En Ouganda, les habitants opposés aux projets pétroliers Tilenga et EACOP, portés par le français TotalEnergies et le chinois CNOOC, subissent intimidations, arrestations arbitraires, emprisonnement et poursuites judiciaires.
Stop EACOP, une criminalisation croissante
Le 12 novembre 2024, 20 militants stopEACOP devaient comparaître devant le tribunal pour « nuisance publique ». Pour des raisons de procédures, l’affaire a été ajournée au 26 novembre. Les jeunes activistes ont été arrêtés le 26 août 2024, alors qu’ils marchaient en direction du Parlement ougandais et du ministère de l’énergie et du développement minéral pour remettre une pétition au ministre, aux députés, ainsi qu’à TotalEnergies et CNOOC, l’entreprise chinoise associée au géant français pour ce projet.
« La police nous a battu » s’insurge le militant Bob Barigye, « les femmes ont été humiliées ».
Détenus pendant 11 jours à la prison de haute sécurité de Luzira, les activistes décrivent des « cellules insalubres », avec une toilette pour 100 personnes, des maladies provoquées par le manque d’accès à l’eau, des matelas infestés par les punaises de lit.
La proximité des cellules féminines et masculines engendre un harcèlement lorsque les femmes se déplacent dans la prison. Une énième violence pour l’activiste Martha Anviko, qui a été déshabillée et traînée au sol par l’armée lors de son arrestation. Durant les interrogatoires, la police l’intimide. « Qui va vous marier ? », qui va épouser « une femme qui manifeste ». Les militants ont finalement été libérés sous caution le 6 septembre.
Les autorités ougandaises multiplient les arrestations. Les Amis de la Terre France ont recensé, à travers une carte interactive, 60 cas d’arrestations et d’intimidations depuis 2019, soit un par mois en moyenne. En plus des 20 activistes en procès, 11 autres défenseurs de l’environnement et des droits de l’homme font l’objet de poursuites judiciaires.
« Vous ne pouvez pas protester contre l’EACOP sans être arrêté » souligne Eron Kiiza, un des avocats des militants. La liberté de réunion, d’association, de mouvement et de manifestation pacifique est remise en cause selon lui.
« Si vous osez vous élever contre ce projet, vous serez battu, vous serez harcelé, vous serez détenu, vous serez surveillé, votre vie privée sera violée jusqu’à ce que vous cessiez de protester », poursuit-il.
Un désastre écologique
Le projet EACOP « détruit les vies des communautés locales » explique Eva Kakuma, avocate et membre de Youth for Green Communities. Les terres sont réquisitionnées. Les taux de dédommagement sont bas. Dans les cas où les communautés locales résistent, le gouvernement leur intente des procès. S’en suivent des décisions juridiques prises de manière expéditive : démolition des bâtis et expulsion des habitants sous 4 jours.
En terme environnemental, les projets pétroliers menacent le lac Victoria, les rivières de la région d’Albertine, au sud de l’Ouganda, et les espèces sauvages présentent sur la zone, notamment les chimpanzés et les éléphants.
Pour rappel, le projet Tilenga prévoit le forage d’environ 400 puits de pétrole dans le pays. EACOP (East African Crude Oil Pipeline) est, comme son nom l’indique, l’aqueduc de 1443 kilomètres qui acheminera le carburant jusqu’au port de Tanga (Tanzanie) et sera le plus long oléoduc chauffé au monde. Il est soutenu par le gouvernement français au détriment des droits humains les plus élémentaires et de réserves naturelles uniques au monde, quitte à faire alliance avec un dictateur au pouvoir depuis 35 ans. EACOP et Tilenga sont décriés par les parlementaires européens, de nombreuses personnalités religieuses et fait l’objet de plusieurs actions en justice.
La pétition, que les militants tentaient d’apporter au sein des lieux de pouvoir ougandais le 26 août, jour de leur arrestation, détaille les demandes des communautés dont les territoires sont affectés. Ces dernières réclament, notamment, des compensations foncières équitables et la prise en compte des impacts environnementaux.
Malencontreuse invisibilisation des luttes, les ambassades des pays occidentaux en Ouganda refusent, de manière répétitive, de donner des visas aux militants qui veulent voyager en Europe pour expliquer la situation locale.
S’informer avec des médias indépendants et libres est une garantie nécessaire à une société démocratique. Nous vous offrons au quotidien des articles en accès libre car nous estimons que l’information doit être gratuite à tou.te.s. Si vous souhaitez nous soutenir, la vente de nos livres financent notre liberté.