Dans le cadre du nouveau plan pour la protection des fonds marins de l’Union européenne, une coalition d’ONG de défense de l’environnement se mobilise et demande l’interdiction du chalutage de fond. Cette technique de pêche est la plus destructrice pour les fonds marins, et représente environ 26 % de la totalité des pêches à échelle mondiale. Elle continue d’être employée partout, y compris dans les « aires marines protégées » européennes.
Au printemps 2022 sera proposé un plan d’action de l’Union européenne afin de protéger les écosystèmes marins. Une consultation publique a été ouverte et se terminera le 10 janvier.
Le 20 décembre, les ONG environnementales (Oceana, Seas at Risk, Our Fish, WeMove Europe, Whale and Dolphin Conservation et Environmental Justice Foundation) ont ainsi présenté au commissaire européen chargé du secteur, Virginijus Sinkevičius, une pétition signée par plus de 152 000 Européens.
Elle demande le bannissement immédiat du chalutage de fond dans les aires marines protégées.
Le chalut, ou filet de pêche en forme d’entonnoir, peut être tracté par un ou deux navires, et est placé au fond de l’océan. Le plancher océanique est ainsi raclé avec de lourds engins, capturant les espèces quasiment sans aucune distinction.
« Chaque jour, des filets de pêche hauts comme un immeuble de trois étages et larges comme un terrain de football ratissent les fonds marins. En quelques secondes, ces filets ravagent tout sur leur passage, massacrant dauphins, phoques, coraux, hippocampes et des centaines d’autres espèces marines. » expliquent les ONG dans la pétition
Une synthèse rédigée par quarante universitaires, d’ONG et des consultants en environnement a été publiée le 9 décembre. L’un des auteurs de la synthèse, Daniel Pauly, est un spécialiste internationalement connu ayant reconstitué de nombreuses données sur les captures de la mer, de 1950 à 2018.
D’après le document, les captures de pêche mondiales s’élèvent à 8 millions de tonnes de faune marine par an dans les années 50. Le chiffre a atteint un pic de 36,5 millions de tonnes en 1989, puis a diminué pour se stabiliser aux alentours de 30 millions de tonnes de poissons pêchés à l’année, l’équivalent de ce qu’attrapent toutes les techniques de pêches artisanales combinées.
« L’UE affirme vouloir protéger les océans et restaurer la biodiversité face à l’urgence écologique et climatique, et pourtant elle n’a toujours pas interdit la pratique honteuse et dévastatrice du chalutage de fond dans les aires « protégées » » s’indignent les ONGs
L’Asie, où la technique du chalutage de fond a continué d’être utilisée de façon exponentielle, pêche au total la moitié des êtres marins capturés dans le monde.
15 % des prises mondiales sont également uniquement du fait de la Chine. En 1985, le pays a capturé 1,4 millions de tonnes de poisson grâce au chalutage de fond, puis 5,2 millions de tonnes en 2015. Le Vietnam la suit de près, ayant augmenté ses captures de 7000 % depuis les années 70.
Une rivalité féroce entre les États entraîne également l’utilisation du chalutage de fond en eaux lointaines, hors de leur zone économique exclusive.
C’est notamment le cas en Afrique, où la moitié de la faune marine pêchée par des chaluts de fond, à moins de 320 kilomètres des côtes, l’est par des flottes asiatiques et européennes, en particulier espagnoles et françaises.
Or, selon des données de 2017, les opérateurs étrangers ne généreraient que des revenus compris entre 2 et 8 % de la valeur des poissons et crustacés capturés. Les prix grimpent ensuite de mains en mains vers les marchés étrangers.
Résultat, les gouvernements des pays où ont lieu ces pêches tolèrent un accaparement de leurs ressources maritimes sans en tirer de vrais bénéfices.
Daniel Pauly précise : « Non seulement la pêche au chalut suit une logique colonialiste, conduit à des conflits entre pêcheurs, est très destructrice pour les espèces avec beaucoup de prises accessoires, mais elle contribue aussi aux émissions de gaz à effet de serre ».
En effet, ces pêcheries consommeraient environ 40 milliards de litres de carburant par an, à quoi s’ajoutent les émissions de CO2 générées par la mise en suspension des sédiments sous-marins dont l’estimation n’est pas connue.
Depuis 2015, Les Nations Unies demandent l’interdiction des subventions néfastes qui favorisent la surpêche et la pêche illicite. D’après la célèbre institution, plus de trois milliards de personnes dépendent de la biodiversité marine et côtière pour survivre. L’enjeu est donc de taille.
Les Nations Unies ont mandaté l’Organisation mondiale du commerce (OMC) afin de résoudre cette situation. Début décembre, un projet d’accord était prêt à Genève dans le cadre d’une réunion ministérielle, mais n’a pas pu être étudié en raison de la pandémie de Covid-19.
La directrice générale de l’OMC, Ngozi Okonjo-Iweala, a demandé aux délégations présentes de trouver des réponses à ces questions d’ici fin février 2022.
Daniel Pauly conclut : « Les prises mondiales pourraient augmenter s’il y avait moins de chalutage. Quand on surpêche, les rendements diminuent pour tous ».
Crédit photo couv : Pierre Gleizes/Greenpeace