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Rejet des Pays-Bas, vers la fin de l’accord UE – Mercosur ?

Une motion du « Parti pour les animaux » avait été soumise aux députés, appelant à ce que le gouvernement des Pays-Bas rejette le traité, au motif que celui-ci entraînerait une nouvelle vague de déforestation en Amazonie et nuirait aux agriculteurs européens en créant toutes les conditions d’une concurrence déloyale.

Le Parlement néerlandais s’est opposé à l’accord de libre-échange signé entre l’Union européenne et les pays du Mercosur, pour des motifs environnementaux et agricoles. Si les Pays-Bas maintiennent leur position et sont rejoints par d’autres pays, ce rejet pourrait signer l’enterrement d’un projet commercial catastrophique pour la vie sur terre.

Un accord écocidaire

C’est une bonne nouvelle pour les citoyens européens et une petite lueur d’espoir pour l’Amazonie. Mercredi 3 juin, la majorité de la Chambre des représentants du parlement néerlandais a voté contre l’accord de libre-échange conclu il y a moins d’un an entre l’Union européenne (UE) et les pays du Mercosur, une alliance rassemblant quatre des plus importantes économies d’Amérique du Sud (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay).

Une motion du « Parti pour les animaux » avait été soumise aux députés, appelant à ce que le gouvernement des Pays-Bas rejette le traité, au motif que celui-ci entraînerait une nouvelle vague de déforestation en Amazonie et nuirait aux agriculteurs européens en créant toutes les conditions d’une concurrence déloyale.

Mais que contenait l’accord entre l’UE et le Mercosur ? Négociée depuis vingt ans et présentée par ses soutiens comme la plus grande de tous les temps, cette alliance commerciale prévoyait tout d’abord une suppression progressive de 91 % des droits de douane entre les pays signataires, au cours des dix prochaines années, dans le but de créer une nouvelle zone de libre-échange entre les deux continents aussi souple que celle qui existe aujourd’hui en Europe.

En échange d’un quota d’importation de 99 000 tonnes annuelles de viande bovine sud-américaine, l’Union européenne obtenait ensuite un meilleur accès de ses entreprises aux appels d’offres des marchés publics locaux, ainsi qu’une garantie sur ses indications géographiques protégées. 

En ce qui concerne l’environnement, le texte du traité contenait un chapitre sur le développement durable : l’Union européenne et le Mercosur s’engageaient à lutter contre le changement climatique et la déforestation, selon un « principe de précaution » conditionné à l’accord de Paris sur le climat et laissé à la discrétion des autorités des différents pays.

Cependant, c’est là que le bât blesse, aucune sanction n’était prévue contre le Brésil ou les autres pays du Mercosur si ceux-ci devaient faillir à leurs engagements climatiques, le chapitre sur la déforestation ne représentant en réalité qu’une invitation courtoise à ne pas déforester davantage… 

Quel serait le coût réel de l’accord commercial avec le Mercosur, s’il venait un jour à être ratifié par tous les pays de l’Union européenne ? Comme le prouve une publication de l’association Les Amis de la Terre France (« L’accord au cou »), la mise en place de ce traité libre-échangiste constituerait une aggravation sans précédent, « tant au niveau régional que mondial », de tous les facteurs qui dégradent de manière catastrophique l’environnement et le climat.

Brasília – O deputado Jair Bolsonaro durante promulgação da Emenda Constitucional 77, que permite médicos militares trabalharem no SUS (Antonio Cruz/Agência Brasil)

Un accord injuste qui amène des pesticides ultra-toxiques dans nos assiettes

En facilitant les échanges, la suppression des barrières douanières entraînerait une hausse immédiate des émissions de gaz à effet de serre (GES) produites par le transport, notamment maritime. Parallèlement, l’accord permettrait à l’UE d’augmenter ses importations, en provenance d’Amérique latine, de bœufs, de soja et de sucre (ou d’éthanol), les trois produits qui contribuent le plus à la déforestation de l’Amazonie.

Disparition des habitats naturels en faveur de pâturages, de fermes gigantesques et de cultures ; augmentation des ventes de voitures ; utilisation accrue de pesticides ultra-toxiques qui se retrouveront dans nos assiettes (le Brésil en est le plus gros consommateur mondial) de manière totalement dérégulée ; caution apportée à des dirigeants criminels et climatosceptiques comme Jair Bolsonaro : ces quelques arguments suffiraient à enterrer pour toujours un tel traité.

Mais ce n’est pas tout. L’accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur pourrait représenter à plus d’un titre un cheval de Troie pour les partisans de la déréglementation. En premier lieu, il permettrait aux pays du Mercosur de forcer l’importation massive sur nos territoires de produits génétiquement modifiés — dont le Brésil et l’Argentine sont les plus grands producteurs mondiaux (pour le soja et le maïs notamment, qui nourrissent également le bétail) —, alors que le marché européen leur est pour l’instant fermé.

Vue depuis l’espace, la fumée des feux allumés pour déforester l’Amazonie et faire de l’agriculture – 19 août 2014, Astronaut photograph ISS040-E-103496

De la même manière, les denrées alimentaires d’Amérique du Sud nous exposeraient à 149 pesticides interdits en Europe, ainsi qu’à des hormones de croissance dangereuses comme la ractopamine et à de la viande contaminée ou avariée, autant de risques sanitaires provoqués par la diminution drastique des contrôles sur les produits importés que prévoit l’accord.

Rappelons qu’après une visite au Brésil en juin 2019, le rapporteur spécial des Nations unies, Baskut Tuncak, a déclaré craindre une « épidémie d’empoisonnement » sur « des générations » par les pesticides.

Les premières victimes de ce traité seront les petits producteurs amérindiens et les populations autochtones d’Amazonie, qui subissent un véritable génocide et une destruction systématique de leur habitat, en toute impunité, ainsi que les agriculteurs européens, qui verront déferler sur le marché unique des centaines de milliers de tonnes de produits dérégulés aux prix dérisoires, accentuant la concurrence déloyale que les paysans supportent déjà à cause de la mondialisation.

C’est d’ailleurs cette dernière raison, parmi d’autres, qui a conduit le Parlement des Pays-Bas à s’opposer à l’accord, alors que ce pays est l’un des inventeurs du capitalisme et un grand défenseur des doctrines du libre-échange. Un tel vote pourrait donc signaler, selon Les Échos, un « changement de paradigme », au sein duquel les questions de climat, de développement durable et d’agriculture locale prennent de plus en plus de place. Reste à savoir si ce changement sera lui-même durable.

Si l’accord devait être ratifié à la fin de l’année 2020, rien n’empêche que la procédure soit décalée à l’année prochaine, après les élections néerlandaises, qui ont lieu en mars 2021… Pour que l’enterrement du traité soit définitif, il faudrait que d’autres pays saisissent l’occasion et se rallient à la position des Pays-Bas. La France saura-t-elle avoir ce courage ?

Augustin Langlade

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