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Vivre dans un appartement 100 % low-tech, une expérience inédite

« D'ici 2050, près de 70% des habitants du monde vivront en ville, entame Caroline Pultz, les yeux pétillants, en poussant la porte de l'appartement de 26 m2 que la mairie de Boulogne-Billancourt a accepté de mettre à disposition des deux expérimentateurs. Ça nous semblait donc essentiel de voir comment les low-tech, qu'on étudie depuis de nombreuses années, peuvent ou non être compatibles avec un mode de vie citadin. » 

Après le désert mexicain, Caroline Pultz et Corentin de Chatelperron ont décidé d'élire domicile pendant quelques mois en banlieue parisienne pour une expérience inédite, vivre dans un appartement 100% low-tech où résilience et durabilité sont les maîtres mot. Une expérience futuriste, mais aussi largement collective. Reportage.

A la sortie du métro Marcel Sembat, à Boulogne-Billancourt, les terrasses de café sont bondées en ce retour de vacances. Difficile d’imaginer que c’est dans cette banlieue cossue de l’ouest parisien que Caroline Pultz et Corentin de Chatelperron, plus connus pour leurs aventures à l’autre bout du monde que pour leur amour de la grande ville, ont décidé de poser leurs valises. Et pourtant. Après quatre mois passés dans le désert mexicain à expérimenter la vie en autonomie dans un habitat dit « low-tech », l’architecte belge de formation et l’ingénieur breton ont décidé de se lancer dans une nouvelle expérimentation : tester et éprouver la mise en œuvre de technologies dites « low-tech » dans le contexte ultra-urbanisé de la métropole du Grand Paris. 

« D’ici 2050, près de 70% des habitants du monde vivront en ville, entame Caroline Pultz, les yeux pétillants, en poussant la porte de l’appartement de 26 m2 que la mairie de Boulogne-Billancourt a accepté de mettre à disposition des deux expérimentateurs. Ça nous semblait donc essentiel de voir comment les low-tech, qu’on étudie depuis de nombreuses années, peuvent ou non être compatibles avec un mode de vie citadin. » 

Des technologies utiles, accessibles et durables

Forgée en opposition aux high-tech, l’approche low-tech, parfois appelée « innovation frugale », renvoie à l’idée de questionner nos besoins réels afin de développer des objets et techniques, mais aussi des modes de vie qui soient utiles, accessibles et durables. Une approche résiliente, donc, qui incite à revenir à l’essentiel, avec un impact social et écologique minimum. Et à en croire le chant des grillons qui résonne dans la « biosphère urbaine » autant que l’odeur des plantes aromatiques et la présence de champignons dans la douche, l’expérimentation low-tech semble bel et bien avoir débuté à Boulogne-Billancourt. 

« Les low-tech qu’on développe ici répondent à plusieurs objectifs, détaille Caroline Plutz, pointant du doigt les différents post-it accrochés sur l’un des murs de l’appartement. On cherche par exemple à réduire par dix notre consommation individuelle d’eau. »

Un objectif pour répondre auquel le duo d’expérimentateurs a par exemple installé une douche brumisante dans sa salle de bain, remplaçant le traditionnel pommeau de douche par un brumisateur.  Et ça fonctionne ! s’enthousiasme la trentenaire. On utilise 5 litres d’eau par douche contre 60 habituellement. » Un succès qui a conduit le duo à installer un brumisateur dans l’évier pour réduire, cette fois, l’eau utilisée pour la vaisselle.

Champignons, panneaux solaires et toilettes sèches « vivantes »

Des technologies low-tech qui sont loin d’être les seules à être expérimentées dans cette « biosphère urbaine », où le duo cherche à respecter l’objectif de 2 tonnes de CO2 émises par personne et par an en 2040. Dans cet appartement résilient, 4 m2 de panneaux solaires ont ainsi été installés sur le toit pour alimenter le lieu en énergie renouvelable et charger, notamment, les téléphones de Corentin et Caroline, l’appartement étant coupé du réseau électrique classique. 

Un mode de culture hors-sol, la bioponie, a également été mis en place afin de cultiver des aromates dans 300 litres d’eau. Sans compter l’installation d’un biodigesteur pour produire du gaz à partir de déchets organiques, de toilettes sèches « vivantes » pour recycler les matières fécales en compost, une culture de champignons utilisés notamment pour la production de pleurotes, ou encore un élevage de grillons, consommés pour leur apport en protéines. Tout un écosystème, donc, où « tout se recycle et s’entrecroise », sourit Caroline Pultz.

