En France, des milliers de dauphins sont tués chaque année dans les filets des pêcheurs industriels durant l’hiver. Pour faire connaître au grand public cette silencieuse hécatombe, Sea Shepherd France a apporté leurs cadavres en centre-ville. L’ONG se retrouve attaquée en justice par l’une des villes pour « transport illégal d’espèce protégée ».
Une menace pour la survie des dauphins
Chaque hiver, le Golfe de Gascogne est le théâtre d’une sinistre hécatombe. Des milliers de dauphins se retrouvent prisonniers dans les filets des chaluts industriels. Remontés à bord, ils sont découpés pour les dégager des filets, et rejetés morts ou blessés dans la mer, d’autres fois ce sont leurs poumons qui explosent. Répertoriée par l’Observatoire Pélagis, l’hécatombe s’intensifie d’année en année pour atteindre le triste record de 11 500 dauphins communs tués par capture accidentelle en 2019.
Avec « l’Opération Dolphin bycatch », l’ONG Sea Shepherd envoie chaque année des bateaux patrouiller les mers pour limiter les drames et s’assurer que les pêcheurs respectent les réglementations. En effet, un taux de mortalité lié aux activités humaines dépassant 1,7% n’est pas soutenable pour une population de petits cétacés.
Or, dans l’état des choses actuelles, le taux de mortalité des dauphins dans le Golfe de Gascogne est une menace pour la survie de l’espèce à moyen terme !
Pour alerter le grand public sur ce problème, Sea Shepherd France a lancé cette année une opération de sensibilisation choc en allant exposer les cadavres de dauphins tués dans les centre-villes. En retour, le Parquet des Sables d’Olonnes a décidé de poursuivre l’ONG en justice pour « transport illégal d’espèce protégée ». Le risque maximal encouru est de 3 ans de prison ferme et 150 000 euros d’amende.
« Nous irons en prison s’il le faut pour continuer à alerter le grand public sur l’hécatombe qui a lieu en France. Ces milliers de dauphins sont tués chaque année par des bateaux de pêche qui prétendent vouloir être transparents mais qui continuent de refuser farouchement les caméras à bord des navires pour identifier les bateaux responsables. » a réagi l’ONG Sea Shepherd France
Rien que ce weekend, 16 dauphins ont été retrouvés morts, et il s’agit seulement des cas échoués signalés, combien y en a-t-il vraiment eu au total ? Le taux d’échouage enregistré par les scientifiques est 30 fois supérieur au taux normal. Avec une fourchette moyenne de 6000 dauphins tués par an sur la façade atlantique, le taux de mortalité qui ne doit pas être dépassé sur une année entière l’est en un mois seulement !
La criminalisation des militants
En France, le dauphin est une espèce protégée depuis l’arrêté de 1970 qui stipule que : « il est interdit de détruire, de poursuivre ou de capturer, par quelque procédé que ce soit même sans intention de les tuer, les mammifères marins de la famille des delphinidés (dauphins et marsouins) ». Et le problème du Golfe est bien connu des autorités.
La préfète de la région Nouvelle-Aquitaine a même tout récemment interdit la pêche au chalut dans la réserve naturelle du plateau de Rochebonne, à la demande des ONG et de la population. Dans le reste du Golfe, les bateaux doivent maintenant être équipés de « pinger », un dispositif acoustique créé pour repousser les cétacés, qui ne fonctionne malheureusement pas toujours.
« La solution c’est d’interdire les méthodes de pêche non-sélectives. Il y a des milliards d’euros (22 milliards en 2018 pour l’Europe) dépensés pour le secteur de la pêche. Donc que cet argent serve à la reconversion des pêcheurs qui sont impliqués dans les pêcheries destructrices. Pour les consommateurs, il faudrait qu’ils arrêtent de manger du poisson, c’est ce qu’il y a de plus radical et de plus efficace. Ou vraiment se contenter du poisson pêché à la ligne. » explique Lamya Essemlali pour France Slash
Les bateaux de Sea Shepherd sont également sous étroite surveillance, suivis par des navires de la gendarmerie lors de leurs missions en mer. Depuis leur départ de La Rochelle le 21 Janvier dernier, leur navire Sam Simon est ainsi escorté par le bâtiment de la Marine National Thétis. Il a ensuite été rejoint par la vedette de la Gendarmerie Maritime de Concarneau Élorn et par un avion de surveillance de la Marine Nationale. L’ONG n’a pas été informée des raisons de cet accompagnement et s’interroge :
« De quoi le gouvernement a t-il peur ? De Sea Shepherd ou d’un autre dérapage de la part des pêcheurs ? »
Le fait que l’ONG soit aujourd’hui surveillée par la gendarmerie et attaquée en justice est symptomatique de la facilité des autorités à criminaliser les militants, plutôt que prendre des mesures structurelles pour pallier à un problème écologique et sociétal.