Le 21 octobre dernier, un amendement a été déposé dans le cadre du projet de loi de finances 2025 afin d’obtenir un moratoire concernant les projets routiers et autoroutiers, fruit d’un travail collaboratif entre le collectif La Déroute des routes et des parlementaires. Ces derniers espèrent, d’une part, voir significativement chuter le budget pharaonique aujourd’hui alloué à ces projets dont près de la moitié pourraient être évités, et souhaitent d’autre part engager une réflexion sur la place de la voiture individuelle et la nécessité de développer urgemment les nouvelles formes de mobilité douce.
Repenser la place de la voiture individuelle
26 milliards d’euros. C’est la somme que coûtent actuellement près de 91 projets et infrastructures routiers et autoroutiers recensés aujourd’hui en France par le collectif La Déroute des routes. Une somme colossale, surtout lorsque l’on pourrait se passer de près de la moitié d’entre eux, comme l’explique Bruno Dalpra, membre du collectif alsacien GCO Non Merci pour La Relève et la Peste.
« Il existe 55 projets contestés, pour un coût de 18 milliards d’euros. L’exemple le plus emblématique, c’est l’A69. Ce projet autoroutier est un symbole de ce qu’il faut précisément changer dans la façon d’aborder les infrastructures. Au sein de GCO, nous ressentons une certaine amertume, une colère, parce qu’on voit se répéter des schémas que nous avons vécu dans notre lutte ».
En effet, avec son collectif local, Bruno Dalpra avait déjà lutté contre le Grand contournement ouest de Strasbourg qui, après avoir été remis en doute en 2021 par le tribunal administratif de Strasbourg, est tout de même entré en service, bafouant les réglementations écologiques et autres mesures compensatoires.
Partant de ce constat comme de tant d’autres en France, le collectif La Déroute des routes, regroupant de nombreuses associations luttant contre des projets routiers destructeurs, travaille d’arrache-pied depuis plusieurs années déjà afin d’amener à repenser la place de la voiture au quotidien en France mais aussi de rediriger le budget routier vers des mobilités en cohérence avec les enjeux environnementaux actuels.
À ce titre, un moratoire sur les projets routiers et autoroutiers avait été publié en 2022, grâce au travail des membres du collectif mais aussi de plusieurs députés. En septembre de la même année, La Déroute des routes est reçue à l’Assemblée nationale et auditionnée par Alma Dufour, alors rapporteur spécial de la mission « conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et des mobilités durables », mais cette parenthèse d’espoir ne débouchera finalement sur aucune avancée.
Un amendement déposé en octobre
En 2023, là encore, le collectif fait une proposition d’amendement au projet de loi de finances concernant un moratoire. « Ça n’a rien donné, une fois de plus. Le gouvernement est resté campé sur un discours de la nécessité des projets routiers et autoroutiers. C’était un dialogue de sourds », précise Bruno Dalpra à La Relève et la Peste.
En octobre de la même année, toutefois, le collectif obtient une rencontre avec Clément Beaune, ministre des transports de l’époque. Une fois n’est pas coutume, La Déroute des routes repart bredouille mais surtout consternée d’un tel aveuglement de la part du gouvernement.
« En janvier 2024, il y aurait tout de même dû avoir la publication d’une liste des projets autoroutiers qui auraient pu être abandonnés. Mais il y a eu un remaniement ministériel et elle n’a finalement jamais été publiée, ajoute le membre de GCO Non Merci. Quoiqu’il en soit, cette liste ne correspondait en rien au moratoire demandé par le collectif sur une potentielle remise en question de l’ensemble des projets routiers et autoroutiers ».
Après de nouveaux échanges au sein du collectif et élus écologistes ou LFI, l’idée revient alors de questionner les projets routiers et autoroutiers en France autour d’un moratoire, et notamment sur les économies à réaliser, à travers un amendement déposé le 21 octobre dernier en vue d’une proposition de loi de finances.
Un budget pour les solutions de mobilité douce
« En raison d’une politique de transport très largement tournée vers le développement des routes et des autoroutes, la France possède l’un des plus grands réseaux routiers du monde et le premier d’Europe avec plus de 1 100 000 kilomètres de routes. Si le bon entretien de ce réseau est un enjeu indispensable de sécurité routière et nécessite un investissement annuel de l’Etat d’environ 1 milliard d’euros – ce coût ne cesse de croître à cause du dérèglement climatique et de la hausse du nombre de poids lourds -, la construction de nouvelles routes est elle encore mise en avant pour répondre aux problèmes de congestion du trafic automobile », explique le collectif dans un communiqué.
« Il est important de comprendre que nous ne sommes pas sectaires, nous ne sommes pas en train de dire que nous ne voulons plus de nouvelles routes. L’objectif, c’est de réinvestir dans des structures qui permettent de se déplacer autrement, de soutenir les autres mobilités douces, les infrastructures cyclables et le réseau ferroviaire », abonde Bruno Dalpra pour La Relève et la Peste.
« Les récentes catastrophes dues aux inondations montrent bien, une fois encore, que l’artificialisation des sols et notamment la disparition des zones humides ont des conséquences dramatiques lorsqu’il y a des fortes pluies. Aujourd’hui, des espaces qui pourraient absorber une partie de l’eau ne le font plus », poursuit le membre de GCO Non Merci.
Rappelons que, dans le même temps, le financement du « plan vélo », voté en 2023 à hauteur de de 2 milliards d’euros, a été supprimé sur volonté purement arbitraire du gouvernement, mais également que « le plan d’investissement de 100 milliards d’euros en faveur du transport ferroviaire annoncé par Elisabeth Borne en février 2023 ne s’est par exemple toujours pas concrétisé », comme l’indique le communiqué de La Déroute des routes.