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« Recycler » les algues vertes, une mesure insuffisante pour les éradiquer

« On va développer une filière qui va coûter énormément d'argent et dont on n'est absolument pas sûr qu'elle donne quelque chose. Il y a déjà eu des millions de fonds publics dépensés pour valoriser les algues vertes. On n'a jamais trouvé autre chose que de les utiliser dans les champs. »

Alors que les algues vertes continuent chaque année de polluer les plages bretonnes, leur valorisation est présentée comme l’une des solutions permettant d’endiguer le problème. Une bonne idée qui se heurte à des contraintes techniques. Surtout, les associations craignent qu’une telle approche n’éloigne de l’objectif de réduction de leur prolifération.

Une valorisation des algues échouées

La prolifération des algues vertes est liée au phénomène d’eutrophisation, qui correspond à un excès de nutriments comme l’azote et le phosphore dans les milieux aquatiques, dont les algues se nourrissent et qui proviennent en grande partie de l’agriculture et des élevages.

« Si on ne change pas de modèle agricole, il n’y a aucune raison que la situation évolue dans le bon sens », estime Isabelle Volante de l’association Halte aux marées vertes, pour La Relève et La Peste.

Les algues vertes ne sont pas dangereuses tant qu’elles sont dans l’eau, mais une fois échouées, elles se décomposent et deviennent rapidement toxiques car elles produisent alors un gaz, l’hydrogène sulfuré.

Dans le Finistère, les quantités d’algues vertes ramassées sont telles que les stations de compostages sont saturées. Celle de Plonévez-Porzay, qui valorise ces algues vertes, a dû fermer au début de l’été alors qu’un dégagement de gaz sulfuré a été constaté, rapporte Ouest-France.

Mickaël Cosson entend répondre à la prolifération des algues en promouvant leur valorisation via le ramassage des algues vertes directement en mer, au lieu d’attendre qu’elles n’échouent. Avec Olivier Serva, député de Guadeloupe (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires), il est à l’origine d’une mission flash d’information sur ce sujet. Les côtes des Antilles et de la Guyane sont, elles, confrontées au problème des sargasses.

Si les députés indiquent ne pas renoncer aux politiques visant à empêcher ou limiter l’apparition des algues, ils estiment que l’échec des actions de ramassage doit conduire à envisager des approches complémentaires, lit-on dans la synthèse publiée début mai.

Les applications potentielles de la valorisation des algues vertes sont multiples, mais encore loin d’être opérationnelles pour la plupart. En pratique, elles sont déjà utilisées pour l’épandage dans les champs. Actuellement, ce sont surtout les algues échouées qui sont utilisées.

« C’est un challenge, car nous disposons de 24 à 48 heures maximum entre le ramassage et la transformation, que ce soit pour les usages actuels d’épandage ou pour les traiter en usine, le temps imparti est le même », indique Ronan Pierre, responsable du pôle Innovation & Produits au Centre d’Etude et de Valorisation des Algues (CEVA), pour La Relève et La Peste.

« Aujourd’hui, les principaux usages sont surtout dans l’agriculture, avec l’extraction d’ingrédients pour la santé des plantes et des animaux, et les matériaux, avec la fabrication de bioplastiques, pour des emballages notamment. »

En Bretagne, Jérémy Lucas a fondé la société Paradoxal Surfboards pour fabriquer des planches de surf à partir d’algues vertes échouées, à l’aide de l’impression 3D. Les premières planches, destinées aux surfeurs aguerris, seront disponibles dès le début de l’année 2026.

« Pour l’alimentation humaine, animale et la cosmétique, c’est plutôt la culture en bassin qui est privilégiée », précise Ronan Pierre. « La culture en bassin permet de cultiver les algues vertes toute l’année, mais elle est plus énergivore et plus coûteuse ».

Prolifération d’algues vertes sur une plage bretonne

Un difficile ramassage en mer

Dans la mission flash, les députés estiment que l’échouage des algues est un échec. Ils proposent ainsi de renverser l’approche, et de récolter les algues vertes et les sargasses en mer, « avant leur échouage », lit-on.

« En termes de valorisation, ce serait effectivement très intéressant. Les algues échouées se dégradent et sont difficiles à traiter car elles sont ramassées avec du sable, amenant à l’usure des équipements, ce qui impose des étapes de lavage supplémentaires », explique Ronan Pierre pour La Relève et La Peste.

« Si on parvient à récolter les algues vertes à proximité de la côte, avant qu’elles n’échouent, on aurait des algues plus propres, de meilleure qualité et plus facilement valorisables. »

Seulement, il n’existe pas de technique efficace pour le ramassage en mer. En particulier parce qu’elles ont tendance « à colmater tous les systèmes de ramassage », précise Ronan Pierre, qui pense tout de même « qu’il est techniquement possible de trouver des solutions. »

L’association Eau et Rivières de Bretagne ne partage pas cet enthousiasme. Leurs experts sont réservés sur les possibilités de collecter efficacement en mer ou sur les plages les algues, sans nuire au milieu naturel, et en obtenant une matière première exploitable. « La collecte en mer, option à privilégier pour disposer d’une matière première de qualité, est difficile et coûteuse»

Isabelle Volante est elle aussi sceptique : « On va développer une filière qui va coûter énormément d’argent et dont on n’est absolument pas sûr qu’elle donne quelque chose. Il y a déjà eu des millions de fonds publics dépensés pour valoriser les algues vertes. On n’a jamais trouvé autre chose que de les utiliser dans les champs. »

Pour Ronan Pierre, « effectivement, si, comme aujourd’hui, nous partons d’algues de mauvaise qualité mélangées à du sable, la capacité à en faire des produits intéressants est limitée ».

Isabelle Volante de l’association Halte aux algues vertes craint que le ramassage en mer n’amplifie au contraire les proliférations. En cause, les algues vertes sont très denses et leur ramassage laisserait passer plus de lumière à celles restant dans l’eau. « Or, les algues vertes se reproduisent davantage quand il y a plus de lumière, donc elles risquent de continuer à proliférer. C’est une logique qui nous échappe»

L’ingénieur Ronan Pierre estime que les données sont encore insuffisantes à ce sujet. « Les algues vertes ont besoin de lumière pour se développer mais aussi d’azote, et si l’azote a déjà été consommé par les autres algues, elles en auront moins pour pousser », espère-t-il. « On sait aussi que lorsqu’on réduit les stocks d’algues dans les baies, comme cela se produit naturellement certains hivers tempétueux, cela limite ou retarde la prolifération l’année suivante. »

Isabelle Volante redoute que la valorisation des algues vertes contribue « à rendre acceptable le fait d’avoir des algues vertes et des eaux polluées ».

Même son de cloche du côté de l’association Eau et Rivières. Pour elle, la seule solution pérenne est un changement de modèle agricole, alors que l’élevage porcin industriel est dominant en Bretagne.

« La réduction des excès structurels d’azote relâchés dans les cours d’eau se traduirait rapidement par la réduction et à terme la disparition des accumulations d’algues vertes, et donc la disparition des ressources dont la mission parlementaire étudie la valorisation. »

Si des efforts ont été faits pour lutter contre les marées vertes, ils restent largement insuffisants, avec des quantités d’algues échouées très fluctuantes d’une année sur l’autre et des risques pour la santé humaine et animale qui persistent. En 2024, plus de 14 000 tonnes ont été ramassées dans les Côtes-d’Armor.

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Charlene Catalifaud

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