Dans un contexte de détricotage des normes environnementales de l'Union européenne, le Parlement européen a repoussé pour la deuxième fois l’application du règlement sur la déforestation importée au motif que certains opérateurs économiques ne seraient pas prêts. Plusieurs acteurs de la filière contestent cette affirmation et appellent à faire appliquer les lois de protection des forêts.
« Les forestiers publics français sont prêts »
En octobre, l’association Canopée organisait une action devant le Parlement européen à Bruxelles. L’objectif : dénoncer les tentatives de détricotage des lois de protection des forêts et porter la voix d’une partie de la filière bois qui réclame un meilleur encadrement de la gestion forestière.
À leur côté, quelques gardes forestiers de l’Office National des Forêts (ONF), membres du Syndicat national unifié des personnels des forêts et de l’espace naturel (Snupfen)-Solidaires, principal syndicat de l’établissement public.
« Les forestiers publics français sont prêts ! Et nous défions tous ceux qui voudraient parler à notre place », clame Raphaël Kieffer, secrétaire général adjoint du Snupfen, sous les applaudissements de quelques dizaines de soutiens.
« Il y a des lobbyistes qui s’expriment au Parlement européen au nom des gestionnaires forestiers publics contre l’application du règlement sur la déforestation importée », explique-t-il à La Relève et La Peste.
« Ils disent que les forestiers ne sont pas prêts, qu’il y a beaucoup de difficultés à le mettre en œuvre. Le problème, c’est qu’ils n’ont pas été mandatés et que les forestiers de terrain ne se reconnaissent pas dans ce discours. »
Au contraire, Raphaël Kieffer affirme que la plupart des adaptations voulues par le texte ont déjà été mises en place par l’ONF.
« Le règlement demande aux gestionnaires de mettre en œuvre une traçabilité des bois. C’est une traçabilité qu’on pratique déjà depuis plusieurs années à l’ONF », explique-t-il. « Cette année, l’ONF va déployer un logiciel qui va permettre de la faciliter, de la rendre encore plus complète de la parcelle jusqu’à l’acheteur. »

Raphaël Kieffer, secrétaire général adjoint du Snupfen Solidaires
Des entreprises qui se préparent en vain ?
Du côté du secteur de la transformation du bois, certaines entreprises françaises se disent également prêtes à appliquer les règles européennes en matière de traçabilité. C’est le cas de la scierie Forêt Vivante , dans l’Aisne, qui privilégie l’utilisation des bois issus de forêts gérées en sylviculture mélangée à couvert continue et garantit leur traçage précis.
« Le bois coupé en forêt est marqué. Quand il est scié chez nous, il l’est à nouveau : mon client peut savoir de quelle forêt vient le bois et la façon dont elle a été gérée », confirme Julien Kikel, cofondateur de la scierie, à La Relève et La Peste.
De grands groupes critiquent également ce report, notamment du fait des investissements déjà consentis par ces entreprises.
« Les récentes propositions de simplification et de report viennent créer une insécurité juridique, envoient des signaux contradictoires sur le rôle et les priorités de l’UE », déclarait l’Alliance pour la Préservation des Forêts dans un communiqué du 2 septembre 2025.
Ce collectif européen d’entreprises comprend notamment Nestlé et Ferrero, critiqués pour les conséquences sociales et écologiques de leurs activités. Pourtant, ces groupes dénoncent désormais un recul désavantageant les entreprises s’étant mises en conformité.
« Les spéculations permanentes sur d’éventuelles extensions sapent la confiance des entreprises et rendent toute planification impossible », déplorent-elles. Nous appelons donc les institutions européennes à garantir que ce règlement entre bien en application le 31 décembre 2025, comme adopté, sans nouveau délai. »
« Malheureusement, le chrono tourne d’un point de vue environnemental. Curieusement, certains opérateurs économiques sont parfois moins opposés à des évolutions et plus conscients des enjeux sur la forêt que les décideurs politiques qui voient principalement les échéances électorales à court terme », estime Eric Sargiacomo, député européen (S&D) et Vice-président de la commission de l’agriculture et du développement rural au sein du parlement, pour La Relève et La Peste.
Le règlement sur la déforestation importée n’entrera donc en vigueur, pour les grandes et moyennes entreprises, qu’à partir du 30 décembre 2026 au plus tôt. Les micros et petites entreprises devront s’y conformer à compter du 30 juin 2027, à condition que le calendrier et les dispositions du texte ne soient pas de nouveau révisés.
En effet, le Parlement européen s’est réservé la possibilité de réexaminer le règlement d’ici avril 2026.
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