 ans de retard?
Sources : Climate change exacerbates snow-water-energy challenges for European ski tourism, Nature Climate Change, 28/08/2023 / JO d’hiver 2030 : le collectif « No JO » dénonce l’absence de débats sur la candidature des Alpes françaises, bfmtv, 29/11/2023.