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Des permaculteurs en herbe se réunissent pour rendre une commune plus autonome

« J’ai une ambition d’envergure, pendant tout le temps de ma mandature, me précise François : transformer en profondeur les pratiques, notamment agricoles et alimentaires, de cette petite ville de moins de 2 000 habitants. »

Pour cette première chronique de résilience, notre journaliste Flora Clodic-Tanguy revient sur une récente expérimentation menée à Montaigut-sur-Save (Haute-Garonne). 20 stagiaires de Cours de design en permaculture ont travaillé sur la conception des terrains municipaux pour rendre la commune plus autonome en alimentation et y favoriser le lien social. 

Cours de design en permaculture

Peut-être avez-vous déjà croisé ce sigle cher aux permaculteurs : PDC, pour Permaculture Design Course, Cours de design en permaculture ? Quand on approfondit l’approche permacole et ses trois éthiques – faire attention à la terre, prendre soin des humains et partager équitablement les ressources –, c’est un peu un indispensable. Pendant 12 jours, nous y passons en revue l’essentiel des grandes thématiques et des modules de cette approche, déjà ancienne mais toujours novatrice. 

Chaque année, à la même période, mon permaculteur de chéri, Mathieu Foudral, donne donc, avec d’autres intervenants, un PDC à la ferme éco-citoyenne de la Bouzigue, près de Toulouse (Haute-Garonne). Et on peut dire que l’édition 2020 avait une saveur particulière ! Non seulement parce que le contexte sanitaire et social laissait franchement à désirer et que cette bulle de bienveillance et d’apprentissage mutuel nous paraissait un peu surréaliste… Mais aussi parce que désormais, je n’étais plus stagiaire mais formatrice, avec mon petit grain de sel à mettre pour favoriser l’alchimie du groupe. 

Ça aurait pu s’arrêter là, et c’était déjà sympa ! Sauf qu’on a fait plus fort. 

Les stagiaires passent près de la moitié du PDC à élaborer une conception en permaculture, en suivant un ensemble d’outils et de méthodologies, à partir d’un contexte donné. La ferme de la Bouzigue réduisant fortement son activité, nous aurions dû faire un design « pour de faux », si nous avions décidé de nous y consacrer. Cela nous satisfaisait très moyennement.

Grande chance : François Codine, le nouveau maire de la commune de Montaigut-sur-Save fraîchement élu, a aussi fait ce stage l’an dernier, en même temps que moi. Nous sommes restés proches et il figure même dans les portraits d’un livre que j’écris… Chaudronnier-soudeur chez Airbus pendant près de vingt ans, président de mutuelle, enseignant d’arts martiaux vietnamiens, papa de deux jeunes enfants : François est un hyperactif efficace, engagé et pragmatique. Et il sait aussi toujours voir son intérêt bien compris ! 

Ni une, ni deux, nous convenons de faire l’exercice de design sur le projet municipal de Montaigut, proche de l’aéroport de Blagnac et située sur les contreforts du Gers.

« J’ai une ambition d’envergure, pendant tout le temps de ma mandature, me précise François : transformer en profondeur les pratiques, notamment agricoles et alimentaires, de cette petite ville de moins de 2 000 habitants. » 

Cap sur l’autonomie alimentaire

En projet, côté mairie : une régie agricole, des jardins partagés et familiaux, un verger pédagogique… L’objectif principal – l’obsession – de notre exercice sera de proposer des conceptions en permaculture qui permettent d’atteindre l’autonomie alimentaire en fruits et légumes, d’abord pour la cantine de la commune (250 enfants), d’ici la fin du mandat de François et de son équipe, en 2026. 

D’entretiens en recherches, de visites sur le terrain à l’émergence de leur conception, les cinq équipes turbinent sec pendant ces quelques jours partagés. Avec un mot d’ordre : expérimenter et se faire plaisir. On n’est pas un bureau d’études, hein, on est surtout là pour apprendre ensemble… Les stagiaires se prennent au jeu : ils sont à fond. Ça pourrait presqu’être leur commune, finalement ! Certains sont même habitants de Montaigut, et la portée de ce qu’ils sont en train de faire les émeut. 

C’est le cas de Ludo Pradel. Développeur et formateur en informatique, il habite Montaigut avec sa compagne et ses deux filles.

