C’est un tournant pour la filière volaille : d’ici 2028, LDC – leader du secteur en France, propriétaire de Le Gaulois et Maître CoQ – s’engage à appliquer les critères du European Chicken Commitment (ECC), renonçant à plusieurs pratiques phares de l’élevage intensif. Un revirement obtenu après trois ans de campagne menée par L214.
C’est un pan entier de l’industrie de la volaille qui vacille. Après trois ans de campagne, L214 a obtenu du groupe LDC – propriétaire des marques Le Gaulois et Maître CoQ – qu’il renonce à certaines pratiques parmi les plus critiquées de l’élevage intensif.
Jusqu’ici, les conditions d’élevage échappaient largement au regard du public. Derrière les barquettes à bas prix : 20 poulets par mètre carré, croissance accélérée, animaux trop lourds pour se tenir debout, abattage à la chaîne…
À partir de 2026, Le Gaulois et Maître CoQ proposeront des produits conformes aux critères du European Chicken Commitment (ECC), avec pour objectif une généralisation à l’ensemble des élevages d’ici 2028. L214 qualifie cet engagement d’« historique ».
Chaque année, LDC produit environ 400 millions de poulets. Ceux-ci devront désormais – selon les principes ECC – être élevés avec une densité maximale de 15 poulets par m², bénéficier de lumière naturelle, de perchoirs, d’objets à picorer, et ne plus être issus de souches génétiques à croissance accélérée.
Trois ans de mobilisation continue
Ce changement n’est pas né d’une initiative interne, mais d’une campagne de longue haleine menée par L214, à la fois sur le terrain, en ligne et dans les médias. Des actions symboliques – comme celles organisées au Trocadéro, soutenues par Nagui, Julie Depardieu ou Stéphane Bern – ont contribué à médiatiser la cause.
Rassemblements, vidéos d’enquêtes, interpellations publiques, pétitions… L’association de défense des animaux a maintenu une pression constante sur LDC, qui pèse à lui seul près de 40 % du marché national.
Ce changement de cap de LDC pourrait inciter d’autres acteurs à suivre. Parmi eux : Terrena (Père Dodu, Douce France), Plukon (Duc), Maïsadour, Euralis, ou encore des enseignes comme McDonald’s, Grand Frais et William Saurin, qui n’ont à ce jour formulé aucun engagement comparable.
« Les maigres excuses qu’avançaient ces entreprises jusqu’ici ne tiennent plus vraiment, estime Brian Mordasini, coordinateur des relations agroalimentaires pour L214. Il y avait sans doute une forme d’attentisme tant que le leader du marché ne s’était pas positionné. Désormais, les conditions sont réunies pour que tous emboîtent le pas ».
Pour Brigitte Gothière, cofondatrice de L214, le standard ECC – même s’il est considéré comme minimal par de nombreuses ONG – constitue une base commune. Il est soutenu par une quarantaine d’associations européennes et fixe des règles essentielles de bien-être animal dans un secteur largement industrialisé.
LDC affirme pour sa part que 89 % de ses élevages sont « engagés » dans une démarche durable. Un chiffre à nuancer, selon Brian Mordasini : « Si cela inclut la filière Nature d’Éleveurs, on est loin des standards ECC : pas d’abandon des souches à croissance rapide et une densité toujours à 38 kg/m², bien au-delà des 30 kg fixés par l’ECC ».
Le jeudi 15 février 2024, Nagui et une cinquantaine de bénévoles de L214 se sont rendus sur l’Esplanade du Trocadéro à Paris pour exposer les corps de poulets âgés de 1 à 44 jours. 44 cadavres qui représentent les 44 jours durant lesquels ces poulets ont été élevés pour la marque Le Gaulois. Crédit : L214
Réduire de 50 % la consommation de viande
L’association L214 prévoit un suivi régulier de l’application des engagements pris par LDC. Elle annonce des contrôles publics et une mobilisation continue. Le respect des critères ECC d’ici 2028 nécessitera en effet une vigilance constante, dans un contexte où les stratégies de communication peuvent masquer des pratiques inchangées.
Ce tournant illustre l’impact concret des mobilisations citoyennes sur les pratiques d’un acteur central de la filière, et ouvre la perspective d’un changement plus large dans l’élevage industriel – notamment dans la filière porcine.
« Nous appelons les distributeurs, à commencer par Leclerc, à s’engager sur les critères du Pig Minimum Standard. Il y en a neuf, mais deux doivent être appliqués en priorité : faire respecter la réglementation – alors que 95 % des élevages pratiquent encore la coupe systématique des queues, pourtant interdite – et mettre fin à la mise en cage des truies en période de gestation et de maternité », explique Brian Mordasini.
À plus long terme, L214 porte un objectif plus global : « Réduire de moitié le nombre d’animaux tués d’ici 2030, en incitant la restauration et la distribution à favoriser les alternatives végétales ».
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