Nouveau revirement de situation pour les 42 000 tonnes de déchets toxiques de l’affaire Stocamine. En novembre 2021, le gouvernement avait tenté d’imposer leur enfouissement définitif illimité à travers un amendement dans le cadre de la loi de finance pour 2022. Le Conseil constitutionnel a censuré cet article qu’il considère comme un « cavalier législatif » contraire à la Constitution. Une nouvelle victoire d’étape pour les associations de protection de l’environnement. L’enfouissement menace l’une des plus grandes nappes phréatiques d’Europe.
Le 17 décembre dernier, la Collectivité européenne d’Alsace avait saisi le Conseil Constitutionnel suite à l’amendement adopté « en catimini » par les parlementaires, dans le cadre du projet de loi Finances pour 2022, d’un dispositif permettant d’enfouir définitivement 42.000 tonnes de déchets toxiques sur le site de Stocamine dans le Haut-Rhin.
Lire aussi : Stocamine : les députés autorisent en douce l’enfouissement des déchets toxiques
Le 28 décembre 2021, les Sages ont donné raison à la Collectivité européenne d’Alsace et ont censuré ce dispositif, dans l’avis qu’ils ont rendu sur le texte de loi. Un soulagement pour les associations, riverains et élus qui avaient été outrés par la manœuvre législative du gouvernement pour passer en force sur ce dossier épineux.
« La décision du Conseil Constitutionnel est un gros pavé dans la mare, surtout qu’elle émane d’une demande du Président de la Collectivité Européenne d’Alsace, Frédéric Bierry, dans ce dossier. Nous réitérons notre demande, exprimée à plusieurs reprises lors de réunions de la CSS (Commissions de Suivi de Site), de réunir les responsables des différentes Collectivités, Grand-Est, CEA, Conseil Rhénan ainsi que les parlementaires allemands afin de trouver une solution qui ne mette pas en danger la nappe phréatique. » explique Yann Flory, porte-parole du collectif Destocamine, pour La Relève et La Peste
Suite à la fermeture des Mines de potasse d’Alsace (MDPA), les mines ont été transformées en site de stockage souterrain de déchets dangereux non radioactifs, initialement présenté comme un projet « réversible » et temporaire.
Après un premier déstockage périlleux entre 2015 et 2017, 42 000 tonnes de déchets toxiques sont encore stockés sous terre, à 550 mètres de profondeur, dont certains contiennent du mercure, du chrome, du cadmium, de l’arsenic ou de l’amiante.
Or, leur enfouissement définitif, solution prônée par le gouvernement français, menace l’une des plus grandes nappes phréatiques d’Europe : la nappe phréatique rhénane qui prodigue 75% des besoins en eau potable d’Alsace, et alimente 7 millions d’européens en eau potable.
Lire aussi : Stocamine : 42 000 tonnes de déchets toxiques définitivement enfouis par le gouvernement
« D’un point de vue environnemental et sanitaire, le déstockage est crucial car tous les experts nous disent que tôt ou tard ces produits toxiques se mélangeront à la nappe au fond de la mine, et que la saumure polluée finira par atteindre les niveaux supérieurs de la nappe. L’eau est déjà en partie impropre à la consommation à cause de la pollution, environ 30% de cette nappe, on ne peut pas continuer comme ça. Là, c’est vraiment un problème de responsabilité envers les générations futures. Nous avons déjà des soucis avec l’eau et nous en aurons de plus en plus, comme toutes les institutions qui travaillent sur le sujet nous alertent, et là on hypothèque l’avenir en continuant de littéralement s’enterrer dans des solutions temporaires qui ne font que décaler des problèmes, c’est une irresponsabilité politique. » dénonce Yann Flory, porte-parole du collectif Destocamine, pour La Relève et La Peste
Malgré les recommandations émises par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et des rapports parlementaires, le gouvernement souhaite enfouir définitivement les déchets toxiques en raison des contraintes techniques et financières causées par leur déstockage.
Or, le temps presse : la mine se referme sur le sous-sol d’environ un centimètre par an, ce qui entraine des difficultés exponentielles dans la gestion et le déroulement de potentiels travaux. Ainsi, le déstockage pourrait bien devenir infaisable dès 2029, selon une étude du BRGM, en raison des dangers liés à la géomécanique.
Suite à la décision du Conseil Constitutionnel, les travaux de confinement des déchets sont bloqués et ne pourront pas commencer l’injection du béton comme prévu ce début d’année.
Dans un communiqué, la Collectivité européenne d’Alsace s’est félicitée de cette décision qui « donne l’opportunité à l’Etat de reprendre à zéro la question du déstockage des déchets dans les galeries de Stocamine, en cohérence avec les enjeux de protection l’environnement et de santé des habitants. » La collectivité a déclaré offrir « sa main tendue » à l’Etat pour rouvrir le dossier.
« Ensemble, nous devons travailler à des processus industriels de retraitement des déchets ».
Un vœu partagé par les associations de riverains et environnementales qui suivent le dossier depuis plus de vingt ans, et attendent maintenant la prochaine décision de l’Etat qui avait saisi le Conseil d’Etat après un arrêt de la Cour administrative d’appel de Nancy annulant l’arrêté préfectoral autorisant l’enfouissement des déchets à Wittelsheim.
« Le souci, c’est qu’il y a désormais un problème de confiance, relevé par de nombreux politiques, si jamais le principe de précaution et de réversibilité n’était pas appliqué. Suite à de nombreux mensonges successifs et manœuvres politiciennes, la confiance en l’Etat a disparu. Le dossier est maintenant une bataille juridique que nous suivons avec attention. » conclut Yann Flory porte-parole du collectif Destocamine, pour La Relève et La Peste
Lire aussi : Stocamine : la justice suspend l’enfouissement des déchets toxiques