« J’étais vraiment enthousiaste à l’idée de travailler sur ma commune, raconte-t-il. Ce que nous avons construit, je peux le projeter de manière quasi physique. Et les enfants qui vont bénéficier de nos conceptions ne sont pas des inconnus : ce sont les miens ou ceux de mes voisins. »

Le dernier jour, avant la clôture, les groupes présentent leur design devant nous, rejoints par François et son conseiller municipal à la démocratie participative. La première équipe met la barre très haut en nous proposant une vision globale, un cheminement doux à travers toute la ville, porté par un récit qui la raconte telle qu’elle pourrait être si on le décidait.

Une ville plus agréable, plus accessible aux piétons, poussettes et autres vélos, encore à la merci d’un carrefour trop grand pour Montaigut qui voit passer chaque jour aux heures de pointe 12 000 véhicules. Mise en abîme et émotions fortes garanties : les quatre larrons ont décidé de faire de Ludo le narrateur de cette nouvelle histoire, la rendant encore plus forte et crédible.  

Quand le groupe termine sa présentation, façon Et si ? de Rob Hopkins, nous sommes en pleurs, Ludo et le maire les premiers… C’est bien pour réaliser ces futurs plus désirables que l’enfant du pays a voulu devenir premier magistrat de sa commune. 

Les groupes suivants proposent des zooms sur certaines parties de la ville, pour la régie agricole, les jardins familiaux et partagés et le verger pédagogique, en ayant toujours en tête d’augmenter l’autonomie alimentaire tout en multipliant les liens entre les habitants. Le résultat est bluffant, certains rendus sont quasi-professionnels. Tous ont beaucoup appris, mis en perspective, fait des pas de côté salutaires… 

Grande émotion et satisfaction de sentir qu’on a réussi à leur transmettre la moëlle, ce pour quoi on fait ça. L’essence de la perma, comme une voie à explorer, dans un monde qui déraille. Le truc dingue, c’est que si on met tout bout à bout, on obtient un design global, quasi-prêt à l’emploi, qui prend en compte les limites et les ressources de Montaigut. 

Le conseiller municipal en charge de la démocratie participative n’en revient pas.

« Ce que vous avez fait en si peu de temps, c’est juste dingue ! Avec la tête dans le guidon comme on l’a, on a du mal à être aussi efficaces. On va en tirer les leçons. » 

D’ailleurs, François s’y engage : il présentera les designs des cinq équipes à son conseil municipal. Et il mettra en œuvre dès les prochains mois les premières actions issues de nos réflexions. 

Dessiner un projet de société 

La résilience de la commune de Haute-Garonne n’était pas tout à fait une priorité de l’ancien maire, comme on peut le visualiser facilement grâce à CRATer, le Calculateur de résilience alimentaire des territoires que vient de mettre en ligne l’association Les Greniers d’Abondance. 

Plutôt que de se plaindre d’une équipe municipale dépassée et désuète, François a voulu devenir maire pour mettre les mains dans le cambouis…

« Je veux montrer qu’il est possible de changer nos habitudes, nos manières de vivre ensemble, raconte-t-il, pourvu qu’on y mette de la volonté politique et qu’on prenne le temps de consulter et de faire participer les habitants. Je suis aux manettes depuis quelques mois à peine. Ces transformations vont prendre du temps car je veux embarquer tout le monde, et pas seulement les plus écolos. »

François est en train d’acquérir de nouveaux terrains pour faire aboutir ses ambitions agricoles. Un Conseil municipal intergénérationnel est aussi en cours d’installation pour réunir les jeunes et les seniors de la ville. Le poulailler scolaire soulève des réticences et devra encore patienter… Un composteur va en revanche bientôt faire son entrée à l’école, comme les toilettes sèches. 

Cette semaine, le perma-maire est en visite avec la Chambre d’agriculture de Haute-Garonne dans la ville de Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes). L’occasion de créer des liens avec d’autres maires engagés et de ramener à Montaigut les bonnes pratiques de cette ville devenue un modèle de résilience et d’autosuffisance alimentaire. 

Quant à nous, nous allons suivre de près les actions de l’équipe municipale, et nous saurons l’aiguillonner sans naïveté et avec bienveillance, en attendant de revenir semer de nouvelles graines d’autonomie et de vivre-ensemble. Nous savons que sur le terrain, Ludo et les autres veillent au grain. 

 

Flora Clodic-Tanguy

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