Le 15 février dernier, le tribunal administratif de Grenoble a acté l’annulation du Plan local d’urbanisme (PLU) de l’Alpe d’Huez. Ce dernier souhaitait créer 2400 nouveaux lits touristiques pour retrouver la capacité d’accueil touristique de la commune des années 1990. Et ce, alors que 60% des lits existants sont occupés moins d'1 mois par an. Pour cette raison, France Nature Environnement (FNE) avait engagé, en 2020, un recours en annulation contre la délibération de 2019, jugée déconnectée « des enjeux climatiques ».
L’Alpe d’Huez : 60% de « lits froids »
« La juridiction a considéré que le rapport de présentation du document est insuffisant et insincère concernant l’analyse des besoins et potentiels de réhabilitation de l’immobilier de loisir », rapporte FNE dans son communiqué du 20 février.
L’association de défense de l’environnement en réfère ici à la volonté de la commune iséroise d’atteindre une capacité de 31 000 lits à l’horizon 2034, présentée il y a 5 ans dans son PLU, pour toucher à nouveau du doigt son âge d’or touristique d’il y a trois décennies.
Or, selon FNE, près de 60% des lits touristiques de l’Alpe d’Huez sont dits « froids », soit des hébergements occupés moins de quatre semaines par an. Une ineptie donc, que de vouloir en ajouter des milliers d’autres.
Pour l’association, le rapport de présentation du PLU « ne permet pas de justifier ces objectifs au regard des besoins en termes d’aménagement, ni d’appréhender sérieusement la nécessité de réhabiliter massivement le parc actuel ».
Des politiques d’aménagements démesurées
Comme elle le rappelle, en France, de plus en plus de stations de montagne doivent en effet faire face à ce phénomène de « lits froids ». Dans les cas les plus extrêmes, certaines d’entre elles subiraient « une perte virtuelle de chiffre d’affaires proche de 50 % », comme le rapportent nos confrères du Monde.
Selon FNE Isère, cette situation serait notamment liée « à l’arrivée à échéance des différentes politiques de défiscalisation et au vieillissement du parc immobilier ».
Ainsi, les communes les plus impactées se tournent vers des politiques d’aménagement toujours plus démesurées.
« Mais ces nouveaux lits, sans politique de réhabilitation immobilière, finiront à terme par se « refroidir ». Ces politiques d’aménagement […] se traduisent également par une consommation toujours plus importante de terres naturelles et agricoles », ajoute l’association.
La position du tribunal administratif de Grenoble envoie en ce sens un message fort à l’ensemble des stations de ski pour l’avenir. Pour les écologistes, « seule la réhabilitation du parc immobilier existant permettrait aux communes d’enrayer de manière pérenne ce phénomène ».
L’avenir du ski compromis
Ces derniers se posent d’ailleurs la question légitime de la pertinence d’aménagements au sein des stations de montagne, alors même que l’avenir du ski est menacé par le réchauffement climatique.
En effet, selon une étude publiée dans Nature Climate Change, une hausse de 2°C entraînerait un risque « très élevé » de manque de neige pour 53% des stations, atteignant 98% si le scénario des 4°C se profile.
Ainsi, nombreuses sont celles qui se sont jusque là appuyées sur la neige artificielle pour contrebalancer les saisons difficiles. C’est d’ailleurs le cas à l’Alpe d’Huez, où la fréquentation a augmenté de 15% cet hiver du fait de la neige de culture issue des canons à neige, essentiels pour « garantir un domaine skiable enneigé tout au long de la saison et pour faire vivre la station économiquement », selon cette dernière.
D’autres, trop rares, font cependant le choix d’accepter et préparer, en pleine conscience, la fin de leur activité.
C’est notamment le cas de la station de Métabief, dans le Haut-Doubs, qui estime sa fermeture aux alentours des années 2040 et a d’ores et déjà engagé un « plan de transition climatique », à travers la mise en place d’activités telles que la luge quatre saisons, le VTT de descente ou encore les aménagements pour randonnées.
De son côté FNE estime que « les politiques d’aménagement en montagne doivent rapidement se réinventer », afin d’assurer la « préservation de notre environnement, mais également de ces territoires de montagne, dont l’équilibre économique est intrinsèquement lié aux problématiques environnementales ».
Sources : « Les « lits froids », un mal persistant dans les stations de sports d’hiver », Le Monde, 23/02/2021 / « Environnement et RSE », alpedhuez.com / « Isère : face à l’affluence, l’Alpe d’Huez envisage de limiter le nombre de skieurs sur les pistes le week-end », France Bleu Isère, 07/02/2024