En 2020, plus d’une trentaine d’espèces animales et végétales se sont éteintes. L’UICN a rendu publique sa liste des 31 espèces « éteintes » – c’est-à-dire qu’il n’existe plus d’individus à l’état sauvage – qui est actualisée chaque année. Cela fait 60 ans que l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature, vaste réseau international d’experts, suit l’évolution de la biodiversité dans le monde.
Parmi les espèces éteintes cette année se trouve l’ensemble des 15 espèces de poissons d’eau douce endémiques du Lac Lanao et de son déversoir, situé aux Philippines. Ces disparitions s’expliquent par une surexploitation, des méthodes de pêche destructrice et l’introduction d’espèces prédatrices. Trois grenouilles d’Amérique centrale ont également été rayées de la liste des animaux sauvages, ainsi que la chauve-souris à longues oreilles de Lord Howe, en Australie.
Pour Andrew Terry, directeur de la conservation et des politiques de la Zoological Society of London, cette liste d’espèces disparue est « un véritable crève-cœur, alors que beaucoup viennent tout juste d’être découvertes ».
Le requin perdu, originaire de Chine méridionale et victime de surpêche, en est un exemple. Plusieurs espèces de plantes ont également disparu. Trois espèces de macadamia ont été décimées par les incendies, le changement climatique et la compétition avec d’autres plantes.
La classification de l’UICN montre aussi quelques avancées positives, comme l’évolution du nombre de bisons d’Europe. L’espèce s’était éteinte à l’état sauvage au début du XXe siècle. Réintroduite dès les années 1950, principalement en Pologne, en Biélorussie et en Russie, elle comprend à présent plus de 6000 individus. Le bison d’Europe est ainsi passé de « vulnérable » à « quasi menacé » dans la classification de l’UICN.
« Les regains de vitalité des bisons d’Europe et de vingt-cinq autres espèces documentées dans la mise à jour de la Liste rouge de l’UICN d’aujourd’hui démontrent le pouvoir de la conservation. » a déclaré le Dr Bruno Oberle, Directeur général de l’UICN. « Pourtant, la liste croissante des espèces éteintes est un rappel brutal que les efforts de conservation doivent se développer de toute urgence. Pour lutter contre les menaces mondiales telles que la pêche non durable, le défrichage pour l’agriculture et les espèces envahissantes, la conservation doit avoir lieu dans le monde entier et être intégrée dans tous les secteurs de l’économie. »
En revanche, le sotalie de l’Amazone, un dauphin d’eau douce, est désormais « en danger » (photo de couverture). Ce changement signifie que toutes les espèces de dauphins d’eau douce dans le monde se trouvent aujourd’hui menacées. Cette petite espèce de dauphin gris résidant dans le système fluvial de l’Amazone a été gravement épuisée par la mortalité accidentelle dans les engins de pêche, les barrages de rivières et la pollution.
L’élimination de l’utilisation des filets maillants – des rideaux de filets de pêche suspendus dans l’eau – et la réduction du nombre de barrages dans l’habitat des tucuxi sont des priorités pour permettre aux populations de se rétablir. L’application de l’interdiction de la mise à mort délibérée de tucuxis est également essentielle selon les experts pour la protection de la biodiversité.
Actuellement, l’UICN étudie et classe plus de 128 000 espèces animales et végétales. Plus d’un quart d’entre elles sont menacées d’extinction, dont près de 7000 « en danger critique ». Parmi elles, le grand hamster d’Alsace, la baleine franche de l’Atlantique Nord ainsi que les lémuriens de Madagascar.
Ces derniers, endémiques de l’île, sont victime de la chasse et de la déforestation. Sur les 107 espèces de lémuriens vivants à Madagascar, 103 se trouvent menacées et 33 sont en danger critique, soit la dernière étape avant l’extinction.
Des efforts ont été déployés, comme la création d’aires protégées, la reforestation et le développement de l’écotourisme, permettant d’éviter que des espèces comme le lépilémur du Sahafary s’éteignent. Néanmoins, 13 espèces de lémuriens dont le sifaka et le microcèbe mignon, plus petit primate du monde, ont rejoint la catégorie « en danger critique ».
En Afrique, plus de la moitié des 103 espèces de primates sont menacées, et le colobe à longs poils est à présent en danger critique. La baleine franche, quant à elle, est victime des filets de pêche, de collisions avec les navires et du réchauffement des océans. Il en restait moins de 250 individus adultes fin 2018.
Enfin, l’UICN annonce qu’un tiers des chênes sont menacés d’extinction alors que leur rôle pour les écosystèmes est capital. Neuf chênes asiatiques sont ainsi entrés sur la Liste rouge de l’UICN « déjà en danger critique d’extinction » (peut-être éteint ou peut-être éteint à l’état sauvage). Les nombres les plus élevés d’espèces menacées se trouvent en Chine et au Mexique, suivis du VietNam, des États-Unis et de la Malaisie.
La déforestation pour l’agriculture et l’exploitation forestière sont les menaces les plus courantes en Chine, au Mexique et en Asie du Sud-Est. Les espèces et maladies exotiques envahissantes et le changement climatique sont les principales menaces pour les chênes aux États-Unis.
Cette décennie est décisive pour de nombreux enjeux de société, et la conservation des espèces ainsi que notre rapport aux animaux et végétaux en fait définitivement partie.