Porté de longue date par le conseil départemental du Val-d'Oise, le projet de Boulevard intercommunal du Parisis (Bip) doit permettre de relier les autoroutes A1 et A15. Inquiets des conséquences tant sur les espaces naturels que sur la santé des habitants, associations et élus se mobilisent pour qu'une alternative soit trouvée, alors qu'une première manifestation a été organisée le 7 octobre.
C’est une réussite pour les opposants au projet du Boulevard intercommunal du Parisis (Bip). Ce samedi 7 octobre, plusieurs centaines de personnes se sont réunies à l’appel du collectif Vivre sans Bip afin de manifester leur opposition à ce projet de voie rapide, prévu dans le département francilien du Val-d’Oise depuis près d’un siècle et aujourd’hui jugé “totalement anachronique” par ses détracteurs.
Dans les cartons depuis 1939, ce projet de 2×2 voies, estimé à un milliard d’euros, a pour objectif de relier la A1 et la A15.
Alors que deux portions du projet ont déjà été construites, il reste désormais une nouvelle portion de 11 kilomètres à bâtir à travers les communes de Montmorency, Soisy-sous-Montmorency, Deuil-la-Barre, Groslay, Sarcelles et Garges-lès-Gonesse, afin que les deux autoroutes puissent être reliées.
Des dizaines d’espaces naturels et agricoles menacés
Un nouveau chantier auquel s’oppose fermement le Collectif Vivre sans Bip. Créé en 2009 et aujourd’hui principalement composé des associations Les Amis de la Terre Val-d’Oise, SOS Vallée de Montmorency et France nature environnement (FNE) 95, le Collectif milite de longue date pour qu’une alternative soit trouvée, plus respectueuse de la biodiversité et de la santé des habitants des communes alentour.
“Cette 2×2 voies détruirait des dizaines d’espaces naturels et agricoles, rasant des centaines d’arbres, entame Audrey Boehly, porte-parole du Collectif Vivre sans Bip. Les communes de Sarcelles et Garges-lès-Gonesse, notamment, sont déjà très urbanisées. Aujourd’hui, il ne leur reste que quelques espaces verts. Ces derniers espaces de respiration et de nature sont des trésors en Île-de-France qu’il est indispensable de préserver.”
Des vignes, des arbres remarquables, des parcs et forêts mais aussi 17 parcelles de jardins familiaux de Soisy-sous-Montmorency seraient ainsi détruits par l’arrivée du BIP. Le Collectif craint également l’impact que le Bip pourrait avoir sur la santé des habitants des communes concernées par le tracé.
“D’après nos calculs, 10 000 enfants et jusqu’à 300 000 habitants pourrait être sujets à une future pollution atmosphérique et sonore à cause du Bip”, continue Audrey Boehly, dont le tracé passerait à proximité de son domicile et de l’école de ses deux filles, dans la commune de Montmorency.
Quatre communes sur six opposées au projet
Fervent défenseur du projet, le Département du Val-d’Oise bataille, lui, depuis plusieurs décennies pour la création du Bip, qui permettrait selon lui de désengorger les voies routières du département.
Un argument également repris par Luc Strehaiano, maire de Soisy-sous-Montmorency et vice-président du conseil départemental, qui souhaite que le projet permette à sa commune de subir un trafic et des embouteillages moins importants.
“C’est vrai qu’à Soisy-sous-Montmorency, il y a un trafic routier important et c’est un problème qu’il faut régler, concède Audrey Boehly, mais cela doit se faire avec des solutions locales, pas en construisant un tronçon entier sur 11 kilomètres.”
Et de renchérir : “D’ailleurs, mis à part le soutien du maire de Soisy-sous-Montmorency, de plus en plus d’élus s’opposent au Bip, quel que soit leur bord politique.”
Sur le tracé du Bip, le maire de Soisy-sous-Montmorency, également vice-président du conseil départemental, est le seul des six communes concernées à soutenir ouvertement le projet. Les communes de Montmorency, Sarcelles, Deuil-la-Barre et Groslay s’y sont, elles, opposées, tandis que la commune Garges-lès-Gonesse n’a pas pris position.
“L’illustration locale d’un problème global”
Alors que le Bip a été par trois fois rejeté en justice, le département du Val-d’Oise, unique porteur du projet, s’est pourvu en cassation auprès du Conseil d’État. Si le Conseil d’État, dont la décision devrait être rendue d’ici la fin de l’année, lui donnait raison, les travaux pourraient démarrer dès 2024.
Une décision qui inquiète le Collectif Vivre sans Bip, d’autant que la Région Île-de-France a inscrit la section Est du tronçon dans son nouveau schéma directeur (SDRIF-E 2040) et que le conseil départemental a débloqué un crédit d’étude de 7 millions d’euros pour relancer le projet.
Pas de quoi faire baisser les bras pour autant aux opposants au projet, qui se disent déterminés à continuer à se battre.
“On n’attend rien de la décision juridique. Ce qu’on veut, c’est une décision politique”, détaille Audrey Boehly.
Dans les prochains mois, le Collectif devrait ainsi interpeller le ministre des Transports, Clément Beaune, qui vient d’annoncer l’intention du gouvernement de renoncer à plusieurs projets autoroutiers, sans pour autant préciser lesquels.
“On veut que le Bip fasse partie des projets abandonnés. Le Bip est l’illustration locale d’un problème global et comme ailleurs, on continuera à se battre”, continue Audrey Boehly.
En tant que membre de la coalition nationale La déroute des routes, qui rassemble des associations et collectifs en lutte contre des projets routiers et autoroutiers, le Collectif dit également se mobiliser pour l’abandon du projet d’autoroute A69, entre Castres et Toulouse. La médiatisation des grèves successives de la faim et de la soif, impulsées par Thomas Brail, fondateur du GNSA, ont permis au BIP de résonner à une échelle plus large et réunir plus de monde ce 7 octobre. Preuve qu’un nombre croissant de citoyens ne veut plus se voir imposer des projets autoroutiers sans réelle nécessité.