« Lors de Nomade des mers [tour du monde de six ans en catamaran effectué par Corentin de Chatelperron, NDLR], j’ai découvert de très nombreuses innovations low-tech, poursuit Corentin de Chatelperron. Mais l’idée de la biosphère, c’est vraiment de combiner ces innovations pour créer un écosystème. » 

Des réussites et des échecs

Une expérimentation ambitieuse, qui va jusqu’à la même la mise en place d’un intranet local, et pour laquelle le duo est accompagné par de nombreux spécialistes, parmi lesquels des nutritionnistes, des ergonomes et des psychologues, chargés d’étudier l’impact de ce nouveau mode de vie sur leur santé. « A l’issue des 120 jours d’expérimentation, on pourra commencer à analyser les données récoltées », précise Caroline Plutz. 

D’ici là, l’expérimentation suit son cours. Certaines technologies low-tech ont déjà fait leurs preuves comme la douche brumisante, qui permet de réduire significativement la consommation en eau. D’autres expérimentations, au contraire, ont montré leurs limites, comme la culture de spiruline, une micro-algue très nutritive. « Dans le désert, ça avait très bien fonctionné, mais ici, pas du tout », confesse Caroline Plutz, bientôt rejointe par Corentin de Chatelperron : « On a essayé trois fois, mais elle est morte à chaque fois ».

Une expérimentation collective

Pas de quoi décourager pour autant les adeptes de low-tech, accompagnés durant toute la durée de leur expérimentation par une armada de voisins bénévoles, certains impliqués dans la gestion de la bioponie, d’autres dans la culture des grillons, d’autres encore dans la création d’un « fitness club » composé de machines de sport hybrides destinées à faire du sport tout en réalisant des gains en énergie, à l’image du vélo que construit Johnny afin que le ou la futur cycliste, en pédalant, puisse également moudre des grains. 

« Participer à cette expérimentation correspond aux valeurs et mode de vie que j’ai défendus toute ma vie, détaille l’Australien installé à Auroville, une ville indienne inaugurée en 1968, qui accueille toutes les nationalités pour expérimenter une utopie collective, et où il a rencontré Corentin il y a une quinzaine d’années. J’ai toujours contribué à la création de modes de vie auto-suffisants qui impactent le moins possible l’environnement tout en permettant aux individus de s’émanciper. »

Une approche collective de l’expérimentation low-tech, en parallèle de laquelle a d’ailleurs été lancé un programme de sciences participatives qui, chapeautée par l’association Biosphère experience, va permettre à plusieurs centaines de volontaires de tester, chez eux, une ou plusieurs initiatives low-tech comme la douche brumisante ou la culture de champignons, à compter de septembre et pour une durée de deux mois.

« L’enjeu, ça va être de collecter le maximum de données, afin de mesurer l’efficacité du low-tech chez les particuliers, voir comment ça marche, dans quel contexte », détaille Emma Bousquet-Pasturel, en charge du programme, pour La Relève et La Peste. 

« Tu peux déjà vivre dans le futur »

Autant de projets qui participent à alimenter la réflexion sur la low-tech alors que l’expérimentation menée en banlieue parisienne continue à soulever de nombreuses questions : la biosphère imaginée par Caroline Pultz et Corentin de Chatelperron est-elle accessible financièrement ? Au-delà de la volonté de tout un chacun de mettre en œuvre des low-tech chez soi, quel rôle doivent jouer les gouvernements dans le développement de ces technologies résilientes ?

« On réfléchit évidemment à ces questions, souligne Corentin de Chatelperron. Pour l’heure, notre positionnement est surtout de s’adresser à des gens qui veulent changer de mode de vie pour leur donner tous les outils et montrer que c’est faisable, que tu peux déjà vivre dans le futur. » 

Et de conclure : « Pour le moment, c’est difficile de tirer des conclusions mais ce qui est sûr, c’est que cette expérimentation me convint qu’on peut vivre dans un écosystème comme celui qu’on développe en étant en ville, alors même que le principe des appartements, c’est de repousser le vivant autant que possible… Ici, on fait l’inverse, on vit avec les grillons, les plantes, les champignons, et ça procure vraiment de bonheur. Je suis assez persuadé que l’amour du vivant peut être un vrai moteur de changement. » 

Cecile Massin

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