Vous cherchez un média alternatif ? Un média engagé sur l'écologie et l'environnement ? La Relève et la Peste est un média indépendant, sans actionnaire et sans pub.

1500 personnes ont « piégé » la forêt de Bord, vieille de plusieurs siècles, pour empêcher sa destruction par une autoroute

La lutte contre l’A133-A134 s’inscrit dans un mouvement national plus large qui refuse de continuer à dilapider l’argent public pour enrichir des concessionnaires privés et réclame un moratoire pour stopper et réinterroger les projets routiers.

Ce weekend, plus de 1500 personnes se sont rassemblées à Léry, dans l’Eure, pour protester contre la destruction de la forêt de Bord, aujourd’hui menacée par un projet d’autoroute à l’Est de Rouen. Installation de nichoirs, création de mares, blocage temporaire de l’A13 mais aussi filins d’aciers suspendus à la cime des arbres pour empêcher le passage des tronçonneuses : les militants ont multiplié les modes d’action.

Une forêt à défendre

Le festival « Des bâtons dans les routes » était porté par le collectif « Non à l’A133-A134 », le mouvement « les soulèvements de la Terre » et « Les Naturalistes des terres ». Le lieu de rendez-vous : la forêt de Bord, une forêt dite « ancienne » qui était déjà cartographiée au 18è siècle par la carte de Cassini.

« Elle est donc jugée « irremplaçable » et « incompensable », même par la doctrine de… l’Etat ! » précise le collectif Les Naturalistes des Terres

Pourtant, cette forêt multi-centenaire est menacée par le projet « Contournement Est de Rouen », une liaison autoroutière payante de 41km entre l’A28 qui part vers le Nord et l’A13 qui part vers Paris. Cette liaison prévoit la construction de 8 viaducs (dont 2 au dessus de la Seine) et 9 échangeurs pour un coût de plus d’1 milliard d’euros. 516 hectares de terres forestières et agricoles seront détruits au passage, notamment une partie de la forêt de Bord.

« De plus, les points de captage en eau potable qui alimentent 50% de la métropole de Rouen risquent d’être pollués. D’après la déclaration d’utilité publique, 50 000 tonnes de CO2 en plus seront émis chaque année » s’indigne le collectif « Non à l’A133-A134 »

C’est pourquoi, samedi 7 et dimanche 8 mai, plus d’un millier de personnes ont manifesté dans la forêt en expérimentant différents modes d’action avec des dispositifs empêchant ou ralentissant la coupe des arbres (clous et filins), et d’autres pour aider certaines espèces protégées (grand capricorne, triton, et muscardin) à s’installer ou à se développer à travers la création de mares, de scarifications sur les troncs d’arbres (dendromicrohabitats) ou encore de nichoirs.

« En multipliant la présence d’habitats naturels, nous espérons ainsi favoriser assez la présence d’espèces protégées pour venir perturber les inventaires et études d’impacts pour séquences ERC à venir dans ce projet autoroutier. Nous facilitons le futur travail d’étude d’impact dont les moyens d’inventaires sont souvent limités, conduisant à des conclusions sous-estimant ou négligeant presque systématiquement la présence d’espèces animales très discrètes comme notre Muscardin » ont expliqué les Naturalistes des Terres

D’autres manifestant.es, munies de masques d’animaux, ont eux reproduit le marquage officiel de l’ONF désignant les arbres à ne pas couper sur une multitude d’entre eux. Des totems en bois avec des jeux pour enfants ont également été érigés dans la forêt.

Le dimanche, des centaines de personnes ont bloqué temporairement la circulation sur l’A13 qui coupe déjà la forêt en deux, action symbolique pour représenter un corridor écologique mais aussi un moyen d’avertir les automobilistes qui devront payer plus cher leur trajet quotidien si ce projet voit le jour. Cette dernière action a provoqué les foudres du Préfet de l’Eure qui a saisi le Parquet d’Evreux en représailles et condamné une « action irresponsable ».

Un projet anachronique

Les activistes de terrain se sont inspirés du mouvement anglais road protest qui, dans les années 90, avait permis l’abandon de 80% du programme routier de l’époque par des années d’implantation de village de résistance dans les arbres et de cavités souterraines à leur pied pour les défendre.

