A l’occasion de la Journée mondiale de la vie sauvage qui a eu lieu le 3 mars, le Comité français de l’UICN, le Muséum national d’Histoire naturelle et l’Office français de la biodiversité ont publié pour la première fois les résultats de 13 années d’étude et le bilan est accablant : 2400 espèces animales et végétales sont menacées d’extinction en France.
13 années de dégradation
Pour la première fois, le Comité français de l’UICN, le Muséum national d’Histoire naturelle et l’Office français de la biodiversité – organismes référents de la Liste rouge nationale des espèces menacées en France – partagent le bilan national de 13 années de résultats essentiels pour identifier les priorités d’actions, surveiller les évolutions et préserver les espèces.
Cette synthèse donne l’état de santé de la faune et la flore de métropole et d’outre-mer. Et la biodiversité en France va mal : sur les 13 842 espèces évaluées, 2 430 sont menacées (17,5 %) et 187 ont d’ores et déjà disparu (1,5 %).
En France métropolitaine, les plus importantes proportions d’espèces menacées sont constatées chez les oiseaux nicheurs (32 %), les crustacés d’eau douce (28 %) et les reptiles (24 %). En outre-mer, cette proportion est la plus importante parmi la flore vasculaire (43 %) et les reptiles (42 %) de Mayotte, les oiseaux de Polynésie française (34 %), les poissons d’eau douce (33 %) et la flore vasculaire (30 %) de La Réunion.
En 2008, 348 avaient été évaluées. Treize ans plus tard, 13 842 espèces ont été étudiées. Parmi elles, certaines ont donc pu être recensées deux fois depuis le premier bilan. Résultat : la France est l’un des dix pays les plus touchés par l’érosion de la biodiversité qui frappe la planète.
« Nous pensions qu’en huit ou neuf ans, on ne verrait pas beaucoup d’évolution. La surprise est qu’on assiste à une nette dégradation de la situation », explique Florian Kirchner, de l’UICN France, à l’AFP. « Pour les oiseaux nicheurs, on avait un quart d’espèces menacées en 2008, nous sommes à un tiers huit ans après ».
Hautement préoccupant, ces espèces particulièrement menacées sont parfois celles qui bénéficient le plus d’efforts de conservation, notamment pour les vertébrés. Ainsi, le Vison d’Europe, les musaraignes, les grands carnivores et les mammifères marins sont particulièrement touchés.
Changer de spectre pour la conservation des espèces
Une poignée d’espèces a tout de même bénéficié de fragiles succès de conservation grâce à une action efficace des pouvoirs publics et des associations de protection de la nature comme la Loutre d’Europe, le Bouquetin des Alpes ou le vautour moine.
Les espèces ne sont pas définitivement tirées d’affaire pour autant. Lorsqu’une espèce arrive au bord de l’extinction, la faiblesse de la diversité génétique qui en découle peut causer des dégâts à plus long terme, malgré une hausse de la population.
Cet état de fait rappelle à quel point la conservation des espèces ne peut pas et ne doit pas se faire au cas par cas, mais bien en prenant en compte les différentes composantes des écosystèmes au sein desquels elles évoluent ainsi que de l’interaction entre les différentes espèces.
Ainsi, l’épandage de pesticides fait de trop nombreuses victimes parmi les animaux qui se nourrissent d’insectes, comme les musaraignes et les chauve-souris. Surtout, le morcellement des habitats et l’artificialisation des sols mettent en danger toutes les espèces sans exception.
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Récemment, la crise climatique est devenue la plus grande menace qui pèse sur le Patrimoine mondial naturel notamment le plus grand récif corallien du monde, la Grande barrière de corail et l’aire de conservation du Pantanal, au Brésil, qui a été gravement endommagée par des incendies sans précédent en 2019-2020.
« Beaucoup d’espèces d’outre-mer sont endémiques, souligne M. Touroult. Lorsqu’une couleuvre, un iguane ou une orchidée, qui n’existent qu’en Nouvelle-Calédonie, sont menacés, cela signifie qu’ils sont menacés au niveau mondial. La France a donc une responsabilité extrêmement forte. »
Et ce constat est également vrai pour certaines espèces en métropole, comme l’apron du Rhône ou zingel asper. Ce petit poisson très fragile face à la pollution chimique n’évolue que parmi quelques boucles du fleuve et ses affluents. En un siècle, on l’a privé de 90% de son habitat. S’il s’éteint, il disparaîtra définitivement de la surface du globe.
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Lueur d’espoir : le récent classement des serpents ET de leurs habitats comme étant à protéger démontre que les mentalités évoluent au sein des programmes de conservation des espèces menées par les politiques publiques, grâce à un important travail de sensibilisation des associations de protection de l’environnement.
Tous ces dangers sont dus aux activités humaines : changer radicalement le mode de production et de consommation des pays surdéveloppés n’a jamais été aussi urgent.
crédit photo couv : Brice De Reviers