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Tourisme de simulation : des lieux artificiels sous prétexte « d’authenticité »

« Ce n’est pas du tout une nouveauté : les center parcs, qui sont les plus gros consommateurs d’électricité en milieu rural, ont été conçus comme des bulles artificielles. Pareil pour tous les parcs, qu’il s'agisse de Disney ou des parcs dits « naturels » en Afrique, qui expulsent leurs habitants pour vendre une « nature sauvage »

Le tourisme mondial pèse si lourd, au point d’atteindre 1 400 milliards d’USD de recette en 2023 et en voie de retrouver les niveaux d’avant la pandémie en 2024, qu’il est le reflet de la santé de notre société. Le tourisme de simulation, artificiel, déconnecté de son environnement géographique, historique, culturel et climatique pourrait illustrer son dysfonctionnement. Cette quête à l’hyper-réalité ne date pas d’aujourd’hui, mais continue de se développer mondialement.

Le tourisme de simulation, paradoxe entre authenticité et artificiel

Alors qu’il est évident que le tourisme doit se réinventer en privilégiant des formes plus responsables, dans l’optique d’équilibrer attractivité et durabilité des territoires, le tourisme de masse bat son plein et la course à l’hyper-modernité est effrénée.

Dans un monde où l’authenticité est souvent recherchée comme Le Graal des expériences touristiques, une question intrigante se pose : pourquoi tant de touristes affluent-ils vers des lieux artificiels ? Des parcs à thèmes aux complexes hôteliers ultra-modernes, en passant par des répliques historiques, ces lieux fabriqués de toutes pièces attirent des millions de visiteurs chaque année. Cette tendance, qui semble paradoxale, révèle les aspects profonds des motivations humaines et des dynamiques du tourisme contemporain.

L’intérêt pour le secteur des parcs de loisirs semble d’ailleurs répondre aux attentes d’un marché en recherche de dépaysement et d’immersion, avec une fréquentation en hausse, avoisinant les 70 millions de visiteurs chaque année en France.

« La quête d’authenticité n’est absolument pas une constante, elle n’occupe finalement qu’une toute petite frange des vacanciers – les catégories sociales les plus éduquées – qui cherchent à réaliser un voyage dans le temps à travers leur déplacement dans l’espace » livre Saskia Cousin, anthropologue et auteure du livre « sociologie du tourisme », pour La Relève et La Peste.

Le complexe hôtelier The Venetian à Las Vegas recrée les canaux de Venise et les tours en gondole sous un ciel artificiel

L’hyper-réalité répond aux attentes touristiques actuelles

« Ceux qui font du tourisme veulent d’abord voir ce qu’il faut avoir vu et expérimenter ce qui doit l’être. Le tourisme est la mise en scène du monde, fondamentalement mimétique. Dans ce contexte, le tourisme de simulation n’est qu’un avatar supplémentaire, l’aboutissement même de la logique touristique » continue Saskia.

La popularité des lieux artificiels s’explique par une combinaison de facteurs : l’évasion, le confort, l’accessibilité, l’innovation et la recherche d’expériences émotionnelles intenses.

L’hyper-réalité représente une réalité, différente de la réalité matérielle, générée par un processus de simulation, qui conduit à ne plus faire la distinction entre le “vrai” et le “faux”. L’authenticité est donc mise en scène pour répondre aux attentes des individus, avides de vivre des expériences fortes et différentes de celles de leur vie quotidienne, préférant souvent l’extraordinaire à l’ordinaire.

Une manifestation symbolique de notre époque, où les attractions et les expériences semblent plus attrayantes que les réalités qu’elles imitent. Ces “bulles touristiques” répondent également aux besoins de sécurité, où l’immersion est facilitée, sans tous les inconvénients de la réalité.

La station de ski artificielle dans un centre commercial à Dubaï (voir photo de couverture), le complexe hôtelier The Venetian à Las Vegas recréant les canaux de Venise et les tours en gondole sous un ciel artificiel ou encore Planète Sauvage à Nantes reproduisant l’expérience safari dans un parc animalier, font partie des exemples qui illustrent ces propos.

Planète Sauvage, à Nantes, reproduit l’expérience d’un safari dans un parc animalier

Et les idées ne semblent pas manquer aux porteurs de projets désirant profiter du filon, à l’image de certaines fermes d’élevages de poissons qui proposent de nager avec leurs thons géants en Espagne…

En revanche, les musées interactifs, les parcs scientifiques et les villages historiques offrent eux une richesse d’expériences interactives et éducatives. Cosquer Méditerranée, qui abrite la réplique de la Grotte Cosquer à Marseille, contribue à la préservation d’un espace fragile et à l’éducation publique du patrimoine préhistorique.

Le Tuna Tour Experience en Espagne propose aux touristes de nager avec les thons destinés à la consommation humaine

Un impact environnemental et social

La création et l’entretien des infrastructures touristiques peuvent avoir un impact environnemental néfaste, de par les ressources considérables qu’elles demandent, la destruction d’écosystèmes qu’elles engendrent et la quantité d’énergie qu’elles consomment.

« Ce n’est pas du tout une nouveauté : les center parcs, qui sont les plus gros consommateurs d’électricité en milieu rural, ont été conçus comme des bulles artificielles. Pareil pour tous les parcs, qu’il s’agisse de Disney ou des parcs dits « naturels » en Afrique, qui expulsent leurs habitants pour vendre une « nature sauvage ». On en constate les conséquences ravageuses ici, au Bénin » livre Saskia Cousin.

Le projet Canua Island, à 16 millions d’euros, peut également faire office d’exemple. Pensé pour accueillir 350 clients, cet ilot artificiel flottant végétalisé de 1750 mètres carrés, a finalement ouvert ses portes le 13 juillet dernier au large de Mandelieu-la-Napoule sur la Côte d’Azur, après un an de polémique politique et judiciaire. Au grand désespoir des associations écologiques et du président de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Renaud Muselier, qui qualifiait cette berge « d’aberration écologique » et contestait les autorisations, notamment à cause de la pollution engendrée et des nuisances pour la faune et la flore.

« Cependant, dans certaines conditions, il peut être mieux pour les populations locales, que les touristes restent dans les « districts touristiques » produits pour eux. On connaît les effets délétères de l’emprise des locations de courte durée et de la transformation des commerces causée par la touristification » conclut la sociologue.

Chloe Droulez

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