 « On fait un gros travail de plaidoyer politique : on a présenté un mémoire au Conseil d’Etat pour annuler la Déclaration d’Utilité Publique et on travaille actuellement sur des recours au pénal. Mais nous avons également besoin d’actions sur le terrain. On a décidé lundi matin en AG de continuer la lutte en commun avec les Soulèvements de la Terre, plus résistants, et tous les collectifs et syndicats impliqués. Pour nous, la clé de la victoire, c’est d’être capables de faire ensemble en laissant les sensibilités de chacun s’exprimer » explique Guillaume Grima, de l’association Effet de Serre Toi-Même qui fait partie du collectif « Non à l’A133-A134 », pour La Relève et La Peste

Preuve que le plaidoyer politique porte ses fruits, les élus socialistes qui étaient favorables jusqu’en 2020 à la réalisation de cette autoroute ont fini par changer d’avis face aux arguments du collectif. Ce dernier se sent désormais confiant suite aux auditions de Bruno Le Maire et Clément Beaune à l’Assemblée Nationale et au Sénat sur la question des contrats de concession autoroutière.

Création d’une mare – Les Naturalistes Des Terres

« Ils ont admis que les concessions étaient beaucoup trop favorables à la puissance privée qui fait que les concessionnaires privés se gavent. On appelle le gouvernement à être vigilant pour que le concessionnaire ne puisse pas faire de profits sur dos d’argent public. Leur budget a été prévu en 2015, ils vont forcément exploser les coûts avec l’augmentation des matières premières qu’il y a eu depuis. Même selon la grille d’analyse du gouvernement, c’est un mauvais choix, un mauvais calcul. Il faut arrêter de tomber dans le piège de la voiture » détaille Guillaume Grima, de l’association Effet de Serre Toi-Même qui fait partie du collectif « Non à l’A133-A134 », pour La Relève et La Peste

Ce projet, datant initialement des années 80, a été validé par Jean Castex fin 2021 malgré le vote contre des élus de la métropole. L’appel d’offres à concessionnaires a été clôturé le 1er juillet 2022. Il devrait voir le jour à partir de 2027 et sa mise en service est prévue pour 2031.

Elisabeth Borne doit bientôt se prononcer sur le rapport du Conseil d’Orientation des Infrastructures qui « engage l’Etat à la prudence sur l’investissement dans le Contournement Est de Rouen ».

La France est le pays dont les péages d’autoroute sont les plus chers d’Europe, avec un coût moyen de 7 euros pour 100 kilomètres. Elle possède le troisième plus grand réseau, avec 12 000 km d’autoroutes, les deux premiers étant l’Espagne et l’Allemagne dont les autoroutes sont gratuites.

Or, dans certains territoires comme le Pays de la Loire, les automobilistes français sont déjà moins nombreux à prendre l’autoroute, en raison des prix astronomiques de l’essence, mais aussi de l’augmentation des tarifs de péage de + 4,75 % en 2023.

En lieu et place de ce projet, le collectif « Non à l’A133-A134 » propose d’investir 200 millions d’euros dans le développement ferroviaire pour traiter les déplacements pendulaires (domicile/travail) et développer de nouvelles lignes de bus.

La lutte contre l’A133-A134 s’inscrit dans un mouvement national plus large qui refuse de continuer à dilapider l’argent public pour enrichir des concessionnaires privés et réclame un moratoire pour stopper et réinterroger les projets routiers.

Lire aussi : Une coalition française lutte contre 55 projets routiers coûtant 13 milliards d’euros d’argent public

Sources : Le prix des autoroutes dans l’Union européenne, touteleurope.eu, 17/11/2022 / Note de conjoncture des transports en Pays de la Loire de la DREAL

Laurie Debove

Faire un don
"Le plus souvent, les gens renoncent à leur pouvoir car ils pensent qu'il n'en ont pas"

Votre soutien compte plus que tout

Découvrez Océans, un livre puissant qui va vous émerveiller

Plongez en immersion avec les plus grands scientifiques pour tout comprendre sur l’état de nos océans. Des études encore jamais publiées vous feront prendre conscience de l’incroyable beauté de nos océans. Tout cela pour vous émerveiller et vous donner une dose d’inspiration positive.

Après une année de travail, nous avons réalisé l’un des plus beaux ouvrage tant sur le fond que sur la forme. 

Articles sur le même thème

Revenir au thème

Pour vous informer librement, faites partie de nos 80 000 abonnés.
Deux emails par semaine.

Conçu pour vous éveiller et vous donner les clés pour agir au quotidien.

Les informations recueillies sont confidentielles et conservées en toute sécurité. Désabonnez-vous rapidement.

^